Champion de ski freestyle, réalisateur de vidéos spectaculaires, Léo Taillefer, originaire de Val d'Isère a à cœur de préserver l'environnement et les montagnes qu'il parcourt à ski, en parapente ou à vélo. Ce jeune sportif touche-à-tout, originaire de la Tarentaise, a créé la Freeski Academy de Val d'Isère pour communiquer sa passion aux jeunes.
Une silhouette sombre s’engouffre à toute vitesse entre deux falaises. Sur ses skis, malgré l’étroitesse du canyon, le skieur accélère, virevolte, saute d’une paroi à l’autre. Dans cet itinéraire hors-piste, assez confidentiel de Val d’Isère, situé non loin de la Folie douce, Léo Taillefer s’amuse comme un chamois, multipliant les manœuvres aériennes. Dans ce couloir très sinueux qui fait à peine quatre mètres de large, le crissement de ses skis sur la neige dure résonne. Les rares skieurs présents restent bouche bée en le voyant flirter avec les rochers. Il les effleure en poussant un cri de joie qui ressemble au croassement d’un corbeau.
Le sportif qui a appris très jeune à glisser sur ces pentes en compagnie de ses frères et de son père est dans son jardin. Il joue avec les reliefs avec une facilité déconcertante. Ce champion de freestyle émérite s’est fait connaitre du grand public avec des descentes virtuoses qu’il diffuse sur le web. Il est connu pour être assez créatif. Adorant la montagne, il pratique l’alpinisme, le parapente, le snowkite, le vélo et mixe volontiers ces disciplines dans ses films.
Très doué, un peu aventurier, Léo a fait partie en 2018 d’une expédition de huit montagnards de renom dans le massif du Karakoram. Sa descente sur une des plus belles faces de la planète, la tour nord de la Biacherachi, une pyramide toute blanche perdue au fin fond du Pakistan culminant à 5 900 mètres et particulièrement vertigineuse, l’a installé parmi les grands. Non seulement, il était capable de splendides acrobaties dans les snowparks, mais il était de taille à se confronter à l’extrême.
Des paysages et un écosystème qui évoluent
"J’adore profiter des montagnes qui m’entourent", confie le jeune athlète. "Je ne me verrais pas vivre en intérieur : je suis quelqu’un d’extérieur." Parcourant, été comme hiver, la Savoie et la Haute-Savoie, il a été aux premières loges ces dernières années pour voir les effets du dérèglement climatique. "J’ai eu la chance de grandir en voyant de grands et beaux glaciers, et petit à petit, je les ai vus disparaitre" raconte le moniteur. "Le glacier du Pissaillas à Val d’Isère, à 3 140 mètres d’altitude, a presque disparu. Il n’y a pas si longtemps, on y faisait du super ski d’été. Cette année, les remontées du domaine n’ont pas fonctionné tellement, il était mal en point. Les glaciers fondent, rétrécissent, disparaissent."
Comme beaucoup de passionnés de sports de plein air, cette accélération le préoccupe. Lui qui est investi dans plusieurs mouvements caritatifs comme "Riders for refugees", qui collecte des vêtements chauds pour les réfugiés ou des associations qui viennent en aide aux handicapés, a rejoint "Protect our winters", autrement dit : protégeons nos hivers. Cette organisation américaine qui a ouvert une antenne en France vise à sensibiliser l’opinion au réchauffement climatique. Elle regroupe des sportifs réputés qui essayent d’alerter le grand public et la classe politique.
Je pense que l’on arrive à la fin du modèle qui consistait à prendre l’hélico pour glisser sur des faces au fin fond de l’Alaska ou prendre des avions pour profiter de la neige au Japon. Désormais, c’est un peu démodé.
Léo Taillefer
La contribution de Léo passe notamment par des films engagés. Il a ainsi participé en 2020 à un beau film intitulé "Shelter", refuge en français. "Le but était de skier d’une vallée à l’autre, d’aller de refuge en refuge, en Italie et en Suisse, en utilisant les modes de locomotion les plus simples et sobres possibles" explique-t-il. On a fait beaucoup de ski randonnée, on a pris le train. Ce périple nous a permis de découvrir des montagnes que l’on ne connaissait pas et de vivre des moments très forts. Il y avait une super équipe de tournage avec notamment Jérémie Jones, une légende du snowboard et le créateur de Protect our winters. "C’est sans doute, parmi les tournages que j’ai faits, un de ceux qui m’a le plus séduit, car il était réalisé de manière simple et sans prétention. Le ski de rando, le parapente, le vélo parlent à tout le monde. Je pense que l’on arrive à la fin du modèle qui consistait à prendre l’hélico pour glisser sur des faces au fin fond de l’Alaska ou prendre des avions pour profiter de la neige au Japon. Désormais, c’est un peu démodé."
Transmission
À 32 ans, Léo Taillefer, qui a pas mal voyagé et ridé, aspire à transmettre. Il a créé il y a trois ans la "Freeski academy" à Val d’Isère, sur le modèle de la "Freeski academy" des Arcs qui existait déjà depuis plusieurs années.
"J’ai eu envie de transmettre aux jeunes tout ce que j’avais appris" décrypte-t-il. "Je suis d’une génération où il n’y avait pas de structure pour nous encadrer. Je me suis beaucoup entrainé avec mon père au début et j’ai appris beaucoup par moi-même, en faisant parfois d’immenses conneries. J’essaye de leur transmettre une vision de la montagne, comment skier évidement, comme lire la montagne, mais aussi comment la regarder, elle qui évolue si vite."
Il anime avec ses homologues des Arcs, Laurent Niol, Guilbaut Colas, Jules Bonnaire et Xavier Troubat, des grandes figures du freeski, des entrainements à Bourg-Saint-Maurice où il apprend aux jeunes espoirs du coin à glisser sur des rails comme dans un parc, à faire des figures à l’aide d’un trampoline et à parfaire leur condition physique sur des parcours du combattant.
"Sun and fun"
Il en profite pour leur parler de pollution et d’écologie avec le sourire. "On essaye de se rassembler à la journée de l’environnement aux Arcs ou à Val d’Isère. Le but est de collecter le plus de déchets possibles. Cela fait faire à nos graines de champions une belle balade en montagne tout en s’amusant et en étant utiles. Il y a un petit côté chasse au trésor ; on ramène toujours des choses incroyables. Pendant ces journées, on récompense celui qui a trouvé l’objet le plus insolite ou truc le plus lourd. Je suis pour l’éducation par le fun : je crois que c’est important de donner du plaisir à quelque chose pour que les jeunes aient envie de l’apprendre. Cela marche super bien : d’année en année, on en récolte de moins en moins, preuve qu’il y en a de moins en moins."
Le jeune entraineur se veut tolérant, philosophe. "Sur la protection de la montagne, personne n’est parfait. On a tous nos contradictions. Chacun fait à son échelle ce qu’il peut, comme il veut. Je ne serai jamais là pour blâmer celui qui prend sa voiture. On trouvera toujours pire et toujours mieux que nous, il faut juste essayer de se sentir bien avec ses convictions."
Beaucoup d’espoirs dans ses espoirs
Ce message du "coach", qui est d’un naturel doux et rieur, passe facilement et les adolescents se retrouvent en lui. L’admiration est réciproque. "Je garde un espoir fou dans les futures générations", avoue-t-il. "Je crois qu’elles sont bien meilleures que nous. En montagne, ils auront un bien meilleur niveau que nous. Et sur les questions environnementales, ils nous donnent déjà des leçons. Ils sont bien plus responsables que nous, au même âge. Cela va faire une génération qui sera super à regarder quand on sera plus âgés et que l’on sera vraiment des vieux cons !"
>> Les trois antennes de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes mettent au cœur de leur programmation la protection de la montagne et de ses écosystèmes, beaux mais fragiles. #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vu que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.