Polluants éternels : l'appel de 10 associations et 37 riverains contre l'usine Arkema de Pierre-Bénite jugé irrecevable

Notre Affaire à Tous, collectif d'opposants aux PFAS, parle d'injustice... Une première décision judiciaire avait rejeté sa requête en novembre 2023, arguant du fait que plus aucune infraction au code de l'environnement n'était constatée sur le site chimique Arkéma de Pierre-Bénite, au sud de Lyon. En ce début d'année 2024, la Cour d'appel juge la démarche des requérants irrecevable sans se pencher sur le fond de l'affaire.

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Pour Me Louise Tschanz, avocate de Notre affaire à Tous, "cette décision de justice viole le droit à un recours effectif des victimes, alors même qu'il s'agit d'une pollution d'une gravité exceptionnelle, à la fois par son ampleur (au moins 200 000 personnes impactées) et par la nature des substances toxiques déversées dans l'environnement (polluants éternels). C'est inexplicable et consternant". C'est en tout cas un deuxième revers judiciaire pour ceux qui ont choisi de lutter contre la pollution aux PFAS par la voie juridique.

Au printemps 2023, un collectif d'une dizaine d'associations écologistes et de trente-sept particuliers déposait devant la justice un référé pénal environnemental visant l'usine Arkema de Pierre Bénite, dans la métropole de Lyon. Menée par l'ONG Notre Affaire à tous, la requête s'appuie sur l'article L.216-13 du Code de l'environnement pour réclamer différentes mesures à l'encontre de l'industriel de la chimie, tenu pour responsable d'une pollution dite éternelle.

Arkema France exploite dans la Vallée de la chimie, au sud de Lyon, une installation classée Seveso qui fabrique des gaz fluorés et des polymères, et utilise dans son processus industriel des produits appartenant à la famille des per- et polyfluorés. Ces PFAS retrouvés en quantité, ces dernières années, dans les eaux du Rhône, les sols environnants, les légumes cultivés et les œufs de poules élevées à proximité, seraient dangereux pour la santé.

Évaluation de la contamination et étude épidémiologique ?

Les requérants demandent qu'Arkema limite ses rejets aqueux contenants des PFAS à 1kg par mois, et surtout que soit réalisée dans les six mois une vaste campagne de mesures de la contamination aux PFAS : analyse des sols, de l'air et de l'eau potable des écoles et des stades de Pierre Bénite et Oullins, prélèvements de l'eau du Rhône à Saint-Fons, Feyzin, Rillieux-la-Pape, Miribel et Condrieu, mais aussi prélèvements de denrées alimentaires chez les producteurs locaux, et d'eau de pluie dans un périmètre élargi.

Sur le plan sanitaire, la requête porte sur la réalisation d'un monitoring médical complet de chaque personne physique requérante, afin de mener une étude des risques sur la santé de l'exposition aux PFAS (prévalence de certaines maladies, cancers pédiatriques) et de communiquer aux populations des recommandations pour se protéger.

Un non-lieu en première instance

En première instance, le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête des militants pour l’environnement. L'estimant recevable et reconnaissant son bien-fondé, il n'a toutefois pas donné suite aux demandes, car à la date à laquelle il a été saisi, les infractions au Code de l'environnement n'étaient plus caractérisées. Dans son ordonnance, il reprend la chronologie des obligations faites à l'usine Arkema par la préfecture du Rhône et la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) et constate que s'il y a eu des manquements, ils ne sont plus d'actualité.

Concrètement, suite à une inspection en 2015, l'exploitant s'est vu imposer de réaliser, une fois par an, en aval de son rejet, des prélèvements sur les sédiments, la flore et la faune. En 2017, une nouvelle inspection pointait que les mesures n'avaient jamais été communiquées aux services de l'État. Mais, suite à l'enquête journalistique menée en 2022 par l'émission Vert de rage sur France 5 et dénonçant une pollution aux PFAS aux alentours de site rhodanien d'Arkema, les autorités ont imposé de nouvelles obligations à l'industriel qui s'y est alors conformé. Des arrêtés préfectoraux en date de mai, juillet et septembre 2022, puis de juin 2023 exigent la surveillance des rejets aqueux et de leur teneur en PFAS, des mesures dans l'air et le sol, et une réduction des rejets en vue d'un arrêt total fin 2024.

Ces prescriptions ayant été respectées par l'exploitant, le juge avait conclu : "S'il est compréhensible que les requérants s'inquiètent des risques pour la santé liés à la contamination de l'environnement par les PFAS et s'il est indéniable qu'ils reprochent aussi à l'administration une action peut-être trop tardive et/ou insuffisante, leur requête (...) pourra difficilement prospérer en l'état".

Un nouveau recul en appel

La décision du juge d'appel, cette mi-janvier 2024, constitue un recul supplémentaire sur la première instance. La requête, jugée initialement recevable, a cette fois été rejetée d'emblée. Dans un communiqué publié dans la foulée, l'ONG Notre Affaire à Tous estime que "ce jugement nie une situation pourtant évidente : les rejets de PFAS d’Arkema ont fait de la Vallée de la chimie le plus gros hot spot français en termes de contamination aux PFAS". L’ARS Rhône-Alpes a elle-même, pour la première fois ce lundi 15 janvier, demandé des mesures correctives à une cinquantaine de communes concernées.

Les associations et victimes requérantes se réservent donc la possibilité de demander la cassation de ce jugement d’appel pour obtenir une décision sur le fond. D'après elles, "l’arrêt des rejets de PFAS et l’établissement d’un état des lieux de la contamination constituent une étape fondamentale dans le combat contre les pollutions éternelles de la Vallée de la chimie. Il est essentiel que le pollueur responsable de ces pollutions finance la connaissance de la contamination".

Et Notre Affaire à Tous conclut : "Nous sommes face à un scandale sanitaire du même acabit que l’amiante ou le chlordécone. L’air, l’eau, la terre, la nourriture du quotidien sont touchées et contaminées pour des décennies. La santé et la protection de l’environnement sont des biens communs, qui ne doivent pas être sacrifiés au profit de calculs économiques, et la justice doit prendre sa responsabilité dans ce qui se joue dans la Vallée de la chimie".

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