Depuis 2019, Pascal est compagnon d’Emmaüs à Tarare au nord-ouest de Lyon. Après des années de galère, il s’attelle aujourd’hui à faire vivre sa communauté et accompagner les plus précaires. Chaque jour il voit de nouvelles personnes frapper à la porte de l’association.
Au milieu des meubles en dépôt vente, un grand gaillard de 58 ans aux épaules carrées échange avec une jeune tapissière professionnelle. Il vient de rénover son premier fauteuil de A à Z et attend de cette experte un retour éclairé sur son ouvrage :
“Moi je ne suis pas du tout tapissier de métier c’est la première fois que je fais ça, quand elle m’a dit qu’elle était tapissière je lui ai dit que je voulais de la critique pas du compliment, ce n’est pas constructif le compliment. Je lui ai demandé de me dire ce qu’elle pensait du travail que j’avais fait”
Pascal est un “manuel”, un “touche à tout” qui s’est formé à la mécanique avant de travailler dans le bâtiment ou encore la fonderie d’art. De son passé nous n’en saurons pas plus. Pas envie d’en parler. Son accent chantant fleure bon l’Ardèche du Sud mais c’est à Tarare, au sein de la communauté Emmaüs qu’il reconstruit sa vie depuis 2019... En réparant des objets, en aidant les autres à son tour :
“Je suis à l’atelier ce qui me permet de faire plein de choses différentes que ce soit en création ou en restauration, customisation. C’est une école, Emmaüs, qui peut être géniale. Pour celui qui veut apprendre, il a toutes les bases après... C’est à chacun de le vouloir... On ne fait pas un cheval de course avec un âne !”
Exigeant avec lui-même... et reconnaissant envers sa communauté. Sans Emmaüs, il admet que son destin aurait pu prendre une bien mauvaise tournure :
“Je ne sais pas si je serai encore là sans Emmaüs... J’ai rencontré tous types de parcours, des gens qui ont fui leur pays en guerre, des SDF, j’en ai même fait venir, j’ai eu la chance de pouvoir en faire venir mais bon il y’en a qui ont du mal à reprendre pied avec la vie communautaire et même avec la vie tout court… Ils se sont écartés de la vie courante et ils vivent dans la rue. Ils n’arrivent plus à se raccrocher à la vie”
“ Donner et partager”
Pascal fait partie des 7000 compagnons français qui animent le mouvement créé par l’abbé Pierre en 1949.
Dans son rapport d’activité de 2021, l’association souligne que la France compte 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (fixé à 1102 euros par mois). Sur le territoire national, la même année, 13 nouvelles structures représentant 747 places supplémentaires ont vu le jour. En Auvergne Rhône-Alpes, la région d’origine de l’abbé Pierre (il est né dans le 4ᵉ arrondissement de Lyon), ce sont 4000 personnes qui font vivre les 43 communautés Emmaüs. Pascal fait partie de ceux-là.
Il a fait sienne la devise “aide à aider” mais déplore, impuissant, l’incapacité de sa communauté à accueillir sans réserve ceux qui frappe à sa porte :
“Nous à Tarare on a des demandes en permanence, les responsables font ce qu’ils peuvent mais voilà... on a beau mettre de la volonté on ne peut pas subvenir à tous les besoins, à toutes les demandes même si on se coupe en quatre on n'y arrive pas. L’accueil est censé être inconditionnel mais malheureusement on ne peut pas. Toutes les communautés ont le même problème”
L'entraide et la solidarité sont devenus les leitmotivs de Pascal. Chez Emmaüs le mot assistanat est banni. Bien sûr il y a parfois des “engueulades” mais chacun est là l’un pour l’autre... “C’est ça la vie d’Emmaus!” dit-il avant de conclure par un appel d’une grande simplicité : “ N’hésitez pas à donner et à partager”. Tellement simple, presque, qu'on pourrait l’oublier.