Des joueuses de football du club amateur de Chambéry Savoie 73, qui ont porté un hijab lors d'un match officiel, subissent une vague de messages racistes sur les réseaux sociaux. Le Rassemblement national demande l'arrêt des subventions régionales au club.
"C'est une bande de copines qui ne méritent pas tout ça", estime Sébastien Lepage, président du club amateur de football Chambéry Sport 73. Depuis plusieurs jours, son équipe féminine est dans le viseur du Rassemblement national et de plusieurs internautes auteurs de messages haineux sur les réseaux sociaux.
L'origine de la polémique : début octobre, plusieurs joueuses ont participé à un match officiel en portant un hijab, alors que le réglement de la Fédération française de football (FFF) l'interdit.
"Nous n'avions pas d'équipe féminine au sein du club, et on voulait ouvrir le foot à tout le monde. Une bande de copines s'est formée pour construire une équipe. Et naturellement, on a regardé pour les engager en compétition, nous confie le président du club. Certaines de mes joueuses portent le voile. Je me suis donc renseigné et j'ai vu que la FIFA, l'organisation internationale du foot, l'autorisait en match. On pensait que c'était donc possible. Je ne savais pas que la FFF, elle, l'interdisait."
"Puis le premier match est arrivé. L'arbitre, qui aurait pu invalider la rencontre à cause du port de ces hijabs, n'est pas venu. C'est moi qui ai dû arbitrer", poursuit Sébastien Lepage, qui plaide donc la méconnaissance du règlement de la FFF.
Le retrait des subventions régionales demandé par le RN
"La rencontre s'est très bien déroulée. Même si nous avons perdu 19-0, l'ambiance était très bonne. Le port du hijab n'a pas du tout choqué nos adversaires, elles étaient les premières à encourager notre équipe sur le terrain. On a même mangé un bout ensemble à la fin du match", se rappelle-t-il.
Ce n'est que quelques jours plus tard, que Sébastien Lepage entend quelques "échos" ici et là. Il remarque des premiers messages à caractère haineux ou raciste sur les réseaux sociaux : "C'est navrant de voir ces commentaires, ces insultes. C'est du racisme pur et dur. Mais on ne va pas se laisser faire, nous avons pris des captures d'écran de ces messages."
Le Rassemblement National en Auvergne-Rhône-Alpes s'est également saisi du sujet et a demandé au président de la Région, Laurent Wauquiez, de retirer les subventions au Chambéry Sport 73 : "Il est impensable que Laurent Wauquiez et la Région Auvergne-Rhône-Alpes participe au financement d'un club méprisant le règlement de la Fédération française de football (FFF) qui interdit formellement dans son article premier 'tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance (...) religieuse'."
"Le Rassemblement National souhaite réaffirmer sa volonté de mettre fin à l'offensive islamiste dans le sport", conclut le communiqué du parti d'extrême-droite, co-signé par Andréa Kotarac, président du groupe RN au conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes et Rémi Garnier, conseiller régional.
"Sans ces subventions, le club ne pourra pas survivre"
Sébastien Lepage regrette cette prise de position : "Je pense qu'en ce moment, il y a des choses plus importantes que s'acharner sur des enfants qui veulent juste faire du sport. Nous avons besoin de ces subventions. Elles permettent d'aider toutes les équipes du club. Nous n'avons pas que notre formation féminine, nous avons plein d'enfants et jeunes. Nous avons près de 220 licenciés. Sans ces subventions, l'association du club ne pourra pas survivre et plein d'enfants se retrouveront sans club."
Quant à l'équipe féminine, elle a décidé de se retirer des compétitions : "Nous avons discuté ensemble. Il y avait deux solutions : soit elles enlevaient le hijab le temps du match, soit on se retirait du championnat. Elles se sont concertées et, finalement, elles ont choisi de ne pas poursuivre le championnat. Elles vont continuer de s'entraîner, mais ne participeront plus à des matches officiels", explique-t-il avant d'ajouter qu'il "respecte ce choix" : "Elles ont des convictions intimes et elles s'y sont tenues."