Masques lavables : en Auvergne-Rhône-Alpes, après la pénurie... la surproduction 

Pas assez de masques en mars, trop de masques en mai… La surproduction de masques lavables menacerait les entreprises de la région. La faute aux commandes qui s’effondrent ou filent à nouveau à l‘étranger… Absurde.

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Décidément, en France, fabriquer des masques non-médicaux n’est pas une sinécure. Alors qu’il y a à peine deux mois, l’objet était plus difficile à dénicher que le dahu, la production française s’étant asséchée au fil des décennies, voilà qu’à présent la surproduction menace les entreprises françaises qui se sont réorganisées en toute hâte pour en fabriquer.

 

Le secteur textile a su relever le défi

C'est particulièrement le cas en Auvergne-Rhône Alpes, où l’industrie textile reste bien vivante, avec plus de 17 000 emplois. En quelques jours, 45 entreprises du secteur ont relevé le défi de reconvertir leur outil de production et mobiliser leurs salariés pour produire jusqu’à 5 millions de masques lavables par semaine. Et voilà que depuis la mi-mai, les commandes de l’administration, des collectivités locales et des entreprises s’effondrent, les stocks s’accumulent et des millions de mètres de tissu restent en rouleaux.

Pour Pierric Chalvin, délégué général d’Unitex, qui fédère les entreprises textile de la région. «C’est une aberration complète. L’administration et les collectivités s’adressent à nouveau à l’étranger, comme pour cette dernière commande de 10 millions de masques lavables, destinée à une grande entreprise publique, qui vient d’être passée au Vietnam… Et nos entreprises, qui ont fait l’impossible pour répondre à la demande dès la mi-mars, sont laissées de côté. En Auvergne-Rhône Alpes, sur 45 entreprises fabricantes, 12 ont déjà 830 000 masques lavables et des millions de mètres de tissu qui leur restent sur les bras. Incompréhensible…»

D’autant plus que les entreprises textile se sont démenées comme de beaux diables, souvent en investissant et en maintenant les emplois, sans faire appel au dispositif de chômage partiel. «Aujourd’hui, pour elles, c’est la double peine. Elles ont vraiment joué le jeu et se retrouvent dans une situation compliquée» se scandalise Pierric Chalvin. «Si la commande publique ne donne pas l’exemple en privilégiant les entreprises françaises, qui le fera ?».

 

Un timing à revoir entre les volumes de commande et les capacités de production

Chez Boldoduc, fabricant de textile à usage technique installé à Dardilly près de Lyon, on préfère garder la tête froide. L’entreprise a été l'une des premières à se lancer mi-mars dans la production de masques réutilisables. Aujourd’hui, elle en livre un million et demi par semaine, et les commandes courent jusqu’à fin juin. «Les pouvoirs publics ont fait (et bien fait) le job dès le départ pour accompagner les entreprises comme nous qui ont répondu aux besoins. Aujourd’hui, il faut juste remettre en phase la commande publique et nos capacités de production, qui dans le textile ont une inertie relativement importante. C’est sans doute plus une question d’ajustement du timing des commandes qu’une volonté délibérée d’aller au moins coûtant. C’est du moins comme ça que je préfère voir les choses» tempère Jean Charles Potelle, patron de Boldoduc. «On a été citoyens, il faut juste que les pouvoirs publics continuent à flécher le parcours des commandes vers nous».

Surtout lorsqu’on sait que l’argument du faible coût des masques fabriqués à l’étranger ne tient pas vraiment la route. Un masque lavable 30  fois fabriqué en Auvergne-Rhône Alpes coûte 3 euros, soit 10 centimes par utilisation alors que les masques venus de l’autre bout du monde coûtent le double. On peut se demander où est l’économie. Sans parler des masques jetables qui sont calamiteux sur le plan environnemental…

Difficile en tout cas d’imaginer qu’après les discours encore tout frais sur la nécessité de relocaliser certaines activités industrielles fondamentales (comme la fabrication de masques), tout soit déjà oublié après à peine quelques semaines de déconfinement…

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