Punaises de lit, "une histoire sans fin" : pourquoi il est si difficile de s'en débarrasser selon un spécialiste

Après une première fermeture de plusieurs jours en septembre, un établissement scolaire est encore fermé jusqu'au 5 octobre à Villefranche-sur-Saône. En cause : la présence persistante de punaises de lit. Un fléau qui gagne du terrain, selon un spécialiste de la lutte contre le parasite. Mais pourquoi est-il si difficile de se débarrasser de cet insecte cryptique et hématophage ?

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Les cours ont repris il y a à peine un mois et l'école Albert Camus de Villefranche-sur-Saône en est déjà à sa deuxième fermeture. En cause : la présence de punaises de lit est une nouvelle fois avérée. Le cas de cet établissement scolaire n'est plus extraordinaire. La présence de punaises de lit prolifère, dans la presse aussi... Une infestation difficile à combattre. Un spécialiste explique.

Deux fermetures coup sur coup

L'école Albert Camus a été fermée ce jeudi 28 septembre. L'établissement, qui comprend des classes maternelles et primaires, accueille 280 enfants. Il restera fermé jusqu'au jeudi 5 octobre. Une première fermeture des classes avait déjà eu lieu quelques jours plus tôt, du 18 au 25 septembre dernier, toujours en raison de la présence avérée du parasite. Un traitement avait été effectué après cette première fermeture, en vain.

Chez les parents d'élèves, l'inquiétude gagne face à cette infestation. Les punaises de lit avaient déjà été repérées cet été et plusieurs traitements réalisés. Mais le parasite ne semble pas avoir dit son dernier mot. En attendant la réouverture de l'école, prévue le 5 octobre, la mairie a mis en place un système de garderie en ouvrant une maison des familles. Le cas de cette école est aujourd'hui loin d'être exceptionnel.

Infestation : une histoire "sans fin"

De l'autre côté de la rue, un foyer d'hébergement d'urgence et de demandeurs d'asile. Plusieurs enfants scolarisés à l'école Albert Camus y habitent. Le foyer a également besoin d'être traité. Si certains seraient tentés de lier les deux infestations, le phénomène est bien plus large, à l'échelle du quartier, selon le responsable d'une entreprise spécialisée dans l'éradication des nuisibles.

Or traiter au coup par coup, localement, est souvent un coup d'épée dans l'eau. Et Aymeric Bouxom insiste : "le problème touche tout le monde, c'est sans fin. Il faudrait traiter toutes les habitations et tous les foyers d'infection en même temps. Si on traite partiellement, ça va continuer à se répandre".

Son entreprise va intervenir et désinfecter le foyer d'hébergement caladois ce jeudi 5 octobre. Elle interviendra à deux reprises, à deux semaines d'intervalle. Mais au préalable, des mesures ont été prises. Les responsables des lieux ont pris le problème à bras-le-corps. "Avec le foyer, nous avons mis en place un système thermique : on a installé une tente chauffante, les affaires des enfants de retour de l'école sont systématiquement décontaminées", explique le professionnel. Le traitement est coûteux, mais il permet de tuer ces nuisibles.

Les bureaux... c'est nouveau !

Cinéma, hôpitaux, écoles, résidences universitaires, lieux publics, trains, métro et transports en commun... À Lyon, les TCL ont connu récemment un signalement. Les responsables du réseau n'ont pas hésité à faire appel à un chien renifleur pour détecter la présence éventuelle du parasite et lever le doute.

Le problème est d'autant plus inquiétant, que ces parasites ne restent plus seulement confinés aux matelas et recoins des chambres à coucher.

J'interviens de plus en plus dans des entreprises, des bureaux. Je traite de plus en plus d'espaces de travail, c'est une première !

Aymeric Bouxom

Société Game Over

Le spécialiste rhodanien a ouvert son entreprise en 2011. Son rayon d'action est large : un triangle compris entre Lyon, Villefranche-sur-Saône, Amplepuis et Roanne dans le nord de la Loire. Depuis 2017, l'entreprise a vu les demandes d'intervention croître.
Immeubles, maisons individuelles et à présent entreprises. Depuis juin 2022, le nombre d'interventions a même explosé, selon Aymeric Bouxom. Sans explication apparente. "Autrefois, j'intervenais pour des punaises de lit une fois par mois. À présent, je fais une dizaine d'interventions par semaine. Et il n'y a plus de frontières. Pourtant, après la Covid, pas une punaise de lit pendant six mois. On a même cru qu'elles avaient disparu", confie le professionnel. Le phénomène se répand géographiquement aussi. Alors qu'il semblait circonscrit aux villes densément peuplées, les zones rurales commencent aussi à être rattrapées.

Un parasite difficile à combattre

Ces parasites avaient pratiquement disparu des habitations dans les années 50 en raison de l'utilisation de puissants insecticides tels que le DDT. Elles ont fait leur réapparition vers la fin des années 90 en France. Aujourd'hui, la prolifération de ces suceuses de sang paraît hors de contrôle. Car la punaise de lit est un insecte hématophage, de la famille des cimicidés. Elle se nourrit de sang humain.

Cryptique, "Cimex lectularius" se cache le plus souvent dans les matelas et les sommiers. Il est transporté dans les vêtements et les bagages. Cet insecte résistant peut survivre un an et demi sans se nourrir. Ses œufs peuvent survivre un an et demi avant d’éclore dans des conditions favorables. Les punaises de lit prolifèrent particulièrement à des températures comprises entre 20°C et 25°C. La lutte contre une infestation est loin d'être une partie de plaisir.

Ces insectes sortent de leur cachette avec le CO2 et la chaleur dégagée au repos. Impossible de traiter une maison inhabitée.

Aymeric Bouxom

Société Game Over

"Après un traitement chimique, il ne faut pas faire le ménage pendant un mois, le temps de laisser l'insecticide agir. C'est parfois compliqué pour les habitants qui continuent à se faire piquer durant ce temps". Problème : les punaises de lit ont également développé au fil du temps une résistance aux insecticides. Il faut alors souvent intervenir une deuxième fois pour venir à bout du parasite. Il existe aussi des traitements thermiques, efficaces immédiatement, mais plus chers et réservés aux plus petits espaces. "L'important dans tous les cas, c'est de bien préparer son logement avant l'intervention d'un professionnel", insiste Aymeric Bouxom.

Fléau national

D'ordinaire, les punaises de lit craignent la lumière et ne sortent que la nuit. En voir le jour, c'est le signe d'une surinfestation. Les professionnels de la désinfection le rappellent : l'hygiène n'est pas en cause, c'est une problématique liée aux déplacements. Et le pic d'activité ne serait pas encore passé. Il se situe généralement entre octobre et novembre.

Le problème des punaises de lit n'est pas lié à la pauvreté ou à la précarité. Au départ, c'était même un problème de gens riches qui voyageaient.

Aymeric Bouxom

Société Game Over

Pour le spécialiste de la désinfection, l'État doit s'emparer du problème. Les régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes sont aujourd'hui les plus touchées dans l'Hexagone. Les punaises de lit ont coûté 230 millions d'euros par an aux ménages français entre 2017 et 2022, selon un récent rapport de l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Elle indique que tous les milieux socio-économiques sont concernés. L’agence a recommandé d’aider financièrement certains ménages dans la prise en charge des coûts liés à l’éradication des punaises de lit. Le coût s'élève à 866 euros en moyenne par foyer, toujours selon l'Anses.

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