Témoignages. Coupe du Monde au Qatar : et si regarder "faisait de moi quelqu'un de mauvais?", le cas de conscience des supporters

Boycott ou pas boycott ? La question résonne actuellement chez de nombreux supporters de foot et des Bleus. La fête est gâchée. De véritables cas de conscience se posent, un mois avant le début de la compétition, le 18 novembre prochain.

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Pour moi c’est clair car c’est la seule façon d’être en accord avec mes valeurs humaines et écologiques” tranche Hélène. La haute-savoyarde de 56 ans n’a pas manqué une seule Coupe du monde depuis 40 ans, le souvenir de la demi-finale de 1982 encore bien en tête. 

Et elle n’est pas la seule à avoir la mémoire pleine de souvenirs. Tous les 4 ans, passionnés de football et “footix” (ceux qui ne s’y intéressent que lors des grands évènements) se rassemblent dans ces “moments exceptionnels". 

Pour toutes les personnes que nous avons interrogés, la Coupe du monde de football fait partie des rares occasions qui permettent à la fois de “voir des équipes que l’on ne verrait pas autrement”, de “créer du partage et de la solidarité entre les pays grâce aux valeurs du sport”, de “voir du beau jeu” ou encore de “vivre des moments en famille ou avec des amis, même si on n’aime pas le foot”. 

ça ne fait plus de sens de regarder quand les stades se transforment en cimetières. 

Hélène, 40 ans de fidélité à la Coupe du Monde

Malgré toutes ces belles raisons, à un mois du début de l’évènement, un cas de conscience émerge : faut-il boycotter la Coupe du Monde 2022 ? Les arguments ne manquent pas, à la fois pour le drame humain et la catastrophe environnementale que constitue l’évènement :

  • 6 500 travailleurs étrangers seraient morts lors de la construction des stades selon The Guardian
  • conditions de travail inhumaines et violations massives des droits humains selon Amnesty International

En guise de cerise sur le gâteau, les suspicions de corruption ne manquent pas concernant l’attribution de l'événement par la FIFA au Qatar en 2010. Face à ces arguments, Hélène résume que, pour elle, “ça ne fait plus de sens de regarder quand les stades se transforment en cimetières". 

De son côté, Grégory, jeune stéphanois de 23 ans, regrette que malgré toutes ses raisons, les regards internationaux se porteront sur le Qatar qui tente de redorer son image. Il ajoute qu’en plus des critiques propres à la Coupe du monde, c’est "sans oublier non plus la place des femmes et des homosexuels là-bas

Alors faut-il que la Coupe du monde soit forcément attribuée à un pays modèle ? Pour le supporter des Verts, c’est impossible : 

On a bien regardé la Coupe du monde en 2018 en Russie alors qu’elle avait déjà envahie la Crimée ou bien en 2014 au Brésil alors qu’ils avaient soit disant nettoyé les Favelas. Bref il n’y a pas une Coupe du monde sans polémique, même si cette année elles sont plus nombreuses

Grégory, 23 ans, originaire de Saint-Etienne

La faute à qui?

La question du boycott ne peut se faire sans se questionner sur celle du poids des actions individuelles. Tous nos interviewés l’assurent, ils sont conscients que laisser leur télévision éteinte ne changera pas le problème de fond. “Ça ne fera pas revenir les morts ou annuler la construction des stades” détaille Maxime, trentenaire de Villefranche-sur-Saône. 

Pour Grégory, il “faudrait que les politiques, les sportifs et les spectateurs s’engagent, mais pas que le poids repose uniquement sur les spectateurs parce que les autres n’ont rien fait. Si les autres s’étaient mobilisés, les spectateurs auraient suivi”. “C’est compliqué aussi pour les sportifs qui sont engagés avec des contrats et pour qui ça représente un moment important dans leur carrière” nuance Maxime, qui en veut davantage aux politiques. 

L'effet papillon ou la magie des petites décisions

Même si elle sait que son choix individuel ne fera pas le poids face aux enjeux économiques de ce milieu, Hélène veut garder espoir : “Je crois à l’effet papillon”. Son fils en revanche n’y croit pas. “C’est la FIFA et les dirigeants qui peuvent influencer. Je me considère comme le petit bourgeon d’un arbre alors que le problème doit être pris à la racine” argumente Antoine, 23 ans. Mais face au cas de conscience qui s’est imposé à lui et au sein de sa famille, il en est venu à se poser des questions métaphysiques :

Je me suis demandé si regarder la Coupe du monde ferait de moi quelqu’un de mauvais ? Est-ce que mon plaisir personnel va effacer le coût humain et écologique de la compétition ? Mais à la fin, je me dis que non car c’est trop tard.

Antoine, haut-savoyard de 23 ans

Tous n’ont pas des avis aussi tranchés. Par exemple, Camille, habitante de l'Ain hésite encore : “je vais essayer de ne pas regarder mais en même temps je sais que j’aurai du mal si des amis me proposent de regarder avec eux ou si l’équipe de France arrive aux quarts”. 

Tous ces férus de foot regrettent que ces cas de consciences soient arrivés trop tard dans la sphère publique. “Je me rappelle très bien qu’on en avait déjà parlé quand le Qatar avait obtenu le mondial 2022 alors que j’étais tout petit. On en avait débattu en famille et j’étais même persuadé qu’au final ça ne se ferait pas là-bas” explique Grégory, pourtant âgé d’à peine 11 ans au moment de l’attribution. 

Alors pour ceux qui comptent tout de même regarder, iront-ils dans les traditionnelles fans-zones avec écrans-géants, propices à l’esprit festif recherché dans ces occasions ? Maxime apprécie la décision de certaines communes (regroupées sur cette carte) de ne pas en mettre : “Pour le coup, je trouve ça logique car ce n’est pas individuel. Ça concerne plusieurs milliers de personnes, donc c’est politique, même si de toutes façons en plein hiver ce n’était pas tellement propice” résume le caladois. 

Alors face à ces questionnements, boycott ou pas ? Selon l’institut de sondage Odoxa, 46% des français comptent suivre la Coupe du Monde. A titre de comparaison, ils étaient 68% avant le dernier mondial en 2018.

Plus qu’un mois pour faire son choix avant les premiers matchs, qui, dans tous les cas, n’auront décidément pas la même saveur. 

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