Depuis quelques années, les bouillons ont fait leur apparition à Lyon sur les terres historiques des bouchons. Des restaurants nés à Paris il y a plus d'un siècle et qui retrouvent aujourd'hui la faveur des affamés grâce à leur petits prix et leurs recettes inoxydables.
Oeufs mayo, poireaux vinaigrette, tête de veau sauce gribiche et surtout l'imparable saucisse-purée maison : voilà les incontournables de la carte de tout bouillon qui se respecte. Des plats archi-simples, ceux qu'on a tous mangés à la maison au temps où la livraison de sushis n'avait pas encore balayé tout sens commun sur les tables des familles.
Des recettes simples et des prix riquiquis : 5 euros en moyenne pour une entrée, une dizaine pour le plat principal. En ces temps d'inflation galopante, la carte des bouillons a des arguments à faire valoir. Ces dernières années, plusieurs bouillons ont éclos entre le Rhône et la Saône, en plein pays des bouchons. Outre trois lettres de différence, quel distingo faire entre bouchon et bouillon ?
Des restaurants populaires et bon marché
À l'origine, fin 19ème, le bouillon est aussi parigot que le bouchon est lyonnais. En 1867, Pierre-Louis Duval, un ancien boucher, ouvre un restaurant destiné aux ouvriers des Halles, le Ventre de Paris. Il y sert les bas morceaux de viande, bouillis pour compenser leur côté coriace : le restaurant est vite surnommé le bouillon.
Le succès est instantané et fait tache d'huile : en 1900, Paris compte quelque 250 bouillons. Hélas, la naissance des brasseries leur fera boire... le bouillon. En 2007, Paris n'en avait plus qu'un seul, Chartier, rue du Faubourg Montmartre.
Même origine populaire et ouvrière pour les bouchons lyonnais, nés aussi fin 19ème. Mais eux ont su traverser le 20ème siècle sans y laisser trop de plumes. Voilà pour l'histoire. Côté cuisine, on est sur le même registre : une carte courte, des recettes qui ont fait leurs preuves, des goûts que tout un chacun a dans le palais. Mais les classiques du bouchon restent exclusivement lyonnais, cochonnailles et triperie, leurs recettes sont plus raffinées et l'addition forcément plus grassouillette.
Volume et rapidité pour une addition sous contrôle
Une douloureuse presque indolore, c'est l'argument massue des bouillons qui ont ouvert à Lyon depuis 2020. "Je sais que je vais manger des choses simples mais globalement bonnes, des classiques de la cuisine de ménage comme on dit" explique Sarah, trentenaire habituée du bouillon Maurice. "Et que je m'en sortirai pour 15 euros maximum. Et même si la salle est bondée, c'est quand même bien plus agréable qu'un fast-food..." Pour Sébastien, la quarantaine un peu enrobée, "je ne cherche pas ici une cuisine sophistiquée : le rapport qualité prix est imbattable, bref c'est une cuisine efficace."
Pour s'en sortir avec des prix aussi réduits, les bouillons Paradis, Maurice ou autres Croix-Rousse ont repris la recette de leurs ancêtres parisiens : c'est le volume qui permet de garder les additions sous contrôle. Les prix bas incitent les clients à ajouter une entrée ou un dessert, le service rapide fait le reste pour que les tables tournent non-stop.
À deux pas de l'Opéra de Lyon, la Brasserie Bouillon Baratte se veut différente des bouillons "basiques". "On est nettement plus proche de la brasserie. Notre carte est plus étoffée, on innove davantage, mais on reste dans une gamme de prix très raisonnables" précise le gérant Arthur Buchard. "À Lyon, contrairement à Paris, les brasseries ont un côté haut de gamme. On voulait créer une brasserie plus populaire, qui rassemble une clientèle plus large. Mais avec une carte bien plus qualitative que celle des bouillons."
Dernière caractéristique des bouillons : ils sont ouverts 7 jours sur 7, du petit-déjeuner à la fin de soirée. Histoire que les affamés n'aient pas à se poser de question lorsque leur estomac crie famine.