Khaled Miloudi a passé 29 années de sa vie en prison, condamnés pour des braquages. À 63 ans, il partage son histoire avec des détenus, comme en ce jour d'automne 2023, à la maison d'arrêt de Corbas, près de Lyon.
De braqueur à poète. Tel est le destin peu commun de Khaled Miloudi, 63 ans. Celui qui a passé 29 ans derrière les barreaux après plusieurs braquages retourne aujourd'hui dans plusieurs prisons de France pour partager son vécu avec des détenus.
Jamais Khaled Miloudi n'a été détenu à la maison d'arrêt de Corbas, non loin de Lyon. Pourtant, en ce jour humide d'automne, il franchit les portes de la prison presque en habitué. Là, il y retrouve une dizaine de détenus, assis en cercle. Dans un silence religieux, ils boivent ses paroles.
En marge de la visite, l'homme dévoile à l'AFP son parcours. "Je cochais toutes les cases problématiques", raconte-t-il en faisant référence à sa naissance en l'Algérie pendant la guerre puis son exil pour la France à l'âge de cinq ans. Il liste ensuite "la violence du père", "le placement en famille d'accueil", ou encore "la boxe" qu'il découvre à l'adolescence.
Avec mes carences affectives, je cherchais une famille, je pensais en avoir trouvé une
Khaled Miloudi
Sa jeunesse, Khaled Miloudi s'en souvient. "J'étais en colère, j’éprouvais du ressentiment et un fort instinct de survie", continue-t-il. Jusqu'à ce qu'il appelle "sa première sortie de route", à l'âge de 19 ans. Après une bagarre, le voilà condamné à un an de prison. Il atterrit à Fleury-Mérogis.
Là, il sympathise avec des braqueurs plus âgés, qui le prennent "sous son aile". "Avec mes carences affectives, je cherchais une famille, je pensais en avoir trouvé une", confie-t-il. Une fois sorti, il retrouve ses camarades de détention dans un bar.
Condamné à 30 ans de prison à 47 ans
La "deuxième partie de sa vie" commence. Elle est "faite de braquages et d'aller-retour en prison" pendant plusieurs années. Une période pendant laquelle six enfants naîtront.
En 2007, Khaled Miloudi est condamné pour l'attaque d'un fourgon à Paris et pour un braquage avec des tirs sur des policiers à Rouen. Il écope d'une peine de 30 ans de réclusion qu'il juge "mortifère" étant donné qu'il a désormais 47 ans.
Moi qui n'avais jamais fait mon examen de conscience, après avoir beaucoup pleuré, je me suis mis à écrire des poèmes autobiographiques
Khaled Miloudi
Le braqueur est classé "détenu particulièrement signalé" et tourne dans les quartiers de haute sécurité. Il envisage de se suicider, mais le désir de vivre l'emporte et l'écriture qu'il n'a pourtant jamais pratiquée s'impose. "Moi qui n'avais jamais fait mon examen de conscience, après avoir beaucoup pleuré, je me suis mis à écrire des poèmes autobiographiques", se souvient-il.
Mon père était analphabète, Il croyait dur en la bête, Qui reçoit des coups de tête
Poème de Khaled Miloudi
Il commence par disséquer les travers de son père. "Mon père était analphabète ; Il croyait dur en la bête ; Qui reçoit des coups de tête" ou "La guerre, père, je la hais ; Elle t'a volé tes nuits ; Les a jeté dans un puits ; Et ne t'a laissé que l'ennui ; Et d'imaginaires ennemis", écrit-il.
En cellule, il met en rime ce qu'il appelle "ses mauvais choix" ou "les affres de la détention". Ce qui lui permet peu à peu d'extraire "les bleus sous sa peau". "Mais je ne me victimise pas", tient-il à préciser. "Je me vois comme un miraculé et c'est pour ça que je peux retourner en prison : je suis sorti de ma colère."
Des ateliers auprès des détenus
Khaled Miloudi est sorti de détention en janvier 2021. Pendant deux ans, celui qui s'est installé à Paris travaille comme chauffeur livreur tout en racontant sa vie dans "Les couleurs de l'ombre", publié en 2022.
Aujourd'hui, il déclame ses textes sur scène, accompagné d'un pianiste. Mais surtout, il anime des ateliers auprès de détenus, de jeunes en difficulté ou des lycéens pour les aider à "trouver leur propre bouée de sauvetage".
Moi, c'est la lecture qui m'aide à passer les moments d'enfermement
Une détenue venue écouter Khaled Miloudi
"Lui, c'est l'écriture. Moi, c'est la lecture qui m'aide à passer les moments d'enfermement", explique une détenue de 38 ans venue l'écouter à Corbas. Elle-même a déjà trouvé sa propre "bouée" : "pas très livre" avant son incarcération, elle est devenue "Madame Bibliothèque" à la maison d'arrêt.
"Chapeau bas", lance un autre détenu à Khaled Miloudi. "C'est une sacrée démarche pour un ancien prisonnier de faire le pas de revenir." De ce moment "impressionnant" d'échanges, il conclut que l'ancien braqueur "s'est pardonné à lui-même et maintenant, il veut donner des clés à d'autres."
Khaled Miloudi espère publier prochainement un recueil de poèmes intitulé "les mots sous la peau".