Le procès d’Alberto C. s’est ouvert ce matin à la cour d’assises de Savoie. Jugé pour le meurtre de son ex-compagne Rita B., en 2017, il n'a pas souhaité se présenter à l'audience. Il avait déjà été condamné à 3 ans de réclusion pour un premier féminicide il y a 30 ans.
Deux féminicides à moins de 30 ans d’intervalle… Le 8 février 2017, Alberto C., chauffeur routier, se rend sur le lieu de travail de son ex-compagne, Rita B., à Montmélian, en Savoie. Il lui tire quatre balles dans le thorax.
Il retourne ensuite l’arme contre lui et tire trois fois. Mais il ne succombe pas à ses blessures. Il reconnaît vite le meurtre avec préméditation avant d'être mis en examen, dans un premier temps, pour assassinat.
Un premier féminicide en 1988
Les enquêteurs apprennent vite qu’Alberto est déjà connu de la justice. En 1988, à Turin, il étrangle à mort sa compagne, Immacolata. La raison : elle refuse sa demande en mariage. Alberto est condamné à sept ans de prison, et en passe trois derrière les barreaux, avant d’être remis en semi-liberté.
Ce matin, à la cour d’assises, le président dresse le profil de l’accusé. Petit, il n’était ni violent, ni bagarreur. Après avoir passé son baccalauréat, il effectue ses deux premières années de droit à l’Université de Turin, mais arrête rapidement car il souhaite entrer dans le monde du travail. Il se marie alors avec son amie d’enfance, à 23 ans. De cette union naît une petite fille, Manuela.
Il hurlait souvent
Mais sa femme meurt d’un cancer. Alberto est alors âgé de 25 ans et Manuela de 4 mois. "Il ne s’est jamais occupé de moi lorsque j’étais petite, il ne s’est jamais comporté comme un père", témoigne-t-elle au procès de son père, qu'elle n'appelle que par son nom de famille.
Elle le décrit comme un homme agité, qu’elle voyait tous les quinze jours, avec une femme différente à chaque fois. "Il y a eu Victoria, Gabriella, Immacolata… Elles sont nombreuses à m’avoir dit que mon père était violent". Elevée par ses grands-parents maternels et paternels, elle ne garde pas de bons souvenirs de son père : "il hurlait souvent, insultait, avait un fort caractère… Et il ne voulait pas laisser partir ses compagnes".
Elle raconte d’ailleurs les semaines qui ont précédé l’assassinat de Rita. Cette dernière, ne supportant plus les violences verbales et physiques, avait décidé de le quitter. Mais lui, refusait de partir. Il appelle alors sa fille, en pleurs : "Rita veut me quitter, mais je ne veux pas, je ne comprends pas". Quelques semaines plus tard, il la tuait.
Sa fille le craignait : "quand il m’a appelée, j’avais peur qu’il récidive, moins de 30 ans après avoir tué Immacolata. Je ne m’étais malheureusement pas trompée". Manuela, aujourd'hui âgée de 37 ans, s’arrête dans son récit, les larmes aux yeux. Et lorsque le président de la cour lui demande si elle avait peur de son père, elle relève la tête, et répond sans aucune hésitation : "oui, j’avais peur".
Un profil complexe
Ce sont les mots qu’a également employé Gabriella M., ce matin, pour décrire sa relation avec Alberto C. "Au départ, tout se passait bien. C’est une personne généreuse, qui sait attirer les gens avec de belles paroles. Mais ensuite, il devient agressif, puis violent". C’est au bout de 15 ans de vie commune que Gabriella décide de partir. "Il m’a d’abord giflée, puis mis un coup de pied dans le dos… Une fois, il m’a violemment poussée sur le lit". Le président répond : "Que vous disait-il dans ces moments-là ?" - "Ce jour-là, il m’a dit : “oui, je sais que c’est mal”…- comme s’il souhaitait s’excuser".
C’est ce que l’avocate de la défense, Maître Véronique Pigeon, nous explique : "Cela fait 4 ans que je l’écoute, et je sais que derrière une façade qui le décrit comme quelqu’un qui crie, qui s’emporte beaucoup, il y a quelqu’un de profondément sensible, et bouleversé. Les expertises des médecins et des psychiatres pourront éclairer ces points demain".
Demain mardi 26 janvier, ce sera effectivement au tour des experts de dresser le profil de l’accusé.
Alberto C. refuse d’évoquer son premier féminicide, comme s’il n’y avait pas de lien avec celui de Rita B. Et il n’a pas non plus souhaité comparaître devant la cour d’assises, ce lundi 25 janvier. Il considère que cela fait partie de la sphère de l’intime, et que cela ne regarde ni les médias, ni le public.
Sans suivi, il récidive
Priscilla, de l’association Nous Toutes 74, réagit : "ce n’est pas normal de nier un meurtre comme ça. Il n’en est pas à son premier. Nous sommes écoeurées que la défense mette en avant sa dépression, c’est trop facile d’utiliser ce moyen-là". Car selon la défense, c’est la mort de sa première épouse, décédée d’un cancer, qui aurait détruit l’homme de l’intérieur. Depuis, il souffrirait de "phobie de l’abandon", selon son avocate.
Mais selon plusieurs associations, cela montre surtout le problème du suivi de ces hommes après un premier féminicide, "qui prennent possession du corps des femmes. En les tuant, elles lui appartiennent à jamais. Et sans suivi, il récidive".
Il comparaît d’ailleurs pour "récidive d’assassinat". "Il s’attend à une sanction très lourde, mais il ne veut pas être défini comme un monstre", insiste son avocate. Il encourt en effet la prison à perpétuité.
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