Préparation des momies avant leur exposition au public, ce qu'il faut savoir

Le musée des Confluences, qui dispose d'une collection importante d'Egyptologie, va prêter 5 de ses momies pour une exposition. Avant de prendre la direction de Draguignan, ces pièces passent par le Centre Louis Lortet, dans le 7e arrondissement de Lyon, pour des examens préalables et des opérations de conservation. Une minutieuse routine.

En silence et vêtue d'une blouse blanche, Laure Cadot examine deux momies du Musée des Confluences. Dans ce laboratoire du Centre Louis Lortet, la concentration est maximale pour la restauratrice du patrimoine. Cette experte a une spécialité rare : les matériaux organiques et les restes humains. Les deux dépouilles, embaumées depuis deux millénaires en terre égyptienne, sont aujourd'hui hors de leurs sarcophages. 

La plus ancienne des deux momies a 2600 ans, la plus récente 2130 ans. Elles ont plus d'un siècle de présence dans nos collections.

David Besson

Directeur des collections du Musée des Confluences

Etendues l'une sur un drap blanc, l'autre sur un socle, à l'abri de leurs bandelettes et de leurs décorations funéraires, ces momies d'époque Ptolémaïque attendent d'être examinées dans les moindres détails. 

Un examen minutieux 

Car toutes les opérations de conservation, puis de restauration, débutent toujours par un examen minutieux. Une véritable exploration. La restauratrice travaille à la loupe pour réaliser un constat de  l'état de conservation de la momie. L'utilisation des UV est également monnaie courante pour retrouver les traces d'anciennes restaurations, parfois malheureuses. On prend des clichés qui viendront enrichir un "dossier scientifique" complet. 

La première des deux momies égyptiennes repose sur un plateau, enveloppée dans plusieurs couches de toile de lin encollées. Pour les besoins de l'examen, elles vont être dépouillées de leurs tenues d'apparat mortuaires, débarrassées de leurs masques funéraires, de leurs cartonnages. Ce sont les atours protecteurs illustrés de figures de divinités et de différentes scènes de passage dans le royaume d'Anubis. La boîte qui recouvre les pieds sera aussi déposée. C'est une opération délicate qui requiert beaucoup de délicatesse et de savoir-faire. "C'est un travail de patience", confirme la restauratrice.

Une fois le masque recouvert d'or et la parure funéraire ôtés avec beaucoup de précaution, c'est le corps enveloppé qui va concentrer toute l'attention de l'experte. L'heure est aux premières observations, aux premiers constats. 

"Ce qui intéressant, c'est qu'on voit qu'ils ont utilisé plusieurs textiles", explique-t-elle. Désignant le visage de la momie encore recouvert d'un épais tissu de couleur brune, elle énumère : "ce lin assez épais, on le retrouve au niveau des pieds. Il y a un premier niveau de bandelettes assez délicat, puis cette couche plus grossière, et par-dessus, il y a toute l'enveloppe de linceul, encore une fois du lin". 

Et la spécialiste peut déjà constater que le linceul présente de larges tâches bien visibles à l'œil nu. "Des tâches de décoloration qui peuvent provenir des cartonnages," avance Laure Cadot sans trop de doutes. 

Pigments, style des dessins ... les cartonnages et le masque n'échapperont pas non plus à un examen détaillé, révélant une possible "parure funéraire recomposée". Si la pratique de l'embaumement s'est démocratisée en Egypte, les cartonnages que Laure Cadot a sous les yeux révèlent une production de série. "C'est la qualité de l'embaumement qui va faire la distinction. Il y avait plusieurs niveaux d'embaumement. Certains dont les momies sont encore bien conservées; d'autres dont les corps étaient à peine lavés pendant la toilette funéraire et qui aujourd'hui sont très désagrégés". 

Restauration, conservation : quelles différences ?

Dans le cas présent, la première momie qu'elle examine est en assez bon état. L'experte détaille : certaines parties de la toile présentent des déchirures. Au revers des cartonnages, des "doublages", sorte de "pansements de restauration", ont été posés lors de précédentes interventions sur la momie. Ils permettent "d'éviter que les fissures s'agrandissent" ou que les fragments se détachent. "C'est le moment où l'on vérifie si le puzzle tient encore la route et voir s'il faut réassembler certaines pièces". 

Comme pour une œuvre d'art ou une pièce de collection, il faut ici faire la distinction entre restauration et conservation. 

La conservation, c'est l'idée de stabiliser des choses qui risquent de se dégrader pour avoir une transmission dans le temps. La restauration va viser à donner à l'objet une bonne visibilité pour le public.

Laure Cadot

Restauratrice du patrimoine, spécialiste en matériaux organiques et restes humains

"Il faut par exemple que le public puisse avoir une bonne lecture des hiéroglyphes avec un nettoyage qui va enlever l'encrassement pour retrouver un bel aspect de surface", résume Laure Cadot. Un travail qui s'effectue souvent au pinceau et au scalpel.

Manipulations et transport : attention dangers

Ces deux momies vont être prêtées pour une exposition prévue dans le sud de la France. Elles ont déjà connu plusieurs restaurations - certaines anciennes - et sont aujourd'hui stabilisées. "L'idée n'est pas de revenir sur ces restaurations, ni d'intervenir en permanence. Il s'agit de reprendre des zones qui présentent des fragilités et qui risquent de poser problème dans le cadre d'un transport", assure-t-elle.

Vibrations, changement de climat, le transport est bel et bien une étape à risque majeur pour ces momies millénaires. David Besson, le directeur des collections du Musée des Confluences confirme : "ce qui pose le plus de problèmes sur la conservation des objets, c'est leur manipulation et leur transport".

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Restauration de momies à Lyon, au centre Louis Lortet ©F.Bouyablane

L'ère de la conservation préventive 

Les momies ont été placées sur un plateau spécial pour être exposées mais aussi pour être déplacées. Si autrefois, on ne ménageait guère ces dépouilles humaines embaumées, les spécialistes de la conservation ont aujourd'hui à cœur d'éviter de les manipuler directement. 

"C'est de la conservation préventive. On anticipe les problèmes en essayant de les éviter. Aujourd'hui, c'est une démarche qui se développe dans les musées : éviter d'aller jusqu'à la restauration, notamment en sécurisant les manipulations", explique l'experte. La conservation des restes humains dans les institutions patrimoniales est même devenue une question sensible. "C'est assez exceptionnel que l'on prête des momies humaines. Ce n'est pas un patrimoine ordinaire, ce sont des restes humains. On les traite avec respect", explique David Besson. 

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