Un couple de Voglans en Savoie risque la ruine, et la rue. Parce qu'ils ont contesté le projet immobilier qui menaçait leur maison, les Baccard sont aujourd'hui forcés de la vendre aux enchères, au rabais, pour combler les dettes qu'ils ont contractées au cours de la procédure judiciaire!
Epuisés et désespérés, Michel et Viviane Baccard ne ferment plus l'oeil de la nuit depuis qu'ils ont appris que leur maison, et le terrain qui va avec, seraient mis en vente aux enchères publiques, par adjudication, le 12 février prochain.
C'est un juge qui l'a ordonné, pour "solde d'une partie de leur créance". Ils ne pourront donc pas récupérer un sou de ces enchères destinées à solder une dette de 212.000 euros. Il s'agit, en fait, du montant des dommages et intérêts qu'ils ont été condamnés à payer, lors de la procédure judiciaire engagée pour défendre leur seul et unique bien, il y a 10 ans.
A l'origine, un projet immobilier...
10 ans que leur vie est devenue un enfer aux accents kafkaiens.Tout a commencé en 2006 par un projet immobilier: l'implantation d'une résidence de 25 logements en plein centre-ville de Voglans. Ce sont leurs voisins, Mr et Mme P qui portent ce projet et ont d'ailleurs obtenu le permis de construire.
Les Baccard n'en veulent pas sous leurs fenêtres. Pour le faire annuler, ils déposent un recours devant le Tribunal administratif. Demande rejetée en 2009. Pour des raisons de forme uniquement. Le couple, qui n'a pas pris d'avocat, n'a pas fait les choses dans les règles de l'art et n'a pas adressé une copie du recours aux intéressés. Pour la peine, ils sont condamnés à verser 1000 euros de dommages et intérêts aux bénéficiaires du permis de construire.
Une guerre de procédures
Au bout du compte, c'est la mairie de Voglans qui empochera la somme. Entre-temps, elle a en effet racheté le terrain à la Communauté d’agglomération du lac du Bourget, qui elle-même l'avait racheté pour 430 000 euros aux époux P. !
Mais l'affaire ne s'est pas éteinte pour autant. En parallèle, les époux P. ont décidé de porter plainte contre leurs voisins qu'ils rendent responsables de leur échec immobilier. Ils leur réclament 500.000 euros de dédommagement. Seulement voilà, les Baccard jurent leurs grands dieux qu'ils n'ont jamais reçu l'assignation du tribunal de grande instance qu'un huissier était censé leur remettre, à domicile.
Convoqués le 9 juillet 2009, ils ne sont pas à l'audience et sont condamnés en leur absence à verser 250.000 euros de dommages et intérêts. Ce jugement rendu en septembre 2009 ne leur est signifié qu'en... 2010. Trop tard pour faire appel. Ils vont en cassation. Ils perdent. La "mécanique", elle, est lancée. 60.000 euros ont déjà été saisis sur leur compte commun. Le couple touche pour seul revenu..1300 euros par mois. Seul espoir de se sortir de l'ornière, vendre eux-mêmes leur maison avant qu'elle ne soit mise aux enchères. Dernier espoir envolé, les acquéreurs qu'ils avaient fini par trouver se sont rétractés six mois après avoir signé le compromis de vente.
Un mise à prix...au rabais
Le bien des Baccard sera mis à prix aux enchères à 200.000 euros, l'équivalent de la somme qu'ils doivent aux époux P. La maison a pourtant été évaluée par les experts à 370.000 euros. "Plus scandaleux encore", dénonce le couple, "cette mise à prix représente la moitié du prix d'acquisition de la parcelle voisine, juste à côté, celle de Mr et Mme P rachetée par la mairie de Voglans à plus de 600 euros le m2, soit trois fois le prix du marché."
Un comité de soutien
A Voglans, un comité de soutien s'est créé autour du couple et se mobilise plus que jamais avant la date-butoir des enchères. Parmi eux, l'ancien maire de la commune, Jean Mollard, est monté au créneau. Dans une lettre ouverte à la municipalité de Voglans, il exprime sa colère: "ma démarche est celle d'un ancien maire, d'un administré outré par des décisions dont le résultat est dramatique, pour une famille qui, sans votre intervention, va se retrouver ruinée, à la rue, avec le sentiment d'avoir été livrée à la voracité de promoteurs sans scrupules", écrit-il et il pose avec rage une question, "pourquoi n'avoir acheté que la parcelle Pharamand à un prix faramineux et ne pas avoir, dans le même temps, acheté la propriété Baccard au prix de l'expert?".
La mairie de Voglans pourtant sollicitée à plusieurs reprises par France 3 Alpes ce 28 février n'a pas donné suite à notre demande d'interview.