Témoignage. Liquidation de Place du Marché (ex Toupargel) : "Il fallait bien garder notre boulot alors on acceptait tout sans broncher"

La liquidation d’une entreprise, c’est d’abord la fin d’une histoire collective, mais aussi une somme de drames humains individuels. Pour les femmes et les hommes salariés de Toupargel, ces drames sont nombreux. Témoignages de deux salariées qui travaillaient depuis 6 et 13 ans dans la région lyonnaise.

Toupargel, ex-Agrigel, devenu Place du marché en 2021, a été créé en 1945. Presque 80 ans d'activité qui rend d'autant plus douloureuse la fin de l'histoire, souvent mal vécue par celles et ceux qui y sont confrontés. 

Nadia et Louise, 50 et 58 ans, sont de simples collègues, elles ne se connaissent pas, et pourtant leur ressenti est identique. Les difficultés de Toupargel, elles les ont vues venir depuis plusieurs années.
Avec la transformation en Place du marché, Nadia, 13 ans d’ancienneté, a ressenti la pression s’accentuer. «Moi je travaillais en téléprospection, mais on m’a changé de poste plusieurs fois sans explication. Et puis, on nous a demandé d’augmenter sans cesse les objectifs de vente. Alors ceux qui n’y arrivaient pas, très vite ils étaient en maladie, à temps partiel thérapeutique ou alors en inaptitude. Et souvent, l’étape suivante c’était le licenciement».

J’avais vraiment peur d’être virée pour un rien, et je ne voulais pas que ça s’arrête.

Nadia,

13 ans chez Toupargel

Pour Louise, «c’était incroyable de nous fixer un objectif de vente à 48 ou 50 € par panier. Quand on vend des carottes ou des navets, ce n’est pas évident !  Et puis, on a de plus en plus vendu les produits de la marque Grand frais, l’autre société dans laquelle ont investi nos dirigeants, les Bahadourian. Mais, avec ces produits venus de Grand frais, on était beaucoup plus cher que la concurrence. Tenir les objectifs de vente c’était mission impossible ! En juin, ils ont commencé à externaliser notre travail avec une société de Tunisie, et pour moi c’était vraiment le début de la fin».

Des salariées qui ont la rage contre leur direction 

Nadia a bien ressenti le danger de l’externalisation mais «il fallait bien garder notre boulot alors on acceptait tout sans broncher». Après 13 années passées sur un plateau de démarchage téléphonique, elle en sort perturbée, fatiguée : «En même temps, j’ai la rage à cause de tout ce qu’on nous a fait vivre, avec aucune explication sur les difficultés de la boîte. A 50 ans, je vais avoir du mal à changer de travail. Pour rebondir et pouvoir me former, il me faut une prime de licenciement la plus importante possible. L’objectif des 100 000€ demandées par nos délégués, c’est sans doute beaucoup mais c’est légitime, car nos patrons, ils ont l’argent. Et même avec la liquidation de Toupargel, ils vont s’enrichir .

Ça nous a détruit le moral d’annoncer, nous-même, la fin de Toupargel à nos clients.

Nadia et Louise

Toutes les deux, Nadia et Louise, racontent le même calvaire pour leurs dernières semaines d’activité : «Le pire, c’est quand la direction nous a obligées à appeler, un à un, tous nos clients. Des mamies et des papies qui étaient parfois en détresse, tout perdus de devoir changer de fournisseur. Ça nous a vraiment détruit le moral d’annoncer nous-mêmes la fin d’Agrigel et Toupargel !».

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