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TEMOIGNAGE VIDEO. "J’ai perdu 57 kilos mais je me sens toujours obèse dans ma tête"

Christel a perdu 57 kilos mais se sent toujours obèse

Ils vont perdre plusieurs dizaines de kilos en l’espace de quelques semaines et ils vont devoir apprendre à vivre dans leur nouveau corps… Des centaines de patients, opérés d’une chirurgie de l’obésité (réduction de l’estomac), vont être suivis gratuitement pendant 5 ans dans le cadre d’un programme novateur appelé Baria up déployé à Lille, Toulouse et Lyon.

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On l’appelle chirurgie bariatrique ou chirurgie de l’obésité : inventée dans les années 1950, elle consiste à réduire le volume de l’estomac, afin de diminuer l’appétit du patient et de lui apporter la satiété plus rapidement. Très invasives au début, les opérations se sont perfectionnées au fil du temps et de l’amélioration des techniques, notamment avec le développement de l’endoscopie, qui permet d'opérer grâce à une caméra. Aujourd’hui, deux types d’interventions sont principalement mises en œuvre : la sleeve, qui agrafe et coupe  l’estomac pour le réduire des deux tiers, et le bypass, qui court-circuite complètement l’estomac, en raccordant une petite poche de la taille d’un œuf aux intestins.

L'anneau gastrique a montré ses limites, il est désormais réservé aux mineurs obèses. 

La chirurgie n'a rien de magique 

En l’espace de quelques semaines, les patients plusieurs dizaines de kilos. Et ils améliorent instantanément leur qualité de vie en réduisant les risques de comorbidité (maladies cardio-vasculaires, diabète, Covid…). Le nombre de candidats à la chirurgie de l’obésité a été multiplié par 20 en l’espace de 10 ans et, aujourd’hui, 60.000 personnes y ont recours chaque année en France. C'est plus que partout en Europe. 

Mais la prise en charge de ces patients pose problème. Pour être opérés leur indice de masse corporelle  (IMC, soit le poids –en kilos- divisé par la taille –en mètres- au carré) doit être supérieur à 40, selon les recommandations de la Haute autorité de santé même si certaines cliniques sont moins regardantes, notamment à l'étranger. 

Il y a de plus, un vrai déficit de suivi post-opératoire : les personnes opérées, qui devraient être accompagnées pendant 6 mois, sont relâchés dans la nature, à l’initiative des cliniques qui veulent faire des économies ou des patients eux-mêmes, trop contents d’avoir atteint leur objectif de perte de poids rapide.

"Je me sens toujours obèse"

Exemple, cette habitante du Beaujolais, opérée en 2017, qui a perdu... 57 kilos. "Après mon bypass, j’ai vu le chirurgien une fois par an, pour vérifier qu’il n’y avait pas de soucis, pour avoir une prise de sang, pour surveiller les vitamines", raconte Christel Scariot-Bonnin. "Mais je n’ai eu aucun accompagnement, pas de suivi diététique, ni psychologique. Alors que l’obésité, elle reste dans la tête. Malgré les 57 kilos que j’ai perdus, moi, je me sens toujours obèse. J’en souffre toujours, au quotidien".

C’est toute la raison d’être du programme Baria-Up, porté par le Centre intégré de l’obésité des Hospices civils de Lyon (HCL) et la clinique Les lilas bleus, aux côtés des CHU de Lille et de Toulouse. Il s’agit d’un parcours d’accompagnement expérimental d’une durée de 5 ans : à Lyon, 140 patients par an vont être suivis avant, pendant et après l’opération bariatrique, grâce à des ateliers diététiques, de sport adapté et surtout un accompagnement psychologique. 

Mesurer les troubles du comportement alimentaire

Tout commence par une semaine d’hospitalisation, d’examens médicaux, diététiques et psychologiques. Il s’agit de mesurer notamment l’importance des troubles du comportement alimentaire (TCA). "J’ai commencé à prendre beaucoup de poids à partir de la 6ème", explique Delphine, candidate à une chirurgie de l’obésité pour perdre une partie de ses 141 kilos (pour une taille de 1m68). 

Je suis quelqu’un qui aime bien manger à la base, et des évènements personnels, familiaux ont fait que la nourriture est devenue mon refuge émotionnel. J’ai fait des crises d’hyperphagie assez importantes, où je prenais mon argent de poche et j’allais au petit supermarché du coin et j’achetais des aliments de toutes sortes, pour pouvoir me faire après des séances de "binge", comme on appelle ça

Delphine, patiente du centre intégré de l'obésité

Le "binge eating", ou hyperphagie, ou compulsion alimentaire, consiste à manger de grandes quantités de nourriture en très peu de temps. "Moi, c’est les chips, le soir, en rentrant", raconte Carole, autre candidate au programme Baria-Up. "C’est mon petit moment à moi de détente, qui fait chiffrer gros après sur la balance".

"Tous les patients qui ont une tendance au "binge eating" ou à la boulimie, qui ingurgitent de grandes quantités, sont d’emblée récusés", explique Thibault de Schlichting, chirurgien bariatrique à l’hôpital Edouard Herrot. "Ils mettent en jeu leur pronostic vital dès le début. La chirurgie ne fonctionne pas sur eux. Ce sont des patients qui ne vont pas perdre de poids, voire qui peuvent en prendre".

Delphine s'était ainsi vue refuser la chirurgie dans un premier temps, les médecins ont jugé ensuite que ses troubles du comportement alimentaire étaient suffisamment encadrés pour qu'elle puisse être opérée. 

La sélection des patients est donc très rigoureuse. Les Hospices civils de Lyon opèrent 200 à 300 patients par an et la liste d’attente s’allonge : 1000 nouveaux obèses se présentent chaque année au Centre intégré de l’obésité.

L'obésité est une maladie 

C’est une commission pluridisciplinaire qui, au regard de l’IMC, du dossier médical, de la balance bénéfices/risques et de l’importance des troubles du comportement alimentaire, va finalement décider quels patients peuvent être opérés. "L’insistance est proportionnelle à la souffrance des patients", explique une spécialiste. "L’idée, c’est qu’il n’y ait qu’une chirurgie bariatrique dans une vie".

Cette chirurgie, Marina Dupré, 32 ans, en a bénéficié en avril 2022 à l’hôpital Edouard Herriot de Lyon. Son métabolisme ne lui permettait pas d’éliminer suffisamment les calories, elle pesait 106 kilos, pour une taille d’1m61, soit un IMC de 40,9.

Un mois après sa sleeve, elle avait perdu 11 kilos et se sentait fatiguée. "C’est dur, parce que, physiquement, c’est un changement énorme", expliquait-elle à Béatrice Tardy et Vincent Diguat pour le magazine Enquêtes de région. "On sent que, de l’intérieur, tout change." 

C’est assez dingue de dire que j’ai un estomac qui ne me permet pas de manger plus qu’une enfant de 4 ans, surtout quand la petite vous le fait remarquer

Marina Dupré, patiente du programme Baria-Up

Neuf mois après, Marina ne pèse plus que 78,1 kilos. "30 kilos de perdus, c’est une belle victoire", sourit la jeune femme, qui prépare désormais son mariage. Mais le combat est encore loin d’être gagné. "On est programmé pour garder le poids le plus fort qu’on ait réussi à atteindre", explique le Pr Emmanuel Disse, le chef du service Endocrinologie-Diabète-Nutrition à l’hôpital Lyon Sud. "La chirurgie fait perdre énormément de poids mais les gens oublient qu’ils sont toujours à risque de reprendre du poids".

Vivre dans son nouveau corps

Avec Baria-Up, les personnes opérées vont pouvoir suivre cinq journées d’ateliers la première année, trois les quatre années suivantes. C'est peu mais c'est mieux que rien explique la psychologue des Lilas Bleus. 

"Perdre autant de poids en si peu de temps, il faut arriver à s’accepter", reconnaît Yaël, qui a perdu 25 kilos après sa sleeve. "C’est beaucoup moins facile que ce que les gens pensent".

C'est le début d'une nouvelle vie dans un nouveau corps. "Moi, quand je me regarde dans le miroir, le matin quand je m’habille ou quand je prends ma douche, c’est une nouvelle personne que je vois maintenant", constate Stéphane, autre pionner du programme Baria-Up, totalement métamorphosé après son bypass. "On l’a pas reconnu", avouent ses amies Yaël et Marina. "On n’était pas sûres que c’était lui, tellement il a changé!"

Mais il n’y a pas que la silhouette qui change. C’est la personnalité qui se transforme. Ce que la journaliste de France 3 Rhône-Alpes, Béatrice Tardy, résume ainsi, après neuf mois d’enquête : "L’adulte obèse est souvent un enfant qui a souffert et s’est créé une carapace. La supprimer peut-être douloureux. Etre accompagné est nécessaire. Et finalement ce n'est pas le poids sur la balance le plus important. L'essentiel c'est de se sentir plus léger dans sa tête." 

Le programme Baria-Up prendra fin en 2026. Suivre des centaines de patients va permettre des études sur le long termes consacrées à la chirurgie bariatrique. 

L’obésité est une maladie chronique qui touche 8 millions de personnes en France, soit 17% de la population. Elle peut être à l’origine de problèmes cardiaques, de diabète, d’apnées du sommeil ou de douleurs articulaires; elle s’est révélée aussi comme un facteur de comorbidité pendant la crise du Covid. Elle a aussi des conséquences psychologiques, en favorisant la dépression ou l’anxiété et en incitant les personnes touchées à s’isoler socialement.

Enquêtes de région, le magazine des rédactions de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, présenté par Julien Le Coq, est diffusé ce mercredi 8 février à 23h

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