Les 73 associations de lutte contre les violences faites aux femmes et leurs enfants sont inquiètes. Elles craignent que leur ligne d'écoute, créée en 1992, ne soit désormais gérée par un sous-traitant, après la finalisation d'un appel d'offres national. A Lyon, l'association Filactions alerte.
La lutte contre les violences faites aux femmes, essentiellement par leur conjoint, ne date pas d'hier. En 1989, a lieu la première campagne nationale sur les violences conjugales en lien avec le réseau Solidarité Femmes. En 1992 est créée la ligne d’écoute Violences Conjugales Femmes Info qui deviendra le 3919. Une trentaine d’écoutantes professionnelles vient alors recueillir la parole d’environ 2 000 victimes chaque semaine (et même 7 000 appels hebdomadaires pendant le premier confinement).
Aujourd’hui, la Fédération Nationale Solidarité Femmes est portée par un réseau de 73 associations de terrain, présentes sur l’ensemble du territoire français. Parmi elles, l'association Filactions, créée à Lyon il y a 16 ans, spécifiquement pour répondre à une demande de prévention. Ses bénévoles aident plusieurs centaines de femmes par an. "Il existe aussi deux autres associations lyonnaises : Viffil, qui assure l’accompagnement et l’hébergement des femmes dans des appartements, et « Femmes contre les intégrismes », précise sa présidente Maryvonne Bin-Heng.
Vers une extension du service 24h sur 24
Fin novembre 2019, à l'issue du "Grenelle contre les violences conjugales", Marlène Schiappa -alors secrétaire d'État à l'Égalité Femmes/Hommes- a annoncé que le 3919 serait bientôt ouvert 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Elle estimait que l'extension des horaires de ce service correspondait à un marché public. "Donc d'ici la fin de l'année 2020, le 3919 sera ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept et dans de nouveaux locaux financés par l'État qui permettront d'accueillir le nombre d'écoutantes nécessaires", a-t-elle assuré.Pour y parvenir, et pour être conforme à la loi, cette extension d'activité doit passer par un appel d'offre, comme tout marché public ouvert à la concurrence. Ce qui inquiète fortement les associations comme Filactions : "C’est un service gratuit qui coûte cher, avec des écoutantes salariées qui savent répondre pertinemment aux femmes qui en ont besoin. Il s’agit d’une première écoute, pour essayer de comprendre la nature des appels de ces femmes qui, souvent, parlent pour la première fois, et, parfois, demandent de l’aide. Ensuite elles sont orientées, voire aidées, en fonction de leur demande. Certaines sont en danger imminent de mort."
Une pétition contre l'appel d'offre national
L'inquiétude s'installe : "Un marché public, et la mise en concurrence qu'il induirait, risquent de fragiliser la fédération Solidarité Femmes ainsi que les autres associations engagées contre les violences faites aux femmes. Il réduirait la qualité du 3919 qui apporte écoute, soutien psychologique, conseils, premières informations juridiques et sociales au service des appelantes et de leurs proches." expliquent les associations. Très concrêtement, Maryvonne redoute une baisse de la qualité d'écoute : "Le risque, c’est que ce marché soit récupéré par un sous-traitant qui saura convaincre de sa rentabilité, de sa rapidité, mais qui n’aura pas l’expertise particulière que nécessite ce type d’écoute. On risque de se retrouver avec un système expéditif du genre « taper 1, taper 2… » "La Fédération Nationale Solidarité Femmes lance donc une pétition pour empêcher ce changement, et soutenir la demande faite à Mme Elisabeth Moreno, actuelle ministre déléguée à l'égalité femmes-hommes, de renoncer au projet de marché public. La pétition réclame aussi "le versement d'une subvention complémentaire à Solidarité Femmes afin de permettre à ces associations d'assurer un service de qualité du 3919 24h/24 en 2021 pour mieux protéger les femmes victimes de violences conjugales".
Notre région Auvergne-Rhône-Alpes est très concernée par ce service. En 2019: le 3919 a pris en charge 1525 appels en provenance du département du Rhône : cela correspond à 3% des appels traités, soit 46800 en totalité. C'est 5323 appels en provenance de la région AURA, soit 12% des appels hors Outre mer. Au 1er semestre 2020, on compte déjà 937 appels pour le Rhône, soit 1/3 de plus qu'en 2019 et 3279 appels venant de la région AURA, soit 12% du total hors appels venant d'Outre-mer.