Lors de la finale de la Coupe d'Afrique de Nations, plusieurs personnes avaient été agressées à Lyon le 19 juillet 2019. Sept hommes ont été renvoyés devant la justice. Quatre ans après, tous ont été condamnés à des peines de prison, ce 7 juillet 2023.
Presque quatre ans après les faits, sept hommes, âgés de 24 à 34 ans, ont comparu devant le tribunal correctionnel de Lyon les 15 et 16 juin pour répondre de violences racistes. Des actes commis le 19 juillet 2019, lors de la finale de la Coupe d'Afrique des Nations. Huit personnes, victimes d'agressions et d'injures, s'étaient constituées parties civiles. La LICRA Rhône-Alpes et la Maison des Potes et de l’Égalité de Lyon s'étaient également portées parties civiles.
Peines de prison ferme
"C'est une décision qui est assez juste dans son analyse (...) le tribunal a analysé chaque situation et chaque responsabilité", a indiqué Me Jean-François Barre, avocat de la défense. Son client n'est pas venu entendre la décision du tribunal correctionnel de Lyon. Ce vendredi 7 juillet, seul un des sept prévenus était présent au palais de justice. Le délibéré a été rendu en début d'après-midi. Les sept hommes ont été reconnus coupables et condamnés.
Deux d'entre eux étaient récidivistes. Reconnus coupables de "violences racistes en réunion", ces derniers ont écopé de quatre années de prison, dont deux ans avec sursis probatoire. Ils ont fait appel de leur condamnation.
Les autres prévenus ont été condamnés à des peines allant de deux ans de prison ferme à un an avec sursis. Tous ont aussi interdiction de se rendre et de séjourner dans les 2ᵉ et 5ᵉ arrondissements de Lyon pendant trois ans.
Cinq des sept prévenus sont en outre condamnés à une peine d'inéligibilité de cinq ans. Ils ont enfin l'obligation d'indemniser les parties civiles.
Éligibles à un aménagement de peine avec port du bracelet électronique, les non-récidivistes pourraient éviter l'incarcération.
Satisfaction et soulagement
Kenza, âgée d'une vingtaine d'années, se trouvait ce 19 juillet 2019 en compagnie de sa mère et de ses trois jeunes frères. Leur voiture a été saccagée à coups de barres de fer par un groupe de la mouvance d'ultra-droite. La jeune femme est encore traumatisée par l'agression : quatre ans après les faits, elle n'ose toujours pas se rendre dans le Vieux-Lyon. Aujourd'hui, cette décision de justice la soulage. Elle prend ce jugement comme "une bonne nouvelle". Elle est aussi rassurée des peines complémentaires prononcées par le tribunal.
Au moment des faits, on ne pensait même pas à porter plainte. On s'était dit qu'on ne les retrouverait jamais. Mais finalement la justice a bien fait les choses, les enquêteurs ont fait un boulot de dingue. Je les remercie. On s'est sentis épaulés par les associations. Ça fait du bien. C'est ce que je retiens !
KenzaPartie civile
"Ils étaient tous innocents, partiellement ou totalement, des faits qui leur étaient reprochés et finalement, ils sont tous condamnés pour la totalité des chefs soutenus par Monsieur le procureur de la République. C'est un point de satisfaction important : aucune relaxe ! Tous condamnés !", a déclaré Me Bertrand Sayn, avocat d'une partie civile et de la Maison des Potes et de l'Égalité de Lyon.
Cette dernière, par la voix de son président Samuel Thomas, a également exprimé "sa satisfaction de voir prononcées des sanctions qui sont à la hauteur de la violence des attaques racistes".
Des prévenus qui ont fait profil bas
Le tribunal a-t-il pu considérer que les prévenus avaient changé ? Pas vraiment, selon Me Sayn. "Je crois que le tribunal a fait le constat du temps passé. On était plus dans le temps de l'incarcération. Que les prévenus aient évolué, je ne pense pas que l'audience permettait d'en faire le constat. Même si d'une manière habituelle, on a à faire des gens, des militants d'extrême droite qui, lorsqu'ils viennent devant le tribunal, ne sont plus du tout revendicatifs, n'ont plus du tout d'idées politiques et font en général preuve d'une lâcheté assez claire".
À l'audience, le mois dernier, les prévenus ont contesté l'essentiel des faits de violence survenus le soir du 19 juillet 2019 dans le Vieux-Lyon. Ils ont expliqué ne pas faire partie du groupe déchaîné.
"Mon client avait dit qu'il était présent, mais qu'il n'avait pas participé aux violences en elles-mêmes. Il avait suivi un peu le mouvement parce qu'il connaissait des personnes, des supporters de football. (...) Pour nous, il n'y avait aucune preuve de sa participation à des faits de violences avérées", a répété ce 7 juillet Me Fabienne Cayuela, avocat de l'un des prévenus.
Si certains ont reconnu leur appartenance ou leur proximité avec des groupes d'extrême droite, ils ont par ailleurs indiqué lors de l'audience avoir tourné la page. Et, sont allés jusqu'à condamner ce qui s'est passé.
Âgés aujourd'hui de 24 à 34 ans, ils sont vendeurs, jardinier, électricien... Tous ont affirmé lors du procès avoir tourné le dos à toute idéologie haineuse. Des prévenus qui ont pris leurs distances… Les parties civiles n'y croyaient pas. Les réquisitions à leur encontre allaient de un à cinq ans de prison, dont une partie avec sursis. Les avocats de la défense avaient plaidé la relaxe.
La fête a viré au cauchemar
"C'était comme une scène de guerre," raconte une jeune femme le jour de l'audience, encore traumatisée, près de quatre ans après les faits… "Ils avaient des battes de base-ball, des chaines, des barres de fer. Ils étaient déterminés et voulaient en découdre. C'étaient des personnes extrêmement violentes, sans foi ni loi", ajoute-t-elle. Certaines des victimes présumées n'avaient pas assisté au procès, encore sous le choc.
"Ils sont arrivés, ils ont cassé la vitre. J'ai entendu mon fils de 14 ans hurler, des morceaux de verre sur son visage. On a entendu, on va vous tuer" explique une mère de famille.
Le soir de la finale de la CAN 2019, le 19 juillet, plusieurs agressions ouvertement racistes ont eu lieu à Lyon. C'est un déferlement de violences racistes qui s'est déroulé dans le Vieux-Lyon ce soir de victoire de l'Algérie en Coupe d'Afrique des Nations. La soirée de fête et de liesse a tourné au cauchemar pour plusieurs familles. Des familles prises à partie dans leur véhicule. Un groupe d'une trentaine d'individus, cagoulés et armés de battes de baseball ou de barres de fer, a semé la terreur dans le Vieux-Lyon. Certains s'en sont pris à des automobilistes.
Six mois plus tard, le parquet de Lyon annonçait la mise en examen de sept personnes, membres présumés de l'ultradroite lyonnaise, dont un ex-adhérent du Bastion social. Renvoyés devant la justice, ces sept prévenus ont comparu libres. Ils encouraient jusqu'à 10 ans d'emprisonnement pour "violences aggravées et injures racistes".