Pour des raisons de sécurité pour ses agents et d'équité, l'agglomération arrête la collecte de déchets verts au porte-à-porte dans les zones pavillonnaires de Chambéry. Une décision que regrettent certains habitants, qui n'envisagent pas d'utiliser les broyeurs acquis par la collectivité.
"Les végétaux sont une ressource pour son jardin, non un déchet." C'est avec ce leitmotiv que l'agglomération du Grand Chambéry essaie de faire passer la pilule à quelque 4 500 foyers chambériens : la collecte en porte-à-porte des déchets verts dans les zones pavillonaires de Chambéry est suspendue, ad vitam aeternam. Une collecte, en vigueur depuis plus de 20 ans, qui permettait de ramasser pas moins de 450 tonnes de végétaux chaque année.
Cette année, elle ne fera pas son retour habituel fin avril, après un repos hivernal bien mérité.
Une décision motivée par plusieurs arguments distincts, à en croire l'agglomération. "Cette collecte ne répondait plus aux exigences en matière de sécurité pour les agents", eplique Marie Bénévise, vice-présidente chargée des déchets ménagers et assimilés à l'agglomération. Selon elle, ce travail était "trop pénible", présentant des "risques musculaires importants", ce qui entraînerait "des difficultés à recruter pour notre prestataire".
Deuxième argument massue : le principe d'équité.
L'agglomération doit un service égal à ses habitants. Or, avec cette collecte, ce n'était pas le cas. Elle ne concernait que 4 500 foyers, sur les 55 000 que comporte le territoire.
Jardinage naturel et raisonné
D'autant que tous les administrés de l'agglomération règlent la même taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom), pour un service inégalitaire, donc. La solution alternative d'une taxe au pro rata de la quantité de déchets produite par chaque ménage nécessiterait quant à elle une refonte complète du système fiscal de l'agglomération.
En conséquence, les Chambériens devront s'occuper eux-mêmes de leurs déchets verts. Avec plusieurs solutions : les emmener en déchetterie par leurs propres moyens, ou les réutiliser. Et c'est cette deuxième solution que tente de promouvoir l'agglomération. "On veut sensibiliser les habitants au jardinage naturel et raisonné", précise Marie Bénévise.
?Mieux valoriser ses végétaux et en limiter le transport est un enjeu pour @GrandChambery : prêt de broyeurs, composteurs, ateliers. La collecte des végétaux des zones pavillonnaires de la @VilledeChambery, ne répondant plus à ces exigences, est arrêtée➡ https://t.co/TvvPSTeLz7 pic.twitter.com/Rw2KzTheXg
— Grand Chambéry (@GrandChambery) March 16, 2021
Et pour y parvenir, l'agglomération organisera, à partir du 16 avril, des journées d'animations dans les quartiers concernés par l'arrêt de la collecte. Au programme : des ateliers pratiques, des rencontres entre élus et habitants, et la présentation des broyeurs flambant neufs, acquis par Grand Chambéry.
Ces broyeurs auront la mission d'inciter les Chambériens à réutiliser leurs déchets verts dans leur jardin, pour les transformer en broyat. Pour Marie Bénévise, "ces déchets verts sont une ressource, qui permet de limiter les besoins en eau et en engrais" des plantations lorsqu'utilisés en paillage ou en compost.
Pour l'instant, l'agglo dispose de treize broyeurs répartis sur les différentes communes du territoire, assez volumineux et compliqués à transporter, mais à la capacité de broyage importante. Avec l'argent économisé -environ 78 000 euros sur un budget annuel de 165 millions- par l'arrêt de la collecte, Grand Chambéry a acquis dix broyeurs supplémentaires, "plus petits et facilement transportables dans un coffre de voiture", précise l'élue. Ils sont réservables en lignes et empruntables gratuitement.
Les habitants sont (très) sceptiques
Pourtant, si l'agglomération affirme avoir tout prévu, les premiers concernés par l'arrêt de la collecte ne voient pas tous la vie en vert. Au hameau de la Chenavière, petit quartier pavillonnaire des Hauts de Chambéry, les habitants sont sceptiques, sinon hostiles, face à cette mesure. Président de l'association des habitants du hameau, Claude-Albin Rolland a sondé ses voisins, et a compilé leurs réponses. "Sur les 19 personnes qui m'ont répondu, une seule y est favorable", assure-t-il.
Chez les habitants, c'est l'incompréhension qui semble dominer. "C’est vraiment dommage de supprimer ce service, note un résident. Je vais devoir faire de multiples aller-retour à la déchèterie car je ne peux pas porter de charges lourdes et encombrantes", ajoute-t-il, prophétisant le risque de retrouver des déchets verts "autour ou à l'intérieur des poubelles" publiques. Pire : "les déchets verts vont se retrouver dans les poubelles marron et partiront à l'incinération", s'indigne un couple. Pas très écolo.
Pas très écolo non plus les déplacements individuels : "un enlèvement de gros volume vaut sûrement moins de CO2 émis que chaque véhicule de particulier faisant l’aller-retour" à la déchetterie, note une habitante.
Vers un retour du brûlage ?
Quant au rejet des broyeurs, il semble presque généralisé. Une habitante affirme qu'elle n'utilisera pas de broyeurs : "Pour mes 20m² de pelouse, je n'aurai pas l'utilité des déchets broyés, et pour la majorité des personnes en maison mitoyenne, ce sera pareil." Claude-Albin Rolland lui-même l'admet : "J’ai un jardin, une vingtaine de m2. Les haies que je taillerai, je les garderai, je les ferai sécher et je ferai un petit feu."
Alors un retour des (très polluants) brûlages est-il envisageable à Chambéry ? Un document de l'Agence de l'environnement (Ademe) dâté de 2018 considère que la collecte au porte-à-porte des déchets verts est une solution efficace pour lutter contre les brûlages. Optimiste, Marie Bénévise de son côté "espère que cette pratique ne va pas se développer", et promet de nouvelles communications pour rappeler l'interdiction du brûlage. "Mais on restra vigilents", assure-t-elle.
Pour convaincre les habitants, l'élue compte sur "le partage d'expériences avec les autres communes de l'agglomération", où l'absence de collecte "ne pose pas de problèmes". Un partage qui arrive peut-être trop tard, certains Chambériens regrettant un manque de communication de l'agglomération. Une déconnexion que la collectivité espère résoudre avec ses journées d'animations dans les quartiers fin avril (16, 17, 22, 23,24 et 30 avril).