Nouvelles espèces, analyses de l'eau : comment les scientifiques étudient le lac du Bourget pour "mieux comprendre ce qui va se passer demain"

Le Bourget, plus grand lac naturel de France, est suivi depuis des années par des scientifiques du monde entier comme un thermomètre du changement climatique. Ses eaux sont analysées tous les mois et la biodiversité présente y est étudiée de près.

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Depuis quelques années, la biodiversité dans les profondeurs du lac de Bourget se retrouve bouleversée. La faute en grande partie au réchauffement climatique. De nouvelles espèces font leur apparition telles que le silure, le lavaret ou encore la moule quagga. 

Analyser les eaux du lac pour appréhender son évolution

Ces bouleversements sont surveillés de près par les scientifiques. Une fois par mois, les techniciens de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) se rendent sur le lac pour y faire des analyses de l’eau. Sur leur bateau, ils ont apporté toute une batterie de matériel : des capteurs, des sondes, des bouteilles de prélèvements. 

Grâce à tout ce matériel, ils peuvent réaliser des prélèvements d’une extrême précision jusqu'à la partie la plus profonde du lac, située à 140 mètres de profondeur. "On va regarder la température, le PH, la conductivité, la florescence [étude des feuilles et végétaux, NDLR]", explique Jean-Christophe Heustache, technicien au laboratoire de l'Inrae de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie).    

"Au fil des mois, des années, des saisons, des décennies même, on observe l’évolution de milieu aquatique dans un contexte aujourd’hui relativement intéressant parce qu’il y a un changement climatique, un changement global. Ces investigations passées, elles nous aident pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui et ce qui va se passer demain", explique le technicien de laboratoire.

Modification des espèces 

L’analyse des échantillons rentre dans le dispositif de l’observatoire des lacs, centré sur des suivis à long terme. Des chercheurs du monde entier consultent ces données qui concernent l’évolution des lacs de montagne dans un contexte de réchauffement climatique.

"L’intérêt des grands lacs alpins est du fait de leur profondeur. Les espèces peuvent changer de profondeur et possiblement retrouver des niches écologiques adaptées à leur préférence thermique," nous dit Jean-Philippe Jenny, chercheur à l'Inrae.

Avant d'ajouter : "Certaines espèces vont être remplacées par d’autres. Dans l’évolution écologique des systèmes, c’est quelque chose qui est naturel et aujourd’hui, cette évolution est un peu forcée, un peu accélérée. Néanmoins, je pense qu’on peut l’appréhender avec sérénité."

Le lavaret, un poisson longtemps passé sous les radars

Le lavaret, est très suivi depuis quelques années dans le lac du Bourget. Ce poisson, très prisé des pêcheurs et des restaurateurs, beaucoup l’ont cru, pendant longtemps, en voie de disparition dans les eaux du lac. "On nous disait qu’il n’y avait jamais eu autant de poissons dans le lacs et nous, comme on n'avait rien dans les filets, on se demandait si on ne nous racontait pas des histoires", nous dit Cédric Giroud, pêcheur du lac du Bourget.

Depuis une vingtaine d’années, les scientifiques surveillent le lac et c’est en observant le fond avec des sonars qu’ils ont été stupéfaits. "On voyait une masse énorme de poissons, on savait très bien que c’était du lavaret et pour autant, les captures continuaient de diminuer et de s’effondrer. On s’est aperçu qu’ils ne grandissaient pas suffisamment pour atteindre la taille légale de capture ou alors, ils passaient à travers les mailles du filet, car les mailles étaient trop grandes", explique Sébastien Cachera, responsable du pôle gestion de l'eau et des milieux aquatiques du Comité intercommunautaire pour l'assainissement du lac du Bourget (Cisalb). 

En peu de temps, la taille du lavaret à maturité a donc diminué. Pour capturer des lavarets plus petits, les pêcheurs professionnels du lac du Bourget ont été autorisés à se munir de plus petites mailles, passant ainsi de 45 à 35 millimètres. En revanche, chacun doit respecter une limite de capture fixée à deux tonnes par mois et se soumettre à l'envoi d'une déclaration hebdomadaire des prises.

Le silure, une nouvelle espèce en apparition 

Depuis peu de temps, les pêcheurs observent la présence d’un nouveau venu : le silure, habituellement présent dans les fleuves.

"Nos lacs alpins restaient, jusqu’à il y a quelques années, avec des eaux très froides très longtemps et là, c’est bien moins vrai ; on atteint plus facilement les 25 °C l’été, donc on a des couches d’eau chaude qui favorisent le développement du silure", explique Christophe Cagnat, pêcheur amateur sur le lac du Bourget.

Pour le moment, la présence du silure ne serait pas menaçante pour les autres espèces, mais pêcheurs et scientifiques continuent de collaborer pour observer les effets sur plusieurs dizaines d’années. Les scientifiques accompagnent les collectivités pour faire face au changement climatique et favoriser le développement de la biodiversité dans cet univers en perpétuelle évolution.

Au sud du lac, une vaste roselière a été réaménagée pour protéger toutes les espèces de la moindre agression extérieure. Ces roselières sont devenues essentielles pour la survie et la reproduction de nombreux poissons, comme le brochet, la carpe et désormais le silure. Mais elles sont également indispensables pour les oiseaux, leur permettant d'avoir un abri.

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