La Savoyarde Julia Simon a remporté le classement général de la Coupe du monde de biathlon, après 18 ans de disette côté féminin. Huit jours après son sacre à Oslo, elle revient pour France 3 Alpes sur ce qui lui a permis de décrocher le gros globe de cristal.
A 26 ans, la biathlète des Saisies vient d'inscrire son nom dans l'histoire du biathlon en devenant la quatrième Française à gagner le classement général de la Coupe du monde, 18 ans après Sandrine Bailly.
Julia Simon a pris le dossard jaune de leader, très tôt dans la saison, dès le début du mois de décembre après le sprint d'Hochfilzen, en Autriche. Elle ne l'a plus jamais retiré pendant les quatre mois suivants de compétition. Le 19 mars dernier, elle s'est ainsi adjugé le gros globe de cristal, récompensant une saison marquée par une incroyable régularité au tir. Très en forme sur les skis, la Savoyarde a assis son succès sur un taux de 93% de réussite sur le tir couché et 85% de réussite sur le tir debout (contre respectivement 84% et 78% la saison précédente).
Individuellement, outre le classement général de la Coupe du monde, elle a également décroché le petit globe de la poursuite et le petit globe de la mass-start, sans oublier un titre de championne du monde de la poursuite.
Elle achèvera sa saison ce 2 avril à Bessans, en Savoie, à l'occasion des Championnats de France de biathlon. Elle revient pour France 3 Alpes sur cette saison exceptionnelle.
France 3 Alpes : "Huit jours après votre sacre à Oslo, est-ce que vous réalisez ce que vous avez accompli cette saison ?
Julia Simon : Ça prend forme avec toutes les sollicitations qu'il y a eues, ça m'aide aussi à réaliser depuis une semaine, donc ça y est, j'ai réalisé. C'est complètement fou. Je me sens fière de ce que j'ai accompli, fière de cet hiver, c'était pas gagné d'avance et je suis fière d'avoir réussi à gérer mes émotions pour aller jusqu'au bout. Là, je sens que j'ai besoin d'un petit peu de repos, un petit peu de pause pour pouvoir repartir parce que la saison a été longue et la pression s'est fait sentir. Mais c'était vraiment une super expérience et je me suis éclatée tout cet hiver.
Les ressources mentales commencent à s'épuiser ?
Oui. Le relâchement, le relâchement de la pression, tout ça fait que ça commence un peu à s'épuiser.
A quel moment de la saison, avez-vous compris que vous alliez vraiment pouvoir jouer le gros globe de cristal ? Quand Elvira Oeberg a commencé à montrer des signes de faiblesse ?
Non. J'étais vraiment concentrée sur les Championnats du monde en février (ndlr : à Oberhof, en Allemagne), du coup une fois que les Championnats du monde sont passés, je me suis dit : bon, maintenant le dossard jaune, si je n'arrive pas à aller jusqu'au bout je serai très déçue. Donc cela devient clairement mon objectif principal et je pense que c'est vraiment en février, après les Championnats du monde, que j'ai pris la décision de ne plus me mentir et d'aller au bout de ce classement général.
Vous avez eu le Covid à ce moment-là. Comment avez-vous traversé cette période ?
J'ai eu le Covid, je n'ai pas paniqué, j'ai fait confiance à mon coach Cyril Burdet pour qu'on échange le mieux possible et qu'on fasse la meilleure préparation possible, et ça s'est plutôt bien déroulé. Les sensations n'étaient forcément pas au top mais j'ai réussi à limiter la casse et finalement je n'ai pas perdu beaucoup de points sur ce week-end là, j'en ai même gagné sur Elvira Oeberg, donc je m'en suis très bien sortie. Et c'était finalement une très bonne reprise après la maladie.
Le fait que les règles aient changé cette année, qu'il n'y ait pas de course décomptée, cela vous a obligé à être à l'attaque sur toutes les courses ?
Je n'ai pas trop réfléchi au nouveau règlement, aux points, à tout cela, c'est sûr qu'il faut être très régulier et on sait que le podium et même la victoire rapportent gros donc il faut tout le temps être au top, après là où je suis vraiment très contente de moi, c'est que j'ai eu des coups de mou aussi mais j'ai réussi à très bien les gérer et je pense que c'est ce qui a fait la différence cet hiver, de m'écouter un peu plus et d'adapter l'entraînement autour des Coupes du monde.
L'équipe de France féminine a un nouvel entraineur depuis un an. Qu'est-ce que Cyril Burdet a changé par rapport à Frédéric Jean ?
Il n'y a pas eu de gros changements. Il est dans la même dynamique que Fred. C'est juste que Fred, cela faisait huit ans qu'on était ensemble, on commençait à se connaître vraiment par cœur, donc on était rentrés dans une sorte de routine et là, il faut recréer un lien avec un nouvel entraîneur, des nouveaux challenges et c'est stimulant. C'est sympa de recréer cette relation-là avec une nouvelle personne et elle est tout aussi motivée. On va vraiment dans la même direction, on a les mêmes objectifs donc c'est tout bon pour la suite.
Quelle direction justement ? 100% tournée vers l'attaque ?
Ça, c'est mon biathlon déjà, c'est ma manière de faire du biathlon, c'est ma manière d'être donc là dessus il ne va pas me changer, il va plutôt essayer de canaliser un peu les à-côtés. Mais là-dessus on est plutôt d'accord, il s'adapte bien à chacune et après on fait avec les personnalités. Il s'est très bien adapté à ma personne et c'est facile d'échanger avec lui.
Vous avez dégagé beaucoup de calme tout au long de la saison. Est-ce que c'est la préparation mentale que vous avez faite avec Marie-Laure Brunet qui porte ses fruits ou est-ce que ce sont les résultats qui ont fait que vous étiez plus sereine ?
Il y a un petit peu des deux. Forcément la préparation mentale m'a aidée à arriver à ce niveau-là et avec cette confiance sur le début de saison et après les résultats, les bonnes perfs prennent le relais. C'est un cercle vertueux : les bonnes performances s'enchaînent, la confiance arrive, elle est là et cela apporte de la solidité. Je pense que c'est un tout.
Vous avez également remporté deux petits globes de cristal : celui de la poursuite et celui de la mass start. Est-ce que, en début de saison, vous en aviez fait des objectifs à part entière, avant d'enfiler le dossard jaune ?
Avant le début de saison, je voulais vraiment jouer la régularité, et je m'étais dit que ce serait sympa d'essayer de jouer un petit globe et que le gros globe ce serait pour les années d'après. Mais tout est arrivé en même temps, et je ne vais pas me plaindre, c'était vraiment une très bonne saison mais c'est sûr que l'objectif principal c'était de faire preuve de régularité et de pouvoir jouer le classement de l'une des disciplines.
C'était une super saison, aussi, pour l'ensemble de l'équipe de France féminine. Vous en avez été l'un des moteurs puisque vous portiez le dossard jaune, est-ce que vous vous êtes sentie investie du devoir de mener le groupe ?
Je ne l'ai pas vécu comme ça, justement, parce que c'était une chance d'avoir cette équipe très forte. On avait toutes envie d'être sur les podiums et je pense justement que c'est la force de notre équipe : il n'y a pas une leader qui prend le dessus mais on est toute une équipe capable de monter sur les podiums et ça c'est vraiment agréable et ça permet de pousser tout le monde vers le haut aussi.
Quelle est la place de cette victoire du classement général par rapport à votre titre de championne du monde décroché sur la poursuite ?
Ce sont des choses très différentes, parce qu'en termes d'émotion, un titre de championne du monde c'est la course d'un jour et la pression est sur une course, elle arrive d'un coup, alors que le gros globe cela se construit différemment, c'est tout au long d'une saison, c'est long, c'est éprouvant, il y a des hauts, il y a des bas. Les émotions ne sont pas les mêmes mais les deux sont top.
Est-ce que vous pensez déjà à la saison prochaine ?
Pour le moment, j'ai plus besoin d'une pause, de prendre des vacances mentales, me reposer et faire le vide. Mais la saison prochaine va arriver très vite, il va falloir repartir à l'entrainement très tôt et pour le moment je ne sais pas encore les objectifs, je pense que cela va dépendre de comment je me sens, est-ce que j'aurai l'énergie ? Parce que cela demande quand même énormément d'énergie de jouer un général, donc est-ce que j'en aurai assez pour pouvoir le jouer, pour pouvoir rester avec les filles et être compétitive, je ne sais pas. Je pense que ce sera une discussion qu'on aura avec les coaches tous ensemble, à savoir est-ce qu'on joue une régularité de nouveau ou est-ce qu'on tente un nouveau challenge, c'est-à-dire pourquoi pas de miser sur des Championnats du monde et d'essayer de se préparer pour être au top sur ces Championnats du monde.
Est-ce que vous avez pu échanger avec Quentin Fillon-Maillet pour qui l'année post-gros globe a été un peu compliquée. Est-ce que vous craignez une retombée après une saison si exceptionnelle pour vous ?
Je pense qu'il y aura forcément une retombée. Après, la question sera justement à quel moment, à quel degré et l'impact. Je vais vers l'incertitude. On verra. Mais c'est sûr que le cas de Quentin m'a appris beaucoup. Après Quentin, c'était une saison encore plus exceptionnelle (ndlr : avec ses titres olympiques en plus du classement général de la Coupe du monde), donc pour moi il y a quand même une différence entre ce qu'a réalisé Quentin et ce que j'ai réalisé cet hiver donc on verra. Mais je pense que je suis plutôt bien entourée pour pouvoir gérer tout cela avec les coaches qui prennent du recul sur la situation et qui sauront m'aider si j'ai besoin le moment venu.
Quels sont les axes de travail pour la saison prochaine ?
C'est de toujours m'améliorer. Mon tir debout peut être encore meilleur, donc essayer de l'améliorer, continuer à rester très stable sur le couché et côté physique, continuer sur cet axe de travail qui était plutôt très bon cet hiver. Il y a encore des choses à aller chercher. Le biathlon, c'est un éternel recommencement, c'est ça qui est bien.
Vous allez finir la saison sur les Championnats de France ce week-end à Bessans. Pourquoi est-ce important pour vous d'y participer ?
C'est l'occasion d'échanger avec les plus jeunes du comité. C'est toujours un bon moment et c'est une très belle fête du nordique.
Est-ce que vous avez l'impression d'avoir pris une autre dimension par rapport au public ?
Pour le moment, je ne suis pas trop rentrée chez moi. Je pense que ça va être un peu l'effet après-saison, après ça va se calmer. Mais oui, j'ai un peu plus de sollicitations. J'ai reçu pas mal de lettres et de dessins de petites filles et d'enfants qui étaient contents, qui me dessinaient sur le podium et ça c'est vraiment touchant, ça fait plaisir et j'espère que ça inspirera des jeunes, qu'ils aient envie de faire la même chose et que, s'ils ont des rêves, qu'ils croiront fort en leurs rêves et qu'ils travailleront pour les réaliser et pour le moment j'essaye de transmettre cela au travers des médias donc si on me donne la parole, c'est sympa."