"On n'a pas le droit de se plaindre et on doit supporter parce que, vous comprenez, c'est leur métier". Valérie (nom d'emprunt) n'en peut plus et assume être une farouche opposante aux pesticides et s'étonne de la façon dont les habitants subissent des épandages fréquents sans protester.
Quand ses voisins viticulteurs pulvérisent, elle ferme les fenêtres et n'étend plus le linge dehors. "Dans ces moments-là, il suffit que je les regarde pour qu'ils se sentent agressés". Et un jour, l'agriculteur est sorti de ses gonds sur les réseaux sociaux. Depuis Valérie (prénom d'emprunt) a saisi son avocat pour injures publiques. "On n'a pas le droit de se plaindre et on doit supporter parce que, vous comprenez, c'est leur métier", s'agace cette habitante du Beaujolais (Rhône). Valérie assume être une farouche opposante aux pesticides et s'étonne de la façon dont les habitants subissent aux beaux jours des épandages fréquents sans protester.
"Les gens qui s'interrogent sur ces produits sont surtout des néo-ruraux ou de nouveaux habitants du Beaujolais", analyse une autre famille du vignoble, qui a, elle aussi, requis l'anonymat. Sa maison est à une vingtaine de mètres de la première parcelle. Et pour elle, la consultation publique qui vient de se terminer sur les distances de traitement ne changera rien.
"Le problème, c'est le mode d'épandage. Ils utilisent des espèces de canon oscillant à l'arrière des tracteurs qui pulvérisent sur une distance de 50 à 80 mètres". Du coup, la famille a dû déplacer son jardin pour être moins exposée. Elle a également lancé avec quelques autres habitants une association pour tenter de faire de la médiation. "On demandait des choses simples comme de nous avertir par SMS par exemple, avant de traiter ? Est-ce que vous pouvez pulvériser à l'atomiseur et pas au canon ?". Mais très vite les viticulteurs ont claqué la porte de "Bien vivre ensemble en Beaujolais", association qui s'est constituée sur les communes de Marchampt et Quincié-en-Beaujolais.
Cette structure a quand même permis à chacun de s'exprimer, ce qui est déjà beaucoup. "C'est vrai qu'on ne sait pas très bien communiquer. Mais c'est compliqué car on est souvent jugé avant même de traiter", remarque Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.
Agressé sur son tracteur
Ses troupes ont été particulièrement marquées par l'agression en mars d'un céréalier dans l'Ain voisin. Ce dernier était en train d'épandre de l'herbicide quand un riverain l'a agressé dans la cabine de son tracteur, lui assénant une dizaine de coups de poing au visage et le blessant à l'oreille. L'agresseur a été condamné à six mois de prison avec sursis fin août à Bourg-en-Bresse.
Mais depuis, l'agriculteur n'est plus serein. "Maintenant, même s'il n'y a que de l'eau dans le pulvérisateur, on est pointé du doigt. Même si ce sont des oligo-éléments ou des engrais qui sont épandus, les gens vont tout de suite penser que ce sont des pesticides ou bien sûr du glyphosate", expliquait Jérôme Arrambourg au quotidien régional Le Progrès, en marge du procès. Le coeur est lourd dans les exploitations où on souffre de "l'agro-bashing", la critique incessante des pratiques agricoles. Beaucoup pointent l'urbanisation galopante qui a rapproché les habitations des champs.
Certains dénoncent aussi les contradictions du grand public, qui veut profiter de la nature sans ses désagréments, rappelant les conflits autour des bruits de la campagne.