Jeudi 12 octobre 2023, le procès en appel de Mamadou Diallo a débuté à Lyon. Il est rejugé pour le meurtre en décembre 2008 de Catherine Burgod, postière à Montréal-la-Cluse, dans l'Ain. Le trentenaire, acquitté en première instance par les assises de l'Ain, comparaît libre devant les assises du Rhône. Le verdict est attendu au plus tard le 20 octobre.
Aux 24 colonnes, c'est la dernière affaire de la session qui va débuter. Il est 9h du matin, le jeune accusé, visage tendu, et l'avocate, attendent déjà dans la salle des pas perdus. Mamadou Diallo est tiré à quatre épingles, mais ni endimanché, ni guindé. Coupe courte maîtrisée, chemise blanche immaculée, costume bleu à la teinte parfaitement accordée à sa carnation, mocassins discrets portés comme il se doit... Mince, grand, élancé, élégant, il se tient bien droit. Posture irréprochable et allure impeccable.
Il a tout du mannequin, ce jeune homme qui se prépare à affronter une nouvelle fois une cour d'assises. La peine encourue, c'est la réclusion criminelle à perpétuité pour un homicide volontaire aggravé, lui rappelle en préambule le président Eric Chalbos. Pour sa première prise de parole, l'accusé clame une nouvelle fois son innocence, d'une voix calme et posée.
Comparution libre
Mamadou Diallo est arrivé libre au Palais de justice de Lyon ce jeudi matin, à ses côtés, son avocate Me Sylvie Noachovitch. C'est elle qui a assuré sa défense lors de son premier procès, devant les assises de l'Ain, en avril 2022 et obtenu son acquittement "au bénéfice du doute".
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Durant les prochains jours, il va répondre une nouvelle fois de la mort de Catherine Burgod, une femme de 41 ans, tuée de 28 coups de couteau et qui était enceinte de plus de cinq mois. L'affaire remonte au 19 décembre 2008.
Je le dis depuis le début : je suis innocent. Je n'ai pas tué cette pauvre femme. J'attends les débats. J'ai reconnu que j'avais pris une liasse de billets. Mais je n'ai pas pris la totalité de l'argent.
Mamadou Diallo
Si la matinée a été consacrée au tirage au sort des jurés, au rappel du dossier et du verdict du premier procès d'assises, c'est la personnalité de l'accusé qui a ensuite été très vite au centre de l'attention. Et Mamadou Diallo apparaît comme un jeune homme sans histoire.
"Savoir qui vous êtes"
"Pour vous juger, nous avons besoin de savoir qui vous êtes, d'où vous venez, comment vous avez grandi… vous nous parlerez aussi de décembre 2008. On vous écoute". Le président Eric Chalbos lui donne la parole. Sur le banc des accusés, Mamadou est concentré sur les questions du président, attentif à bien répondre.
Sa voix est calme, posée, presque inaudible. Le président lui demande à plusieurs reprises de parler plus fort, de se rapprocher du micro. Mamadou Diallo s'exécute docilement. "J'ai 34 ans, mais c'est compliqué de parler de soi. Je ne suis pas très à l'aise à l'oral", assure l'accusé qui se décrit comme une personne soucieuse d'autrui. "J'ai toujours le sourire, j'aime bien m'occuper des personnes autour de moi", a-t-il répondu au président qui lui demandait de se définir. Il s'est également dit aussi "râleur" ou "mauvais perdant".
"Je suis le 2ᵉ d'une famille de quatre enfants. Depuis petit, ma passion, c'est le foot", poursuit-il. Il est né en 1989 à Nantua, a passé toute sa vie dans l'Ain. Il explique avoir toujours vécu à Nurieux-Volognat, petite commune voisine de Montréal-la-Cluse. Mamadou Diallo raconte tranquillement, sans hésitation, une vie de famille "normale" et "une enfance normale" malgré le divorce de ses parents lorsqu'il a dix ans. Proches de ses frères et sœurs, il a toujours gardé contact avec ce père qui avait des problèmes d'alcoolisme et qui vit aujourd'hui en Ehpad. Il n'a presque rien à dire sur eux.
J'ai vécu chez ma mère jusqu'à l'âge de 26 ans. Je travaillais comme ambulancier, mais je vivais chez elle (...) Elle a tout fait pour nous, ma mère (...) elle a travaillé, après son divorce, comme ouvrière polyvalente dans la plasturgie à Oyonnax (...) Jusqu'à aujourd'hui, mes parents s'entendent bien malgré le divorce. Ma mère s'occupe de lui et va le voir à la maison de retraite.
Mamadou Diallo
Malgré les questions du président, il n'a quasiment rien à dire non plus de sa scolarité. Si ce n'est qu'il n'a pas réussi à décrocher son baccalauréat logistique. Quant à ses professeurs, "ils ne se souviennent pas de lui", a souligné le président à la lecture du dossier. Un élève presque transparent, qui ne faisait visiblement pas de vagues dans les différents établissements par lesquels il est passé.
Détenu modèle
Un adulte sans casier judiciaire, non plus. Jamais inactif, le jeune homme a enchaîné les petits boulots et les missions en intérim depuis son adolescence, avant d'être embauché comme brancardier en 2012 dans l'Ain. Travailleur, discret, poli, "bien élevé" selon les témoignages de moralité qui émaillent son dossier. Une image lisse. C'est ce qui le caractérise même en prison où il passe plusieurs années. En détention provisoire à Lyon-Corbas, le jeune homme travaille comme auxiliaire d'étage et fait figure de détenu modèle. Son dossier évoque"un comportement respectueux envers les surveillants", "discret", et un détenu "sollicitant rarement l'encadrement".
Aujourd'hui, Mamadou Diallo habite l'agglomération lyonnaise et travaille comme brancardier dans un établissement de santé de Lyon depuis avril 2023. Partage-t-il sa vie avec quelqu'un ? Il est officiellement célibataire. Il se dit cependant "marié religieusement". Mamadou Diallo ne vit pas avec son épouse qui réside sur Paris, ce qui interroge le président. "Avant mon incarcération, on vivait ensemble. On s'est marié religieusement pour habiter ensemble, on voulait se marier", assure le jeune homme. Comment envisage-t-il son avenir avec sa compagne ? Sa relation est en pause "à cause de ma situation. Mais on est en contact", assure-t-il. "Vous avez le projet de vivre avec elle ?", questionne le président. "L'avenir le dira", répond évasivement l'accusé.
La bonne personne ?
"Il me semble que vous avez vécu avec un lourd secret. Comment fait-on au quotidien quand on a vécu cette scène ? Comment ça se passe dans votre tête ?", demande l'avocat général Eric Mazaud à Mamadou Diallo. Ce dernier répond : "J'ai fait avec. Ma plus grande peur, c'était qu'on m'accuse à tort parce que j'avais volé de l'argent. Et c'est ce qui est en train de se passer".
La famille de Catherine Burgod est présente au procès. Les deux enfants de la victime, son ex-mari, son compagnon de l'époque, son oncle et sa tante, parties civiles dans ce dossier. Installés au premier rang, ils font bloc. Manque à l'appel, Raymond Burgod, le père de Catherine. Ce dernier est décédé quelques semaines seulement après le procès qui s'est tenu devant la cour d’assises de l’Ain. Pendant 13 ans, il s'est battu dans l’espoir de connaître la vérité.
"Éléments techniques accablants"
"C'est toujours lourd à porter un deuxième procès. Aujourd'hui, on vient avec un combat à mener. Une lutte qui dure depuis bientôt 15 ans", explique Me Jean-François Barre, l'avocat des parties civiles. S'agit-il de la bonne personne sur le banc des accusés ?
Nous sommes convaincus que Monsieur Diallo est la personne qu'il faut avoir en face de nous.
Me Jean-François Barre,avocat des parties civiles
Pour l'avocat, les éléments techniques sont accablants : "le meurtre a eu lieu entre 8h36 et 9h06, dans une agence où presque personne ne se rend. Là, il y aurait à la fois un meurtre et un homme qui vient, qui voit une scène horrible, avec du sang partout, qui décide de ne pas porter secours, qui prend 400 euros et qui s'enfuit. Il y a des indices, des traces, un sac avec de l'ADN de Monsieur Diallo", poursuit l'avocat qui pointe du doigt les déclarations "changeantes" de l'accusé.
Mais depuis son arrestation, Mamadou Diallo a toujours clamé son innocence et maintenu sa version : il s'est rendu à l'agence postale, a découvert le corps de Catherine Burgod et est reparti dans la panique en emportant une liasse de billets. Si son ADN a été retrouvé sur le sac, c'est parce qu'il s'est essuyé les mains dessus.
L'ombre de Gérald Thomassin
Pour la défense, d'autres ADN et d'autres pistes n'ont pas été exploités. L'ombre de Gérald Thomassin, ancien acteur devenu un marginal, disparu depuis 2019 et un temps suspect numéro un, devrait une nouvelle fois planer sur ce procès. "Mon client a été acquitté, il se sait innocent. Il doit à nouveau s'expliquer. Tout ce qu'il veut, c'est que la justice soit rendue. Tout ce qu'il demande, c'est la justice : la confirmation de l'acquittement. Ce qui est certain, c'est que mon client est innocent. Ce n'est pas la bonne personne qui est dans le box", a déclaré Me Sylvie Noachovitch, en marge des débats. "Il croit en la justice, parce qu'il y a eu justice à Bourg-en-Bresse. Il croit beaucoup en les jurés et en leur courage", conclut Me Noachovitch.
Mamadou Diallo va-t-il retourner en prison à l'issue de ce nouveau procès ? Le verdict est attendu jeudi 19 ou vendredi 20 octobre.