Le 13 janvier 2000 Denis Chatelier était greffé des deux mains et poignets à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon. Une première mondiale qui allait ouvrir la porte à des avancées considérables dans ce domaine.
Il y a tout juste 20 ans le marathon de la double greffe des mains et poignets était en cours à l'hôpital Edouard Herriot et le monde médical retenait son souffle. Dans la salle d'opération, 18 chirurgiens et une cinquantaine de spécialistes internationaux, dont le professeur Jean-Michel Dubernard chef du service, vont se succéder pendant 17 heures pour réaliser l'intervention. Un défi chirurgical et immunologique sans précédent et une étape importante dans les greffes composites de tissus. Car les risques de rejet peuvent s'additionner.
Le patient ? Denis Chatelier, un homme de 33 ans, qui a eu les deux mains arrachées 4 ans plus tôt par l'explosion de fusées artisanales.
Près d'un mois plus tard, le 7 février, Denis Chatelier peut lever victorieusement ses deux avant-bras, encore dans le plâtre : l'opération a parfaitement réussi. Mais il n'est qu'au début d'un long processus.
La longue rééducation
Car à partir de là, c'est l'implication du patient qui va être déterminante. Le traitement médicamenteux est lourd. Et par deux fois un début de rejet intervient obligeant les médecins à augmenter encore plus le nombre de cachets. Les rejets sont circonscrits.Et puis la rééducation est intense : 6 heures par jour. Mais jamais Denis Chatelier ne baissera sa garde, bien entouré par sa famille. "Un homme tenace et accrocheur", selon le Pr Dubernard.
Tout ce qui a sans doute manqué au premier greffé d'une seule main, Clint Hallam un Néo-Zélandais. L'opération a lieu en septembre 1998. Mais l'homme est recherché pour des escroqueries, interdit de séjour dans son propre pays et isolé, psychologiquement fragilisé. Il ne supporte plus cette "main étrangère", ne suis plus son traitement et ne fait pas de rééducation. C'est un échec.
Une première suivie de beaucoup d'autres
Cinq années plus tard, 22 transplantations des deux mains ont été effectuées dans le monde dont 3 à Lyon. Une technique qui s'affine et qui conduira quelques années plus tard à la première greffe du visage. Le 27 et le 28 novembre 2005, l'équipe du Pr Dubernard procède à la première greffe partielle du visage. La patiente, Isabelle Dinoire a 37 ans. Après quelques mois, elle peut de nouveau, manger, parler et sourire mais décède en avril 2017 d'une tumeur, sans lien toutefois avec son traitement anti-rejet.En juin 2010, c'est une greffe totale du visage (avec les paupières) qui est réalisée à l'hôpital Henri Mondor de Paris.
En 2018, France 3 Rhône-Alpes avait suivi la nouvelle vie de Jean-Michel Schryve, greffé à Lyon, originaire du nord. 16 mois après sa greffe bilatérale, une équipe avait pu vivre pendant quelques jours avec lui entre ses contrôles à Lyon, ses longues heures de rééducation à Berck-sur-Mer et sa vie quotidienne à Hazebrouck.
Aujourd'hui, on greffe aussi des pénis, des utérus. et on pratique ces "greffes composites vascularisées" dans le monde entier. Les avancées sur les traitements font qu'ils sont moins toxiques notamment pour les reins.
Ce lundi 13 janvier, chez nos confères de RTL le professeur Dubernard revenait sur cet exploit :""Denis Chatelier ne regardait pas ses mains. Il ne voulait pas les regarder, parce qu'elles étaient insensibles, immobiles". Aujourd'hui, vingt ans après l'opération, le patient va bien."
Pour que ce type de greffe puisse fonctionner, il y a 3 défis de taille à relever selon le professeur Dubernard "premièrement le défi immunologique, où comment empêcher le rejet des tissus qui composent la greffe, deuxièmement le défi technique, j'ai monté pour l'opération une équipe internationale de microchirurgiens, et le défi psychologique, où comment vivre avec les mains de quelqu'un d'autre sous les yeux en permanence", explique le médecin.
Cinq ans encore après sa double greffe, loin des discours rassurants les psychologues en charge du patient doublement greffé explique entre l'imaginaire et la réalité il y a une grande différence". Le receveur est passé par une phase de déni, refusant de considérer qu'il avait au boutdes bras, les mains d'un mort.
Aujourd'hui, Denis Chatelier ne souhaite plus parler aux médias. En 2015, selon nos confrères de Sud Ouest, il vivait dans un appartement HLM au centre de Rochefort (Charente-Maritime) et il disait "Ce n’est pas facile, je viens de changer de logement car c’est galère de payer un loyer avec ma petite allocation d’adulte handicapé."