Il reconnaît être responsable de la mort d'Axelle Dorier. Youcef Tebbal est jugé depuis aujourd'hui devant la cour d'assises de Lyon. Il dit avoir eu peur, le rapport de police est plus nuancé.
L'heure est solennelle. Evan, accompagné de ses parents et de son frère Théo, entre dans la salle d'audience de la cour d'assises avec un grand portrait de sa sœur. Aujourd'hui, la famille d'Axelle Dorier se retrouvera pour la première fois face au conducteur et au passager de la voiture sous laquelle la victime a été traînée sur plus de 800 mètres.
Au pied de la colline de Fourvière, devant la cour d'assises, cette rencontre ne se situe qu'à quelques centaines de mètres du lieu où le corps d'Axelle Dorier a été découvert, dans la nuit du 18 au 19 juillet 2020, par ses frères.
Avant l'entrée des deux prévenus, une centaine de personnes ont pris place. Famille et amis de la victime, avocats, jurés et journalistes.
La séance est ouverte. Le président du tribunal Eric Chalbos fait entrer les accusés. Youcef Tebbal, le conducteur, et son cousin Mohamed-Amine Yelloule, passager de la voiture au moment des faits, s'installent sur un banc, derrière leurs avocats respectifs, Me David Metaxas et Me Eric Dumoulin.
Youcef Tebbal est vêtu d'une chemise blanche immaculée, ses cheveux longs sont attachés, sa barbe est courte et son regard scrute la partie de la salle où sont installés avocats et le président du tribunal. Il comparaît pour "violence avec usage ou menace d'une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Mohamed-Amine Yelloule porte une chemise bleue marine et les cheveux courts. Il comparaît pour "non assistance à personne en danger".
Le président leur demande de se présenter. Né en 1998, Youcef Tebbal réside à Meyzieu (métropole de Lyon) et exerce la profession de chauffeur livreur. Habitant Meyzieu également, son cousin a 22 ans et est étudiant en comptabilité.
Face aux accusés, Sophie Dorier-Dupiney et Pierre Dorier, les parents d'Axelle, regardent les accusés avec défiance, regards crispés et bras croisés. Les deux frères jumeaux Evan et Théo garderont tous deux les mains jointes.
"C'était un accident"
Avant de parler de lui lors de son examen de personnalité, Youcef Tebbal tient à présenter ses excuses et ses condoléances à la famille d'Axelle. Ses parents Mohamed et Malika lui emboîteront pas lors de leurs témoignages. Youcef rappelle à la famille d'Axelle sa vérité, "tout ce qui s'est passé était un accident". Il explique: "Axelle Dorier, je l'ai pas vue. Je suis parti parce que j'ai eu peur."
Le jeune homme de 24 ans reconnaît être responsable de la mort d'Axelle. Concernant le corps de la victime qu'il devait sentir sous la voiture, il se justifie ainsi, "quand je me suis dit, qu'est-ce qu'il se passe au niveau du véhicule, j'ai cru au pare-choc ou au moteur."
Un père qui voulait "vivre loin de la cité"
Youcef Tebbal revient ensuite sur son enfance à la demande du président de la cour d'assises. Il a passé ses premières années dans le quartier de la Poudrette à Villeurbanne mais avant le collège, il déménagera dans un pavillon de Meyzieu. Son père, Mohamed, arrivé d'Algérie en 1992, explique qu'il s'est sacrifié pour sa famille en quittant sa ville natale "pour venir dans un pays juste". "Je les ai fait vivre dans une maison, loin de la cité" précise-t-il.
Enfant, Youcef Tebbal n'est pas fait pour l'école. Redoublement, mauvaises notes, il s'orientera vers un CAP d'électricien puis, par manque de travail, vers le commerce. Ce projet échoue également car il est recalé pour intégrer une école de commerce international. Alors, jusqu'à ses 18 ans, il travaille avec son père sur les marchés pour vendre des robes de soirée. Une expérience qui a plu à l'accusé, qui aimait "tchatcher avec les filles". S'ensuivra une série de petits boulots à l'aéroport sur le tarmac, dans la restauration et la livraison à domicile.
Un casier vierge mais plus de permis de conduire
Le soir de la mort d'Axelle Dorier, Youcef Tebbal est en arrêt maladie. Deux mois auparavant, un accident de scooter lui a valu une fracture ouverte de la jambe gauche. Il roule sans permis de conduire, suspendu pour la deuxième fois, avec une attelle. "Je n'avais pas conscience de ne plus avoir de permis" explique-t-il. Si son casier judiciaire est vierge, l'homme est nénamoins connu pour des infractions routières et doit 5.000 € d'amendes à l'Etat. Youcef Tebbal se défendra devant le président, expliquant qu'il subissait la pression de ses patrons qui l'obligeaient à travailler rapidement.
Depuis le 20 juillet 2020, Youcef Tebbal est incarcéré à la prison de Corbas. Chaque semaine, il voit un psychologue, un psychiatre et reçoit des visites de sa famille. Ses parents le décrivent comme gentil, aimant, jovial et très sensible. Selon son avocat David Metaxas, la mort d'Axelle Dorier l'a changé. Youcef Tebbal explique qu'en prison, il a peur des regroupements de personnes et qu'il prend des médicaments "tous les soirs pour dormir". "Je suis traumatisé, depuis cette histoire, des effets de groupe." En plus de ça, il explique qu'en prison, il a "vu des gens se faire tabasser" devant lui.
"On aurait préféré que Youcef soit à la place d'Axelle"
Les premiers témoins à se présenter à la barre son le père et la mère de Youcef Tebbal. Youcef comme Joseph, "la plus belle créature au monde" dira son père. C'est le préféré de ses six enfants. Il se remémore: "Je lui donnais des cours religieux pour qu'il sache la différence entre le bien et le mal. Il écoutait beaucoup. Il est très sensible et doux. Il fait des câlins. Il est social, il est honnête et il partage toujours ses émotions" et de conclure "il ne fait même pas de mal aux animaux".
Mohamed Tebbal évoque également la souffrance pour sa famille, de savoir Youcef en prison et ce qu'il a fait. "Axelle est partie la pauvre, que Dieu la bénisse. On aurait préféré que Youcef soit à la place d'Axelle." Le ressenti est le même pour Malika, la mère de Youcef, qui ajoute qu'"il parle beaucoup de l'accident" quand elle va le voir, "il pleure, et moi aussi" raconte-t-elle.
Sur la question du permis de conduire, Mohamed Tebbal ignorait que son fils l'avait perdu une seconde fois. Il explique que sa femme n'était pas "qualifiée pour lire" la notification reçue par courrier. A propos de la succession d'infractions routières pour un montant de 5.000 €, il dira que "l'erreur est humaine". "Oui, enfin, ça fait beaucoup d'erreurs" lui répondra le président.
"On a un garçon qui est absolument fracassé"
Ce que l'on sait, c'est qu'après avoir laissé le corps d'Axelle rue de l'Antiquaille devant l'entrée du théâtre romain à Lyon vers 3h30, Youcef Tebbal et son cousin se sont rendus à la police vers 5h20. Selon le rapport, ils étaient dans un état normal, sans état de choc. Pour le commandant de police venu témoigner sur la base de ce rapport, ils répondaient normalement à toutes les questions. "Ils n'étaient pas expressifs au niveau émotionnel. Ils voulaient s'expliquer. Ils n'avaient pas conscience de la présence du corps sous l'habitacle".
Mohamed-Amine Yelloule, qui comparaît libre pour non assistance à personne en danger, n'est plus suivi psychologiquement. Pour Youcef Tebbal, c'est plus éprouvant, il consulte toujours psychologue et psychiatre en prison. Selon son avocat David Metaxas, "on a un garçon qui est absolument fracassé, je le dis, brisé. Brisé par ce qu'il a fait, brisé aussi par les conséquences de son comportement. Parce qu'il a accès au dossier, parce qu'il a vu les photos, parce qu'il a vu les rapports d'autopsie. Il a compris qu'il avait paniqué et que peut-être, il aurait dû avoir un autre comportement."
Des photos difficiles à voir selon le commandant de police, "même en tant que professionnels, on est pas habitué à voir un corps dans cet état".
Pour développer le profil psychologique des accusés, quatre experts psychologues témoigneront jeudi 19 janvier lors de ce procès qui se déroule jusqu'à vendredi.