Dans la Drôme, une mère de famille inquiète pour l'avenir de ses enfants décide de demander des comptes à l'Etat. Elle fédère 43 parents qui exigent devant la justice que le préfêt agisse pour appliquer la législation en matière d'environnement et de santé alimentaire. un recours a été déposé.
Hélène Flechet est agricultrice, installée depuis une quinzaine d'années à Crest, dans la Drôme. C'est là qu'elle élève ses trois enfants, âgés de 11 à 19 ans . "Il y a environ un an et demi, à la fin de l'été, j'ai envoyé comme une bouteille à la mer" raconte-t-elle. "C'était la fin de l'été, et la rivère Drôme était complètement verte, à un niveau très bas. Il y a encore 10 ans, on pouvait s'y baigner tranquillement chaque été... Et là, on était en pleine canicule et c'était pas acceptable."
Une maman agricultrice inquiète pour l'avenir de ses enfants
Sensibilisée aux problèmes climatiques par son activité professionnelle, Hélène décide de se renseigner. Elle constate que la situation climatique, et environnementale, risque fatalement de s'aggraver dans son secteur. Elle envoie des courriels à quelques amis, parents également, pour leur faire part de ses inquiétudes. "Il faut savoir que la Drôme est passée récemment en climat méditerranéen. On a énormément de culture de maïs, par exemple. Ce n'est plus du tout adapté." explique Hélène. "Tout le monde se plaint, ici, de cette évolution et on craint que la Drôme ne disparaisse. Cette rivière est menacée de ne plus exister d'ici 20 ans."
43 parents se fédèrent autour de son action
Les premiers échanges de cette mère de famille, ni militante ni membre d'aucune association, avec ses connaissances vont progressivement fédérer d'autres parents, au fil du temps. "C'est une simple approche territoriale. On n'est pas là pour sauver le climat. On réagit concrêtement à ce que l'on voit, ce que l'on vit, sur ce territoire drômois." précise notre interlocutrice. Elle commence alors à exprimer son constat dans les medias locaux. Quelques articles paraissent et des radios locales en font le relai.
Hélène passe une étape supplémentaire et contacte des avocats. "J'ai cherché simplement sur internet. Contrairement à d'autres qui me parlaient immédiatement de tarifs, Maître Leleu m'a rappelé pour me remercier. Cela l'intéressait vraiment de défendre une telle requête. On est donc parties pour défendre notre cause à deux." Pour faire baisser le prix de son conseil, Hélène Flechet se met en quête d'autres parents volontaires pour mener cette démarche à ses côtés. "Au début, j'ai trouvé 4 ou 5 personnes. Au bout d'un an, on est arrivés à 43 parents !"
Un recours devant le tribunal administratif de Lyon
Le 7 août 2020, ce groupe de "parents pour le planète" demande, dans un courrier au Préfêt de la Région-Auvergne-Rhône-Alpes, de mettre en oeuvre ses compétences en matière de protection environnementale. "Il ne répondra pas au présent courrier. Ce qui implique un refus implicite de sa part" explique Maître Hélène Leleu. "Après ce recours gracieux, on a donc décidé d'attaquer la décision implicite de rejet, et on a saisi le Tribunal administratif de Lyon le 20 décembre ." Selon l'avocate, le tribunal a ensuite adressé notre requête en préfecture en lui laissant un certain délai pour répondre. "A ce jour, nous n'avons pas la moindre réponse de leur part."
Pas de quoi décourager ce groupe de parents, qui veut faire bouger les choses. Ils ont également constitué leur dossier de presse. ce qui leur a permis de faire davantage parler de leur action. Une démarche qui n'a cependant pas grand chose à voir avec la désormais célèbre "affaire du siècle", comme le confirme Maître Leleu. "On est au niveau local. On fait valoir des constats et des particularités précis sur le territoire de la Drôme. On donne des exemples concrêts. On invoque des textes de lois applicables. Et on pense que le préfêt n'a pas appliqué ces textes correctement. Pour résumer, on ne dit pas que la loi est insuffisante. On dit plutôt que la préfecture ne l'applique pas."
Obtenir des actions concrêtes de l'Etat pour l'environnement drômois
Dans la Drôme, Hélène et les autres parents souhaitent tout simplement que la justice impose au préfêt des actions immédiates pour que les lois soient appliqués. "C'est essentiellement au niveau alimentaire que nous alertons. Dans la Drôme, il y a des répercussions au niveau de l'eau, des cultures inadaptées, des sécheresses. Cela impacte la biodiversité, l'agriculture et augmente des risques d'incendie et de pollution." ajoute Hélène Flechet.
Leur avocate a traduit en détail les exemples d'inactions reprochées au préfêt. Concernant la sécheresse, par exemple : "il n'existe pas de politique régionale incitative ou contraignante pour encourager les agriculteurs à remplacer le maïs ou le tournesol par des cultures moins gourmandes en eau..." ou encore "le préfêt n'apporte aucune preuve ni aucun élément permettant de garantir qu'il met en oeuvre ses compétences en vue de faire respecter le droit de vivre dans un environnement sain et d'en certifier la jouissance à l'ensemble des habitants du département de la Drôme". Autant de thèmes concrêts sur lesquels ils souhaitent un changement, même contraint par la justice, si nécessaire.
Une initiative qui se duplique en France
De son côté, la préfecture, contactée par nos soins, confirme qu'un contentieux suit actuellement son cours et que l'Etat répondra point par point sur ces demandes au Tribunal administratif. Les services préfectoraux assurent que de nombreuses actions sont menées par le Préfêt d'Auvergne-Rhône-Alpes dans les domaines de la qualité de l'air, de l'eau ou encore du bâti foncier, dans toute la région. "Le préfêt mène réellement une politique proactive importante sur ces sujets et à long terme", nous a-t-on assuré.
En attendant la suite de la procédure, à force de démarches et médiatisation, cette initiative de ces parents drômois commence à en inspirer d'autres. Ainsi, une action du même type a été initiée dans le lot. L'association "Lot.ois.es pour la planète" se propose de "poursuivre l'Etat en justice pour le non-respect de ses engagements et du droit ".