Violences : qui sont ces manifestants, loin du profil black bloc, qui se retrouvent devant le tribunal

Les manifestations s'enchainent contre la réforme des retraites. Feux de poubelles, dégradations en tout genre, jets de projectiles contre les forces de l'ordre... la violence urbaine s'intensifie. Mardi 28 mars, 9 personnes ont été arrêtées à Lyon, toutes avec des profils différents, loin du militant black bloc.

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“Ce sont vraisemblablement des personnes qui ressemblent à Monsieur tout le monde”. Laurent Bohé enchaîne depuis quelques mois les plaidoiries en faveur des forces de l’ordre, agressées lors des manifestations contre la réforme des retraites. Et il le constate, les manifestants qu’il a en face de lui au tribunal, sont tous sauf des black blocs.   

“On a des personnes qui sont souvent parfaitement insérées, qui ont des emplois, des hommes, des femmes, des jeunes, des plus vieux. Ils viennent s'agréger aux manifestations violentes et profitent de la confusion qu'ils pensent être totale pour jeter des pierres sur les policiers et s'en prendre à du mobilier urbain”, ajoute l’avocat lyonnais.

Mais à la différence des black blocs, dont l’objectif est clair et la tactique préparée en amont de la manifestation, “ils sont facilement indentifiables et d'ailleurs n'expliquent pas toujours complètement leurs actes”.  

“Je me suis emporté, pris dans l’instant”  

C’est le cas de Victor que l’on retrouve sur le banc des accusés au tribunal de Lyon le 30 mars 2023. Le jeune homme de 18 ans a été interpellé alors qu’il venait de vandaliser l’office de tourisme à coup de skateboard et de jeter des projectiles en direction des forces de l’ordre. “Je me suis emporté, pris dans l’instant. Je n’ai pas du tout réfléchi”, déclare à la barre le Lyonnais qui prétend s’être rendu à la manifestation sans intention de nuire, “simplement pour montrer [son] point de vue contre la réforme des retraites”.  

Dans le public, ses parents sont présents. Ils décrivent un jeune homme normal, calme, scout à ses heures perdues. Un jeune homme à la triple nationalité (française, espagnole et irlandaise) qui s’apprête à mener des études de psychologie aux Pays-Bas afin de “venir en aide aux personnes qui reviennent de la guerre”. “Ce n’est pas un fou furieux de la politique”, livre son père, tout droit venu de Genève. Ce dernier avait tout de même prévenu son fils des dangers place Bellecour.  

De son côté, Victor regrette ses agissements. “Je n’aurais pas dû mettre des personnes innocentes en danger. Je sais que j’ai beaucoup déçu”, affirme le jeune qui reconnaît pleinement la gravité des actions qu’il a commises. Victor est aujourd'hui condamné à 6 mois de sursis simple et doit effectuer un stage de citoyenneté.  

Au mauvais endroit, au mauvais moment  

“Souvent, c’est de la délinquance d’opportunité. Vous avez des personnes qui comprennent la dangerosité de leur comportement et qui le disent au tribunal. Pas simplement pour des besoins de défense, mais qui comprennent que ce qu'ils ont fait et ce qu'ils ont été amenés à faire est extrêmement grave”.  

Laurent Bohé

Avocat des CRS

Ce jour-là, au palais de justice de Lyon, trois manifestants sont jugés en comparution immédiate. Aux côtés de Victor, Hassan est l’un d’entre eux. Il se trouvait à l’angle de la rue de la Barre bloquée par les forces de l’ordre, ivre, au milieu des black blocs.  

Identifié par son chignon, sa veste aux liserés bleus et ses chaussures fluorescentes, Hassan est accusé d’avoir participé aux violences et à leur préparation. “Je ne suis pas venu manifester et encore moins être violent. Ce n’est pas moi”, maintient à la barre le prévenu en larmes, qui reconnaît tout de même son état d’ébriété, avant d’ajouter : “j'ai quand même le respect des forces de l’ordre”. Au moment des faits, l’homme prétend rejoindre un ami.  

“On est à mille lieues de la personne attendue"

Immigré marocain âgé de 51 ans, arrivé en France en 1976, titulaire d’une carte de séjour en cours de validité, père célibataire d’un garçon de 14 ans, employé des espaces verts, “on ne se douterait pas qu'il puisse commettre ce genre d’acte”, souligne Laurent Bohé.

“On est à mille lieues de la personne attendue”, plaide son avocat, maître Bara, soulignant l’absence sur le prévenu au moment des faits d’objets de type lunettes de piscine, masque ou encore clé à molette, habituellement utilisés par les black blocs. Relaxé partiellement, Hassan écope d’une peine de 6 mois de sursis probatoire pendant deux ans avec obligation de soins.  

Quelques salles plus loin dans le palais de justice, 6 autres manifestants sont jugés en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), une autre procédure judiciaire. Une décision que les avocats ont du mal à comprendre, les dossiers étant identiques à ceux des comparutions immédiates.  

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