PROCÈS : "C'était comme à la guerre ce soir-là", récit d'une soirée de liesse devenue cauchemar à Lyon

Le procès de sept personnes soupçonnées d'appartenir à l'ultradroite lyonnaise s'est ouvert ce jeudi 15 juin 2023. Ils auraient participé à une "ratonnade" dans le quartier du vieux Lyon. Le 19 juillet 2019, le soir de la victoire de l'équipe de foot d'Algérie en finale de la coupe d'Afrique des Nations, des rassemblements festifs s'étaient déroulés. La liesse s'est transformée "en cauchemar".

Afeffe a 42 ans aujourd'hui. Elle était "aide à domicile". Un emploi qu'elle a perdu. "Je n'ai plus de vie sociale" déclare-t-elle à la barre. Ce matin du jeudi 15 juin 2023, elle raconte cette soirée au cours de laquelle elle a "trouvé la force". La force de survivre.

Nous sommes en juillet 2019. Dans les rues de Lyon, c'est l'effervescence. L'Algérie vient de remporter la Coupe d'Afrique des Nations face au Sénégal. La communauté algérienne se retrouve pour célébrer l'événement. Des centaines de personnes se rassemblent et laissent exploser leur joie. Des drapeaux sont exhibés, les voitures circulent en klaxonnant, le public se masse le long des quais du Rhône et de la Saône.

La soirée vire au cauchemar

Dans le quartier du Vieux Lyon, les événements vont prendre une tout autre tournure. Afeffe témoigne. Elle regarde les prévenus. Elle les reconnait. Formellement. Digne, elle détaille sa soirée. Elle conduisait sa voiture, avec des amies. Elles étaient contentes. Et puis, un déferlement de violence s'est abattu sur elles. Après une heure de déposition, elle est retournée s'assoir et a fondu en larmes.

Ils attendaient leurs proies, ils criaient. Comment j'ai trouvé la force pour me sortir de là ? C'était comme à la guerre ce soir-là. Je les revois encore, j'ai des boules d'angoisse. C'est inconcevable. Je suis française. Je ne comprends pas que l'on puisse être attaqué pour ses origines.

Afeffe, victime

De nombreuses victimes ne seront pas présentes à l'audience. Beaucoup sont encore traumatisées. Une avocate des parties civiles explique : "mes clients subissent encore un stress post-traumatique, presque quatre ans après les faits, ils ont été meurtris".

"Violences aggravées et injures à caractère racial"

Dans la chaleur moite de ce mois de juillet 2019, une vingtaine, peut-être une trentaine, d'individus vont participer à une véritable "équipée sauvage". En criant des insultes racistes "à mort les Arabes", "sales bougnoules". Armés de barres de fer, de battes de base-ball, ils vont s'en prendre aux supporters de l'Algérie. Des personnes seront molestées et agressées, des voitures détruites, des injures et des menaces proférées. Grâce notamment aux images de vidéosurveillance, sept d'entre eux ont été identifiés. La majorité comparaît devant le tribunal correctionnel de Lyon pour des faits de "violences aggravées, injures publiques à caractère racial et dégradations commises à raison d'une nation, d'une ethnie ou d'une race".

Ce matin du 15 juin 2023, presque quatre ans après les faits, les sept prévenus sont arrivés discrètement au tribunal, en faisant profil bas. Leurs avocats tentent de rectifier. "On conteste le rôle qu'a été donné par les enquêteurs. Entre celui qui va intimer l'ordre et celui qui va être en arrière, on conteste tout cela".

Le travail de la défense sera de tenter de donner une autre image des prévenus.

Mon client a pu être, plus jeune, proche des milieux d'extrême droite. Mais depuis plusieurs années, il s'en est éloigné. Lui-même considère que ces faits sont inacceptables aujourd'hui

Me Jean-françois Lalliard, avocat de la défense

Linda, 44 ans, mère de cinq enfants, ce matin, n'a pas hésité. Elle aussi, est venue témoigner. Elle était dans sa voiture ce soir du mois de juillet. Elle n'a rien oublié. "Ils ont vu ma fille agiter un fanion de l'Algérie, ça été rapide et brutal". La vitre arrière du véhicule a été brisée, des éclats de verre ont blessé son fils. Il est, lui aussi, encore traumatisé aujourd'hui.

"Plus français que moi ?"

"Ce jour-là, ma priorité, c'était mes enfants. Ils m'ont fait ça parce que je suis algérienne ? Demande-t-elle à la cour. Et elle ajoute : "je ne renie pas mes origines parce que ces messieurs ont décidé qu'ils étaient plus français que moi !".

Le procès devrait durer deux jours. Les peines encourues peuvent aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

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