"Des JO italiens, hors d'Italie ?" : la piste de bobsleigh des Jeux olympiques d'hiver 2026 au centre d'une polémique

Les épreuves de bobsleigh, luge et skeleton des futurs Jeux olympiques de Cortina-Milan en 2026 auront-elles lieu en Autriche, en Suisse ou même en France ? La question agite l'Italie. Pour une raison de coût, les organisateurs de ces JO envisagent en effet d'utiliser une piste située hors d'Italie ! Une situation inédite au centre d'une polémique qui fait rage jusqu'au sommet de l'Etat.

"Je peux comprendre la blessure à l'orgueil national que cela représenterait pour les Italiens, mais lorsque nous avons vu que l'appel d’offres pour la construction de la piste de bob de Cortina 2026 était resté sans candidat, nous avons décidé de mettre à disposition notre piste". 

Relayée dès la fin août dernier par la presse transalpine, l'offre de service de Georg Willi, le maire d'Innsbruck en Autriche, ne pouvait manquer de faire "boule de neige". 

La piste de toutes les polémiques

Moyennant 12 à 15 millions d'euros de contribution de l'organisation italienne des Jeux de 2026 (afin de mettre aux normes olympiques la piste d'Innsbruck), les Autrichiens ont donc été les premiers à tenter de tirer parti des désillusions transalpines.

Car le projet initial, bien que contesté autant pour ses coûts exorbitants qu'en raison de son fort impact environnemental, était ambitieux. Pour un peu plus de 100 millions d'euros, l'Italie comptait profiter de ses JO pour s'offrir une piste "Eugenio Monti", toute neuve, prolongeant ainsi l'héritage prestigieux des Jeux de Cortina 1956. Un équipement entièrement à refaire pour correspondre aux standards actuels.

Un rêve, douché à froid, par le manque de candidat à sa construction...et bientôt à l'eau glacée par le ministre des sports italien.

"Dans une phase aussi délicate pour notre économie, il est impensable que le gouvernement mette en action de nouvelles dépenses pour une piste de bob" a déclaré au quotidien turinois "La Stampa" Andrea Abodi.

Une façon d'enterrer définitivement les rêves de Cortina, mais aussi ceux de Turin qui voyait déjà le retour en grâce de sa piste de bobsleigh des jeux d'hiver de 2006. Déjà construite, mais dédaignée jusqu'alors par les promoteurs des jeux de Milan-Cortina.

Mais la "pierre tombale sur une solution 100% italienne", comme le titraient nombre de confrères transalpins, c'est le président du CONI (Comité National Olympique Italien) qui semble l'avoir donnée le 17 octobre dernier, en déclarant devant le CIO (Comité international olympique), réuni à Mumbai en Inde, que "le président du comité d'organisation de Milano-Cortina 2026 devrait choisir un autre site, hors d'Italie, pour accueillir les épreuves de bobsleigh, skeleton et luge initialement prévues à Cortina".

Et pourquoi pas La Plagne ?

"Des JO italiens, hors d'Italie" ? Tombés dans l'oreille d'un premier ministre italien issu d'un parti nationaliste comme celui de Giorgia Meloni, ou arrivés dans celle de son vice premier ministre, Matteo Salvini, qui a fait de "l'Italie aux Italiens" un slogan de campagne électorale, ces mots-là ne sont pas loin de faire figure d'injure.

D'où la polémique qui a aussitôt enflammé la classe politique transalpine, chaque membre du gouvernement ou homme politique étant bientôt sommé par l'opinion publique de se positionner sur l'éventuel "cadeau" fait aux voisins européens autrichiens ou suisses...et pourquoi pas français ? 

"Nous n'avons pas été contactés directement par l'organisation des Jeux de 2026, explique Bruno Thomas, le directeur de la piste de bobsleigh de La Plagne, construite pour les Jeux d'hiver d'Albertville de 1992. Ce qui n'empêche qu'au cours d'échanges informels, nous leur avons indiqué l'éventuelle disponibilité de notre piste..."

Alors, direction la Savoie pour les épreuves de bob en 2026 ? Pour l'heure, si l'on en croit les noms le plus souvent cités chez nos confrères italiens, ce sont Innsbruck en Autriche, et Saint-Moritz en Suisse qui semblent tenir la corde. 

Pourtant, la piste savoyarde ne manque pas d'atouts. Certes plus éloignée de Milan ou Cortina que ses homologues, elle n'en demeure pas moins une infrastructure sportivement au point. "Notre piste serait parfaitement en capacité d'accueillir des Jeux olympiques", explique encore Bruno Thomas. "Entièrement couverte, c'est aussi l'une des seules à avoir un système de réfrigération qui fonctionne à l'eau glycolée (un mélange 50/50 d'eau et d'antigel) qui évite les dangers pour l'environnement représentés par l'utilisation de l'ammoniac. Le seul investissement à faire serait dans la réfection de quelques bâtiments".

Le Piémont, vent debout pour défendre sa piste

De sérieux atouts que les Savoyards ne souhaitent pas davantage pousser en avant : "Parce que notre objectif premier reste notre candidature pour les Jeux d'hiver de 2030. L'un des points forts de notre dossier, c'est de réutiliser les équipements existants. Mais ce serait tout de même étonnant que le même site de bob accueille les épreuves de deux olympiades de suite". 

Si la discrétion savoyarde est de rigueur, le Piémont, au contraire, n'hésite pas à hausser le ton. Par le biais de son président de région d'abord. "Prêt à faire sa part du travail" en mettant la main au porte-monnaie pour sauver la piste des Jeux de Turin à Cesana Torinese : un site de compétition situé à une vingtaine de kilomètres de la sortie du tunnel du Fréjus.(73).

"On est allé la visiter en juillet dernier", explique encore Bruno Thomas, qui est aussi un ancien champion de bobsleigh. "Extérieurement, malgré ses années de fermeture, elle est encore en bon état. Mais il y a la partie visible et le cœur du système, c’est-à-dire la production de froid. Il y aurait un gros travail de test à faire sur le réseau pour évaluer l'état de détérioration du système de réfrigération."

Une tâche à laquelle on s'emploie ces derniers jours sur le site de Cesana. Le président de la Fondation en charge de l'hériatge des Jeux de 2006, Francesco Avato, confirme que tous les équipements sont actuellement examinés par des techniciens européens, spécialistes de la construction d'ouvrages de ce type. L'objectif étant de faire, au plus vite, un état des lieux précis permettant de fixer le montant des éventuels travaux de remise en état à effectuer. 

On a passé des années à discuter pour finalement ne pas réussir à définir les limites territoriales des Jeux de Milan-Cortina 2026. Je pense que l'on peut dédier au moins quelques jours à faire un état des lieux précis qui aide les politiques à prendre la décision finale.

Francesco Avato, président de la fondation en charge de l'héritage des jeux de 2006

Pour être convaincante, la proposition piémontaise devra non seulement être bien moins dispendieuse que celle de Cortina (la région Piémont a évalué à environ 30 millions d'euros la remise en état de sa piste de bobsleigh, NDLR) mais surtout, réussir là où l'expérience précédente de la piste piémontaise avait échoué : la survie post-olympique de l'ouvrage.

"La question que les décideurs italiens doivent se poser c'est de savoir s'ils sont prêts à réinvestir de l'argent dans une piste, certes très belle mais pas idéalement exposée (sud-ouest, NDLR)...et s'ils veulent prendre le risque de la fermer une seconde fois après les Jeux", résume pour sa part le "big boss" du bobsleigh savoyard.