Un rapport sénatorial publié mercredi 14 juin préconise d'assouplir le calendrier des restrictions et de renforcer les aides à l'achat de véhicules "propres" pour faciliter l'acceptation des zones à faibles émissions (ZFE). La Métropole de Lyon ne comprend pas cette position et, au contraire, annonce étendre le périmètre de sa ZFE.
"Partout où elles sont instituées, les ZFE se heurtent à des crispations et de vives incompréhensions, tant de la part des collectivités territoriales chargées de les mettre en place que des usagers, particuliers et professionnels, dont les mobilités quotidiennes seront affectées par les restrictions de circulation", indique un résumé de ce rapport sénatorial.
Son rapporteur, le sénateur LR Philippe Tabarot, est très critique vis-à-vis du calendrier actuel de déploiement des ZFE : "interdire de la circulation des plus grandes métropoles plus d'un tiers des véhicules qui les traversent quotidiennement", soit 13 millions de véhicules. Il poursuit : "dans un délai d'un an et demi, [cela] risque inévitablement de creuser des fractures sociales et territoriales".
Finalement, le Sénat dit très tranquillement : "il n'y a plus de ZFE".
Bruno Bernard, président écologiste de la Métropole de Lyon
Le Grand Lyon très critique
Le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, réagit vivement à ce rapport sénatorial. L'élu écologiste s'insurge contre la proposition de reporter l'interdiction des véhicules Crit'Air 3 de 2025 à 2030.
"Les Crit'Air 3 ce sont les véhicules diesel conçu avant 2011, cela veut dire qu'ils auront 20 ans en 2030. [...] Finalement, le Sénat dit très tranquillement : "il n'y a plus de ZFE", s'insurge Bruno Bernard.
Selon lui, la balle est dorénavant dans le camp du gouvernement. "Il doit réaffirmer que la lutte contre la pollution est une priorité et assumer la ZFE qu'il a voulue" tonne le président du Grand Lyon. "Il ne peut pas simplement transférer les charges aux collectivités locales sans nous accompagner."
Lyon donne deux ans de sursis au Crit'Air 2, mais fait toujours cavalier seul
La Métropole de Lyon n'a pas attendu ce rapport sénatorial pour alléger son agenda de mise en place des restrictions. Les véhicules Crit'Air 2 ont obtenu un sursis de deux ans. Estimant qu'il fallait "faire face à la réalité", la Métropole écologiste a confirmé en février le report de la mesure d’interdiction des voitures Crit’Air 2 à 2028, au lieu du 1er janvier 2026.
Néanmoins, la loi n'oblige pas les métropoles à instaurer un calendrier sur ce type de véhicule. La Métropole fait donc toujours cavalier seul sur cette décision qu'elle assume. "Nous sommes obligés d'aller jusque-là pour respecter le droit européen", argumente Bruno Bernard.
En conformité avec la loi, les véhicules Crit'Air 5 ne circulent plus depuis le 1ᵉʳ janvier 2023. Dans six mois, ce sera le tour des Crit’Air 4 à partir du 1ᵉʳ janvier 2024 et les Crit'Air 3 en 2025.
Extension de la zone ZFE
Par ailleurs, Bruno Bernard annonce l'extension de la zone ZFE aux axes routiers M6 et M7, jusque-là exclus du périmètre. "Comment justifier aux riverains habitant près de ces axes qu'ils ne peuvent pas se servir d'une vieille voiture dans la zone, alors que d'autres peuvent la traverser en plein milieu ?" interroge l'édile.
Débats houleux à la Métropole de Lyon
La ZFE a encore beaucoup fait parler lors du dernier conseil métropolitain en mars 2023. Le centriste Christophe Geourjon ou encore le républicain Alexandre Vincendet, ont de nouveau fait savoir leur opposition aux méthodes employées pour sa mise en place. "Zone de forte exclusion" qualifiait le premier, "écologie punitive" fustigeait le second.
Autre alerte : celle du Conseil de développement de la Métropole. Cet organisme, composé de citoyens indépendants, a rappelé dès le début de séance la forte réticence d'une majorité de la population face à cette mesure.
Le groupe de réflexion a mis en avant 3 propositions :
- Faire plus de sensibilisation "afin de positiver" les ZFE
- Mieux calculer "les impacts sociaux et sociétaux" afin que les inégalités ne s'accroissent pas, notamment en donnant plus de moyen à l'Agence des mobilités
- Présenter un plan d'ensemble des bienfaits cumulés qu'apportent les différentes politiques publiques de réduction des émissions carbones (ZFE, ville apaisée, voies lyonnaises...)
"Il semble manquer un plan global de circulation portant une vision transversale et partagée de toutes les mobilités (voiture, transports en commun, train, vélo et marche)", souligne le groupe de travail.
Le groupe de travail indépendant a demandé à participer au travail d'évaluation des ZFE, ce à quoi la majorité a répondu par la positive.
La gratuité des transports revient sur le tapis
Pour le collectif lyonnais pour la gratuité des transports en commun, ce rapport sénatorial "ne va pas dans le bon sens", d'après son président Lucien Angeli.
Selon lui, la ZFE de Lyon ne remplirait que "partiellement son objectif écologique" car elle déplacerait la production de CO2 sans réduire le nombre de véhicules qui dégagent des pellicules fines. Alors repousser les échéances est encore moins une solution.
Toutes ces considérations permettent de remettre sur le tapis le débat autour de la gratuité des transports en communs, soutenus notamment par certains élus. "On est pour engager un processus progressif de la gratuité des transports" abonde le militant.
L'idée a un temps été écartée par Bruno Bernard, également à la tête du Sytral. Un groupe transpartisan va finalement être constitué au sein de la Métropole de Lyon pour étudier cette question.