Dans "l'affaire des bébés nés sans bras", une famille de l'Ain demande l'ouverture d'une information judiciaire. Elle réclame une enquête indépendante et impartiale menée par un magistrat instructeur. Une conférence de presse s’est tenue ce lundi 19 août à Lyon.
C'est une première judiciaire en France. L'affaire dite des ''bébés sans bras'' prend une autre tournure. L'avocat de la famille d'Axelle Laissy maman d'un des enfants a déposé plainte contre X au pôle de santé publique du TGI de Marseille. L’avocat souhaite une enquête indépendante et impartiale.
Il a expliqué les raisons qui ont conduit à porter l’affaire devant la justice lors d’une conférence de presse qui s’est tenue ce lundi 19 août, aux côtés d’Axelle Laissy. "On se pose la question si oui ou non il y aura véritablement des enquêtes de terrain. C’est une interrogation de ma cliente qui considère que les objectifs de cette enquête conduite par le CES, comité d’experts scientifiques, sont des objectifs pour le moins modestes. C’est le premier point sur la question des insuffisances de l’enquête, insuffisance des investigations au plan pratique", explique-t-il. "Et puis il y a des interrogations de la part des parents du petit Louis, Madame Laissy et son conjoint, mais aussi de la part d’autres familles quant à l’indépendance des enquêtes conduites par l’ANSES et Santé Publique de France. On ne veut absolument pas préjuger de dépendance ou d’un lien de subordination quelconque de la part de ces deux autorités de santé. On est respectueux de leur statut, pour autant, on considère qu’un magistrat instructeur offre bien plus de garanties en termes d’indépendance et d’impartialité".
L'avocat ajoute que si l’ANSES annonçait courant juin des investigations dans les endroits où les anomalies ont été observées, elles n'ont concerné que le département du Morbihan, ce que regrette ses clients. "Par ailleurs mes clients s’interrogent quant au fait que, tant Santé Publique France que l’ANSES sont relativement proches de l’exécutif, puisque leurs comités directeurs sont nommés par l’exécutif. En résumé, nous considérons que l’ANSES et Santé Publique France n’offrent pas les garanties d’indépendance et d’impartialité que présente un juge d’instruction. Voilà les raisons de notre initiative judiciaire’’, a conclu Fabien Rajon, l'avocat de la famille qui a porté plainte.
Huit cas recensés dans l'Ain
Le nombre de cas de bébés nés sans bras, avant-bras ou sans main pose question dans l'Ain. L’affaire dite des « bébés nés sans bras » est née d’une alerte lancée par le Remera et Emmanuelle Amar, responsable de ce registre. L'organisme est en charge du recensement des malformations en Auvergne-Rhône-Alpes. L'association a tiré la sonnette d'alarme fin septembre 2018. Une famille de l'Ain a décidé de passer à l'action et porte plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui. Une plainte en vue de l'ouverture d'une information judiciaire. Elle a été déposée par le biais d'un cabinet d'avocats de Lyon.Dans le département de l'Ain, ce sont huit cas de bébés atteints d'agénésie transverse des membres supérieurs (ATMS) qui ont été recensés entre 2009 et 2014. Des cas concentrés sur un rayon de 17 kilomètres autour du village de Druillat. D'autres cas ont été signalés en Loire-Atlantique (3 entre 2007 et 2008) et dans le Morbihan (4 entre 2011 et 2013).
A l'automne 2018, Santé publique France avait indiqué n'avoir identifié aucune cause pour les cas groupés suspects et avait estimé qu'il n'y avait pas d'"excès de cas" dans l'Ain. Mais les inquiétudes dans les régions concernées avaient poussé le gouvernement à lancer une nouvelle enquête, menée par Santé publique France et l'Anses.
Un comité d'experts scientifiques (CES) composé d'une vingtaine de personnes a été mis en place en février 2019 pour déterminer les causes possibles de cas groupés d'enfants nés avec une "agénésie transverse des membres supérieurs" (ATMS). Le rapport final des scientifiques a été présenté le 12 juillet dernier dans les locaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à Maisons-Alfort.
Un seul secteur géographique retenu pour des études complémentaires : l'Ain écarté
Lors de ce compte-rendu, les scientifiques ont recommandé de mener des investigations complémentaires uniquement sur les cas situés dans le Morbihan, selon les familles concernées. Le comité d'experts a confirmé l'existence d'un "cluster" (une concentration anormale par rapport au nombre de cas attendus) dans ce secteur géographique. Le rapport a retenu un agrégat constitué de trois cas dans la commune de Guidel entre 2011 et 2013. Pour les cas de bébés nés dans la Loire-Atlantique, les experts n'ont pas encore pu statuer, notamment en raison de l'absence de registre de malformations dans ce département.Le comité d'experts a également écarté une nouvelle enquête dans l'Ain. Les experts ont conclu à "l'absence d'excès de cas" de malformations dans cette zone, ont rapporté les familles et associations, après la présentation du rapport final des scientifiques. Le comité d’experts n’a pas pris en compte les cas nés avant 2011, année de création du registre Remera. Incompréhensible pour Emmanuelle Amar.
Ces malformations restent inexpliquées à ce jour.