Témoignage. Le combat de Neila Moore traqueuse de pédophiles raconté dans un livre

Publié le Mis à jour le Écrit par Sébastien Allec

Depuis 4 ans, Neila Moore se fait passer pour une enfant de 12 ans sur les réseaux sociaux. Son but : appâter les pédophiles, constituer des dossiers sur eux et les transmettre aux autorités. Son combat et l'impact qu'il a sur sa vie, elle le raconte dans un livre "Les prédateurs sont dans la poche de vos enfants".

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Les cheveux colorés, la trentaine, 3 enfants, Neila Moore nous reçoit de nouveau dans un lieu tenu secret. Lors de notre première entrevue, elle nous avait raconté son engagement au sein de la Team Moore, un collectif de citoyens qui traque les pédophiles sur internet. Ses méthodes, ses revendications, mais aussi les limites et les critiques qui lui sont apposés étaient évoquées. 

À l'occasion de la sortie de son premier livre "Les prédateurs sont dans la poche de vos enfants" (Télémaque), c'est l'occasion pour elle de nous raconter l'impact énorme de son combat sur son quotidien. "Concrètement, je n'ai plus de vie", nous informe-t-elle en prémisse de notre entretien.

La peur de représailles 

Cette fois-ci, Neila accepte de témoigner visage découvert, à condition qu'elle reste masquée. "De toute façon, j'ai déjà montré ma tête dans plusieurs reportages télé", souffle-t-elle. La mère de famille évoque tout de même sa peur qu'un jour, elle soit victime de représailles. 

"Pour faire une dénonciation en France, il faut donner son identité. Or ce qui est dérangeant, c'est que la défense a accès à cette information durant l'instruction. Clairement, cela me fait peur", témoigne la femme de ménage. "Je n'ai pas envie qu'un jour quelqu'un brûle ma maison, qu'on s'en prenne à mes enfants ou à ma personne."

Des menaces, Neila et les membres de son collectif en reçoivent régulièrement. "Vous aimez la chasse et la traque ? Nous aussi, une bonne leçon vous fera du bien" a-t-elle déjà reçu par messagerie. Si ces messages sont intimidants, Neila souhaite continuer à mener son combat, notamment en le médiatisant, quitte à s'exposer encore plus. "Il faut bien que quelqu'un le fasse" avance-t-elle. 

Quand la traque tourne à l'obsession 

Pour que son profil d'adolescente de 12 ans sur les réseaux sociaux soit crédible, Neila doit passer une trentaine d'heures par semaine sur internet. Un temps démentiel que la jeune femme admet avoir eu du mal à gérer au début de son engagement. "Je parlais à 10, 20, 30 personnes en même temps", explique-t-elle. 

Par volonté de mettre hors d'état de nuire un maximum de prédateurs, Neila ne se ménageait pas, au point que son engagement est devenu obsessionnel. "Évidement, cela a été compliqué dans le sens où je passais ma vie à faire que ça. Parce qu'il fallait le faire, il fallait que quelqu'un le fasse", se justifie la mère de famille. 

Deux choses permettent à la jeune femme de reprendre pied. À force de travail, elle parvient à convaincre son entourage, d'abord peu réceptif, de l'intérêt de son combat. Elle reçoit donc de plus en plus de soutien. Ajouté à cela, son collectif gagne en membres et donc en possibilité d'action.

Neila peut alors déléguer de plus en plus sa charge de travail. Elle ne converse plus qu'avec 3 ou 4 "clients" (comme elle les appelle) à la fois. "Aujourd'hui, j'ai réussi à retrouver ma place en tant que maman, en tant que femme", affirme-t-elle. 

Quand la traque la mène vers une connaissance... et que la paranoïa s'installe

Un jour, ce que Neila craignait le plus se produisit. L'une des personnes qui contacte son faux profil de jeune fille fait partie de son entourage. Il s'agit "d'une connaissance qui habite une commune voisine" que Neila fréquente depuis une vingtaine d'années. Pour elle, pas question de faire l'impasse. "Denis" comme elle l'appelle, est un "client comme les autres" et ne mérite donc aucun traitement de faveur.

Finalement, "les échanges ne sont pas allés plus loin" explique Neila. "Est-il allé parler à d'autres enfants ?" se questionne la jeune femme. "En tout cas, je n'avais pas assez d'éléments pour le faire arrêter, mais ça fait un choc"

Neila réalise alors que les prédateurs peuvent être partout. "Cela peut être un proche, un voisin, quelqu'un de sa famille." Aujourd'hui, elle voit des potentiels pédocriminels partout. "Je vais à la plage avec mes enfants, je les vois. Je vais au parc, je les vois. Aujourd'hui, dès que je vois des enfants, j'imagine des prédateurs sexuels pas très loin."

La jeune femme explique avoir pris l'habitude. "C'est devenu mon quotidien. On se blinde à force", explique-t-elle. 

Un engagement qui en "vaut la peine" 

Neila l'assure, son engagement n'amène pas que du négatif dans sa vie. Victime de violence sexuelle durant son enfance, son combat est aussi cathartique. "Ça aide à panser certaines plaies, qui sont cachées, qui se réveillent de temps en temps et que l'on souhaite faire disparaitre à nouveau.

La jeune femme a également trouvé l'amour avec l'un des membres de la Team Moore. "Sans cet amour, il n'y aura peut-être pas toute cette détermination et toute cette force pour ce combat", affirme Neila. "La vie m'a donné un cadeau", conclut-elle.

Après 4 ans d'activité, la Team Moore revendique plus de 110 dossiers transmis aux autorités pour 76 interpellations et 36 condamnations, dont 8 en Auvergne-Rhône-Alpes. 

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