Une dizaine de grévistes de l'entreprise de ramassage des ordures Pizzorno étaient convoqués devant le tribunal à Lyon pour "faute grave" selon la direction. Une "intimidation" pour les syndicats. La direction réclame l'évacuation du site. La décision a été mise en délibéré jeudi 18 avril.
Ils sont accusés de "jets de projectiles", de "diffamation", mais aussi "d'entrave à la liberté de travail”: une dizaine de salariés grévistes étaient convoqués en référé mercredi 17 avril, devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon, pour fautes graves par leur direction qui réclame l'évacuation du site bloqué.
Parmi eux, deux d’entre-eux sont les délégués syndicaux Solidaires, leaders du mouvement.
"Depuis le début on est pacifiques. Ce sont des personnes extérieures à la société. Aucun salarié de Pizzorno ne s'est mis en avant pour faire quoi que ce soit. Ils nous assignent quand même au tribunal. Ils ont sorti des noms: ce sont des personnes qui étaient en congés, ils sont venus deux trois fois, mais ils n'ont rien fait. Des gens qui restent sur le côté, très calmes, ils les ont quand même convoqués. C'est juste une forme de pression, comme ils ont l'habitude de faire" s'insurgait un représentant syndical avant le début de l'audience devant le tribunal.
Le point avec nos reporters Philippe Rejany et Arnaud Jacques mercredi 17 avril à 12h:
La grève, qui a commencé le 2 avril, impacte fortement le ramassage des ordures de plusieurs secteurs à Lyon (3ème, 6ème et 8ème arrondissement), Villeurbanne, Bron et Vaulx-en-Velin. Les grévistes demandent une revalorisation salariale de 300 euros mensuels, et une amélioration de leur condition de travail. Les négociations sont pour l'instant dans l'impasse.
"Le droit de grève est légal" pour le directeur
A la sortie de l'audience, Frédéric Balse, Directeur propreté urbaine Pizzorno précise: "le droit de grève est légal. Mais on n'a pas le droit d'empêcher les non-grévistes de travailler. C'est ce qui s'est passé, avec des violences. On aura une décision favorable en ce sens demain, avec une expulsion."
Sur le fond de la grève, le directeur ajoute : "On a eu 5 négociations, mais les revendications sont complètement irréalistes. Elles mettraient en difficulté l'entreprise. On parle de 17 millions d'€ d'augmentations de salaires. C'est totalement impossible. On a augmenté tous les salaires de 2,1%."
Pizzorno Environnement, chargé de la collecte des déchets ménagers sur Lyon et Villeurbanne depuis 2017, dénonce un "blocage constant et réel" du site de Vénissieux par les salariés grévistes, empêchant leurs collègues non-grévistes "d'exercer leur travail", a plaidé l'avocat de la société, Me Eric de Berail. "L'objectif de l'expulsion n'est pas de faire cesser le mouvement de grève; ce qui n'est pas admissible c'est la cohorte d'agissements qui ont fait sortir le mouvement de la légalité", a ajouté Me de Berail, en déplorant "des actes de sabotage sur douze camions-bennes".
"On ira jusqu'au bout !" pour les grévistes
Pour l'avocate des salariés, Me Lucie Davy, "le fait de tenir un piquet de grève n'est pas en soi illégal". Les constats d'huissiers dressés à la demande de la direction "ne mettent aucun des salariés grévistes en avant" dans les blocages, a-t-elle relevé. L'avocate a également estimé que le durcissement du conflit était "exclusivement de la responsabilité du groupe Pizzorno" de par son absence de négociation.
Judicaël Dissake, délégué syndical Solidaires du Rhône, a considéré que cette procédure était un "coup de pression pour déstabiliser la grève". "Ils viennent de nous souder encore plus", a-t-il lancé sous les hourras de la quarantaine d'éboueurs grévistes et de militants syndicaux venus les soutenir.
La décision mise en délibéré
Le Tribunal rendra sa décision jeudi 18 avril. En attendant, les grévistes se donnent rendez-vous à l'aube, devant l'entrée de leur site jeudi 18 avril.
La Métropole voit rouge
Dans le même temps, via un communiqué, la Métropole de Lyon tape du point sur la table.
"Constatant que la négociation entre les dirigeants de l’entreprise et les syndicats est bloquée, David Kimelfeld demande au Préfet de Région de mobiliser les services de l’Etat (DIRECCTE) pour organiser une médiation entre les dirigeants de Pizzorno et les représentants du personnel. Si aucune solution n’est trouvée d’ici jeudi par Pizzorno, la Métropole appliquera les pénalités financières telles que prévues dans le marché." Il s'agirait d'une pénalité de 20€ par poubelle non ramassée.
La Métropole, qui se dit "très attentive aux conséquences sanitaires et de sécurité générées par ce mouvement de grève depuis plus de deux semaines", fait appel à d'autres entreprises privées, Nicollin et Sita, pour ramasser les déchets. Elle complète également le service par ses agents, avec une équipe supplémentaire pour chacun des 6 secteurs (3e, 6e, 8e, Vaulx-en-Velin, Bron et Villeurbanne).
David Kimelfeld rappelle que l’entreprise Pizzorno "se doit d’assumer ses responsabilités et trouver une issue à la grève dans les plus brefs délais".
Une solution intermédiaire trouvée ?
Dans un deuxième communiqué, la Métropole précise que la totalité du service devrait être assuré jeudi 18 avril.
"L’entreprise vient de s’engager à assurer à partir de demain matin (jeudi 18 avril) le service de collecte à 100% sur l’ensemble de leurs tournées habituelles;
rattraper le retard accumulé de la collecte depuis deux semaines d’ici samedi soir. En contact régulier avec les maires des arrondissements et communes concernées par la grève et très attentif aux conséquences sanitaires et de sécurité générées par ce mouvement depuis plus de deux semaines, David Kimelfeld, Président de la Métropole a adressé un nouveau courrier pour les informer des engagements pris par l’entreprise Pizzorno dès demain."