Quelques mois après la mort d’un bébé par empoisonnement dans une crèche de Lyon, le livre "Les Ogres" de Victor Castanet fait la lumière sur le scandale des crèches privées.
Le drame avait fait grand bruit. Le 22 juin dernier, Lisa, 11 mois, est décédée après avoir été empoisonnée dans une crèche du groupe People & Baby, dans le 3ème arrondissement de Lyon. Une employée, Myriam J., lui avait fait ingérer du Destop, un produit déboucheur. Seule avec la petite fille ce matin-là, cette femme de 27 ans n’aurait pas supporté les pleurs du bébé alors qu’elle devait finir son ménage.
Incarcérée à la prison de Lyon Corbas, Myriam J. a été mise en examen pour homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans. Dans un livre enquête sur le scandale des crèches privées, Les Ogres, le journaliste Victor Castanet révèle que cette employée avait été licenciée au bout de cinq jours quelques mois plus tôt d’une autre crèche lyonnaise, Babilou, pour plusieurs manquements. L’avocat de Myriam J. a par ailleurs estimé que sa cliente était trop fragile pour se retrouver seule avec un enfant.
La crèche a depuis été définitivement fermée par décision administrative. Mais combien d’enfants ont été victimes des pratiques People & Baby ? Optimisation des coûts, mauvais recrutement, maltraitances... le groupe privé qui gère près de 600 crèches en France est au cœur du livre de Victor Castanet. D’après lui, la "voracité" de certains groupes de crèches privées, combiné à "l’inaction" des pouvoirs publics a eu des impacts "dramatiques" sur le secteur et les enfants. Dans un souci de bénéfices, certains groupes auraient ainsi institué des pratiques potentiellement dangereuses pour les enfants, pour réduire toujours plus leurs coûts au détriment de la sécurité de l’accueil des petits.
Plusieurs plaintes
L’histoire commence dans cette crèche People & Baby de Villeneuve d’Ascq, où neuf familles ont porté plainte pour maltraitances. "Vous avez des punitions avec des enfants qui sont pendant de longs moments, parfois des heures, punis dans le noir sans tétine, sans doudou. Ce sont des humiliations aussi : quand les enfants ne sont pas propres, certains professionnels vont les punir, les humilier devant d’autres enfants, ce qui laisse des traumatismes" expose le journaliste d’investigation au micro de France Inter.
À Lyon, le secteur des crèches lucratives est en expansion : de 10% en 2015, il est passé à 27% en 2021. Un chiffre supérieur à la moyenne française. Après le drame de juin dernier, les langues se délient dans cette ville. Plusieurs parents ont porté plainte pour des violences sur leurs enfants. D’anciens salariés de People & Baby témoignent également des mauvaises conditions d’accueil des enfants. "Psychologiquement, j’étais aux aguets en permanence. J'avais la crainte que l'équipe déraille en mon absence au niveau de leur gestion de leur fatigue, de leurs émotions. On travaille avec des bébés donc, oui, je craignais des dérapages de mon équipe" raconte une ancienne directrice, qui a requis l’anonymat.
"On ne sait pas ce qui est arrivé à notre fils"
Hélène, elle, a porté plainte contre People & Baby, à Metz. Un soir de novembre 2022, elle récupère son fils de sept mois à la crèche, l’œil très abîmé, dans les bras d’une salariée. "Cette jeune femme ne me regarde pas dans les yeux et dira cette phrase qu’on nous répétera tout le temps : "il s’est réveillé de la sieste comme ça". On ne sait pas ce qui est arrivé à notre fils. Les trois médecins concluent à une contusion et le légiste à une contusion à répétition" témoigne-t-elle.
La direction de People & Baby a changé il y a quatre mois. Elle se dit atterrée par les pratiques du fondateur du groupe, qui a été écarté. "Nous prenons ces révélations extrêmement au sérieux, et les pratiques décrites dans l’ouvrage nous choquent profondément" déclare ainsi le groupe dans un communiqué, tout en indiquant que plusieurs audits indépendants vont être lancés pour examiner l’ensemble des pratiques dans les crèches People & Baby.
