Une malle ensanglantée, de l'hypnose, un couple de meurtrier : ce n'est pas le scénario d'un roman policier, mais un fait divers qui remonte à 1889. Tout commence par la découverte d'un corps au sud de Lyon. Retour sur cette affaire qui a suscité l'engouement à la fin du 19ème siècle.
Un crime crapuleux commis par un couple machiavélique : l'Affaire Gouffé est l'un des faits divers les plus retentissants de la fin du 19ᵉ siècle. Le sordide meurtre a lieu à Paris, mais c'est à Lyon que le corps est découvert et la victime identifiée par le fondateur de l'anthropologie criminelle : Alexandre Lacassagne.
Le parfum du mystère
L'affaire débute le 13 août 1889, au lieu-dit la Tour de Millery entre Grigny et Vernaison, au sud de Lyon. " La comtesse du Bec-de-Lièvre, une femme très pieuse, va à la messe tous les matins à Vernaison en attelage, raconte Yann Botrel, auteur d'un polar inspiré du fait divers, "Absynthe - L'Affaire Gouffé". Plus le temps passe, plus elle ressent des odeurs incommodantes. " Selon l'auteur, l'aristocrate aurait alors envoyé son cocher voir ce qui est à l'origine de la puanteur. Selon d'autres versions, ce serait plutôt un cantonnier qui aurait ouvert le sac.
Le cocher pense trouver un animal mort, mais en donnant un coup de fourche , une tête a quasiment roulée jusqu'à la voie ferrée. Puis on découvre un corps complètement mutilé.
Yann Botrel, auteur, "Absynthe - L'Affaire Gouffé"
À quelques kilomètres, une malle en lambeau et ensanglantée est retrouvée. Une pièce à conviction centrale dans l'affaire, car le cadavre avait été caché dans ce bagage, fabriqué à Londres. "Problème, personne ne reconnaît ce cadavre, c'est grâce à la première autopsie réalisée par Lacassagne à Lyon, qu'on va pouvoir découvrir qui est le corps", détaille Yann Botrel. Alexandre Lacassagne, pionnier de la médecine légale en France, est un professeur de la Faculté de médecine de Lyon et a co-fondé la première revue française de criminologie.
"C'est la première grande autopsie française."
Un couple de tueurs
L'identité du cadavre : Maître Toussaint Augustin Gouffé. Un huissier parisien à la réputation sulfureuse, qui a disparu à Paris deux semaines avant la découverte du corps. La malle permettra aussi aux enquêteurs de remonter jusqu'à ses assassins.
Il s'agit d'un couple : Michel Eyraud, un escroc proxénète, et de Gabrielle Bompard, une prostituée. À Paris, la femme séduit l’huissier et l’attire dans une garçonnière. "Il y a tout un stratagème diabolique qui est inventé, retrace Yann Botrel. Une poulie va être installée sur une poutre, lorsque Gabrielle Bompard fait la cour à Toussaint Augustin Gouffé, Michel Eyraud qui était caché derrière un rideau va lui passer la corde au cou et en une fraction de seconde va tirer sur la corde. Gouffé va se retrouver au plafond à deux mètres de haut." Un plan digne d'un roman policier. "On aurait voulu inventer cette histoire, on n'y serait pas arrivé", assure l'auteur.
Hypnotisée pour ne pas perdre la tête
Pour se débarrasser du corps, le duo le transporte dans la malle en train, jusqu'à Lyon, puis se débarrasse du corps sur la route, avant de prendre la route de l'Amérique. Michel Eyraud sera arrêté à Cuba au terme d'une cavale en Amérique, tandis que sa complice est revenue en France et s'est constituée prisonnière.
Le procès débute le 16 décembre 1890. "Gabrielle Bompard dit qu'elle a été hypnotisée, qu'elle aurait été sous influence de Michel Eyraud. Lacassagne va donc l'hypnotiser pour vérifier si elle est très sensible à l'hypnose", détaille Yann Botrel. Une sensibilité à l'hypnose qui va permettre à la jeune femme d'échapper à la guillotine. Condamnée à 20 ans de travaux généraux, elle mourra dans l'oubli en 1920. Michel Eyraud sera lui guillotiné.