Procès du meurtre de la postière de Montréal-la-Cluse : "Honte" et "choc traumatique", Mamadou Diallo clame son innocence malgré des "incohérences"

L'ADN l'accuse, tout comme ses incohérences... Mamadou Diallo répond depuis le 12 octobre de la mort de Catherine Burgod, postière à Montréal-la-Cluse. Le meurtre remonte au 19 décembre 2008. Au4e jour du procès en appel à Lyon, l'accusé, qui proteste de son innocence, a confié à la barre sa "honte" d'avoir fui après avoir découvert le corps. Une version jugée incohérente par l'accusation.

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Mamadou Diallo dit avoir peur d'être condamné pour un crime qu'il n'a pas commis. Aujourd'hui âgé de 34 ans et brancardier de profession, il comparaît libre pour ce nouveau procès, après un appel du parquet général. Mamadou Diallo avait été acquitté "au bénéfice du doute" en première instance, en avril 2022.

"Honte" et "état de choc"

Dès l'ouverture de ce nouveau procès d'assises, le 12 octobre dernier, Mamadou Diallo a de nouveau clamé son innocence, maintenant ce qu'il affirme depuis son arrestation : il se serait rendu à l'agence postale, aurait découvert le corps avant de repartir dans la panique en emportant une liasse de billets.

Face aux jurés, mardi 17 octobre, Mamadou Diallo a assuré "parler avec le coeur". "Oui j'ai peur, oui je regrette. Je culpabilise" de ne pas avoir donné l'alerte, assure-t-il. "En plus j'ai pris de l'argent..." a déclaré l'accusé. Depuis son arrestation, il affirme avoir découvert le corps de la postière tuée et ne s'explique pas son geste en partant : se saisir d'une liasse de 400 euros. Il explique avoir été "en état de choc", traumatisé par la vision de la victime ensanglantée.

"Mamadou Diallo s'est toujours exprimé de la même manière. Il a eu un choc traumatique et c'est pour ça qu'il ne peut pas donner une explication à TOUTE la scène qu'il a vu. Il a vu une scène horrible mais il n'a pas pu s'expliquer sur les détails. Il ne peut pas à cause de ce choc traumatique". L'argument du choc traumatique, c'est ce que met en avant Me Noachovitch, l'avocate de l'accusé, pour expliquer des déclarations qui varient et la confusion de l'accusé.

Lors des débats, le président a rappelé à l'accusé "la chronologie serrée" entre le dernier signe de vie de Catherine Burgod, un SMS à 08H36, la découverte du corps par des clients peu après 09H00 et le fait que ce sont au total près de 2.500 euros qui ont été volés.

Versions changeantes 

"Les incohérences sont nombreuses, les versions sont nombreuses également. Notamment sur la question du timing et l'heure à laquelle il est arrivé à l'agence postale. Au début c'est 8h - 8h30. On qu'un SMS de la victime est envoyé à 8h36. Elle ne peut pas mourir à 8h30. L'accusé, en ayant ces éléments, va changer sa version et devant la cour d'assises, en premier ressort, dire : je suis arrivé à 8h55", indique Me Jean-François Barre, l'avocat des parties civiles, en marge du procès. Le conseil des proches de Catherine Burgod évoque une version "utilitaire". A-t-il touché ou non le corps de la victime? Les versions changent également souligne l'avocat des parties civiles. "Dans les premières déclarations, il va nous dire non. Puis après dans la troisième, il va nous dire oui, je l'ai touchée au niveau de la poitrine. Ensuite, il va dire : je ne me rappelle plus ... après il va dire, je l'ai touchée,  pas au niveau de la poitrine mais vers le haut du corps... enfin pour nous dire aujourd'hui, je ne l'ai pas touchée", énumère Me Barre.

Pour l'avocate de la défense, le choc traumatique explique le comportement et les déclarations de son client. "Il a vu une scène horrible mais il n'a pas pu s'expliquer sur les détails. Il ne peut pas, à cause de ce choc traumatique (...) Quand on sort d'un choc traumatique, on marche uniquement par "flashes". Il raisonne par flashes. Il ne peut pas se souvenir de tout", assure Me Noachovitch, en marge des audiences.

Alors que l'accusation pointe à plusieurs reprises des changements de version de l'accusé au fur et à mesure des interrogatoires, des incohérences sur son heure d'arrivée ou son itinéraire à l'arrivée et à son départ, sa parfaite connaissance des lieux, encore une décennie après les faits, Mamadou Diallo maintient sa ligne de défense. "Je suis innocent des faits qu'on me reproche". Sa famille, ses proches et notamment son épouse lui apportent un soutien sans faille. 

 ADN et traces de sang 

C'est seulement en 2017, presque dix ans après les faits, que le nom de Mamadou Diallo a fait une irruption inattendue dans le dossier médiatique du meurtre de Montréal-la-Cluse. Les soupçons se focalisaient depuis le début sur un acteur devenu marginal, Gérald Thomassin. Ce dernier habitait à quelques mètres seulement des lieux du crime. Mystérieusement disparu en août 2019 peu avant une confrontation organisée avec Mamadou Diallo, Gérald Thomassin a bénéficié d'un non-lieu. 

Ce sont des traces ADN découvertes sur un sac près du corps de la victime et sur un monnayeur, qui ont orienté les enquêteurs sur Mamadou Diallo. Un sac, de couleur noire, équipé d'un cordon de fermeture. Le lycéen, âgé de 19 ans à l'époque, qui habitait à Nurieux, se trouvait alors en stage dans le secteur. Ces traces génétiques sont les seuls éléments tangibles qui étayent l'accusation de meurtre retenue contre lui.

Le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) avait montré que l'ADN prélevé sur le sac, jusqu'ici non identifié, était celui de Mamadou Diallo. Si ses empreintes génétiques ont été relevées c'est parce qu'il a été accusé par une ex-petite amie d'avoir volé sa carte bancaire. Une affaire finalement classée.

A la barre, dés le deuxième jour du procès, deux experts ont confirmé qu'un "mélange" d'ADN de l'accusé et de la victime avaient été retrouvé sur ces deux supports : le monnayeur et le sac. L'ADN de Mamadou Diallo a notamment été retrouvé sur le cordon de fermeture du sac. "La clé, c'est ce sac noir," selon Me Barre, avocat des proches de la victime. 

L'accusé a toujours soutenu que si son ADN avait été retrouvé sur le sac, c'est parce qu'il s'était essuyé les mains à l'intérieur. Un expert en empreinte génétique a constaté que des traces de sang n'étaient pas visibles à l'oeil nu : "rien ne caractérise un essuyage des mains sur ce sac" même si "tout dépend de la quantité de sang sur les mains", a-t-il dit.

En revanche, aucune trace ADN de Gérald Thomassin n'a été identifiée sur les lieux du crime, même si ce dernier s'était accusé du crime dans une conversation téléphonique avec son frère, ce qui lui avait valu d'être mis en examen pour "meurtre aggravé" et "vol avec arme". Son conseil avait attribué ses propos à l'alcool.

L'agonie de la victime

Le 19 décembre 2008, le corps de cette agente communale de 41 ans, enceinte de cinq mois et mère de deux enfants, était retrouvé baignant dans son sang dans la petite agence postale de Montréal-la-Cluse, dans l'Ain. Plusieurs experts se sont succédé à la barre vendredi 13 octobre pour décrire les blessures de Catherine Burgod, décédée avec 28 plaies. Son corps portait douze de "défense" et six à caractère vital. Mais l'arme du crime n'a jamais été retrouvée.

"L'intéressée a tenté d'échapper à celui qui a donné des coups", a souligné au deuxième jour du procès un expert en médecine légale, évoquant une "agonie prolongée évaluée à cinq minutes". "Ce qui est certain, c'est qu'elle n'est pas morte rapidement et a été envahie par l'angoisse de la mort", a-t-il ajouté lors de cette audience dédiée aux expertises.

Mamadou Diallo vit peut-être ses derniers jours de liberté. Le trentenaire encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu jeudi 19 ou vendredi 20 octobre.

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