Mouchards, filatures : six hommes, accusés d'avoir commis un braquage au butin record en Suisse en 2017, ont préparé leur méfait alors qu'ils étaient sous étroite surveillance. C'est ce que révèle l'audition d'un enquêteur au deuxième jour de leur procès à Lyon.
24 mai 2017, entre Genève et Lausanne, au pays des banques, un fourgon de transport de fonds est attaqué. Il est 3 heures du matin. Menacés avec des fusils d'assaut, les convoyeurs sont ligotés par de faux policiers équipés de brassards. Sous la lueur des gyrophares, ils sont emmenés dans les coffres de deux fausses voitures de police. Une fois l'équipage de retour en France, le fourgon est brûlé.
Quatre heures plus tard, la police française pousse déjà la porte d'une villa en Haute-Savoie. À l'intérieur, les six suspects qui sont jugés cette semaine à Lyon pour "vol en bande organisée avec arme" et "enlèvement et séquestration". L'audition d'un enquêteur au deuxième jour du procès révèle qu'ils étaient suivis.
L'enquête couvait depuis neuf mois
Les six accusés ont été pris en possession de différentes devises, de lingots d'or et de milliers de pierres précieuses. Le pactole est alors estimé à 40 millions de francs suisses, soit 42,3 millions d'euros au cours actuel.
Neuf mois avant le braquage, une "source confidentielle et anonyme" alerte la Brigade de répression du banditisme (BRB) sur ces individus. Dès août 2016, la police judiciaire lyonnaise surveille leurs allées et venues entre Lyon et la frontière suisse.
Dès l'automne, "un duo de malfaiteurs de haut vol susceptible de commettre des actes graves" est identifié sur la région lyonnaise, auquel s'ajoute rapidement un troisième nom.
Les trois hommes, actuellement en fuite, ont déjà été condamnés pour des attaques de fourgon en Suisse et en France, selon l'officier de la BRB qui témoigne aujourd'hui devant la cour d'assises. "Quand on a vu le troisième s'agréger à ce duo, c'est devenu un peu sensible, avec des moyens importants mis à disposition."
La branche savoyarde
Les trois accusés présents devant la cour à Lyon sont arrivés, d'après l'enquête préliminaire, dans un deuxième temps. L'un "du pays savoyard", a expliqué le policier, était jusque-là connu pour "des affaires de stupéfiants".
Âgé de 54 ans, il reconnaît son rôle dans la préparation du braquage, mais est le seul des accusés présents à nier sa participation à l'attaque elle-même.
L'autre, Lyonnais de 42 ans, présente "un profil de voleur de voiture". À compter de son apparition début 2017, un manège de voitures volées se met en place. Équipées "en doublette" de fausses plaques d'immatriculation correspondant à des véhicules de même modèle, ces voitures circulent autour de différents box à Lyon et Annecy.
Le ballet est suivi à la trace par les forces de l'ordre. Des balises de suivi sont installées en douce sur les véhicules, puis à des "surveillances physiques".
Le dernier de la bande, âgé de 45 ans, "un gars d'Annecy qu'on n'avait jamais vu jusque-là" selon le directeur de l'enquête, est ajouté au groupe plus tard. Son avocat a souhaité lundi qu'il soit condamné "à la juste hauteur de ce qu'il a fait, c'est-à-dire pas grand-chose par rapport aux autres".
"Mais pourquoi ne pas les avoir arrêtés avant qu'ils ne passent à l'acte ?" a demandé un avocat de la défense. "Ce n'est pas notre vocation d'arrêter des voleurs de voiture, voire des receleurs" a justifié le policier.
Dans ce procès, les réquisitions sont attendues jeudi et le verdict vendredi. Les cinq accusés qui se trouvent en situation de récidive encourent la perpétuité, le sixième entre 20 et 30 ans de réclusion criminelle.