Météo : et la neige se mit à saigner dans les Alpes

Avec humour et décalage, Laurent Guillaume, présentateur du magazine de la montagne "Chroniques d’en Haut" sur France 3 revient sur l’étrange phénomène météo du samedi 6 février, qui n’est pas passé inaperçu dans les Alpes.

Une lumière étrangement apocalyptique a envahi les Alpes et, plus largement, la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce samedi 6 février. Une brume rose-orangée, blafarde, mais suffisamment épaisse pour noyer les sommets et les lointains dans ce nuage de science-fiction. Pendant quelques heures, les couleurs ont semblé se fondre dans un même creuset. Tout est devenu irréel, comme sur une photo ancienne, jaunie par le temps.

Je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer la tête des premiers hommes assistant à ce phénomène sous nos latitudes. Quel Dieu avaient-ils bien pu offenser pour subir cette étrangeté, la disparition des couleurs du ciel, quelle diablerie devraient-ils encore affronter pour avoir fauté un soir de nouba dans la grotte clanique ?
Finalement, ils en avaient surement vu d’autres. Courir après un mammouth énervé entre deux éruptions volcaniques les ont sans doute habitués aux évènements rudes, ajoutons à cela les orages et les pluies diluviennes : le coup du brouillard orange, ils n’étaient probablement plus à ça près.

Non, finalement, c’est au vu des questions et réactions ce matin sur les réseaux sociaux que je me suis dit que l’homo sapiens était finalement plus étonné par les bizarreries de la nature que ses ancêtres.
 

Alors si c’est orange, c’est qu’il s’agit de pollution ?

En ville, d’abord, nombreux ont cru à une pollution de l’air. On dit que la pollution donne une teinte orangée à l’atmosphère. Alors si c’est orange, c’est qu’il s’agit de pollution ? Et bien non.

Un truc bizarre soulignant l’imminence de la fin des temps ? Pourquoi pas. Ceux qui ont observé cette lumière irréelle hier matin ne pouvaient que la trouver incroyablement hypnotique, car elle ne venait de nulle part. Lorsque le soleil se couche, les paysages tirent vers le rouge, mais on sait d’où ça vient.
Un encouragement à voir la vie en rose en ces jours pénibles de couvre-feu ? Peut-être, mais j’imagine mal notre facétieux Premier Ministre avoir l’oreille du Bon Dieu pour lui envoyer ce type de commande. Et s’il l’avait : autant lui demander directement d’éradiquer le virus, ou de multiplier les lits de réa comme son fils l’avait fait jadis avec le pain, histoire de ne pas gâcher une pareille occasion.

Reste donc l’invasion de Martiens en mal du pays ayant voulu reproduire les conditions de leur planète pour faire des selfies au-dessus des Alpes. Ca se tient, mais ça n’est pas l’explication la plus probable. Il fallait donc trouver autre chose.

Pour ma part, j’en suis resté au truc bizarre soulignant l’imminence de la fin des temps. D’abord parce que je trouvais ça plus poétique, mais aussi et surtout parce qu’étant passionné de météo, je savais qu’il ne s’agissait que d’un phénomène bien connu : des poussières de sable du Sahara transportées par un violent flux de sud en altitude depuis le désert jusqu’à nos contrées. Une situation qui se produit en général au moins une fois par an, mais rarement de façon si généralisée et aussi intense. Et plutôt au printemps qu’en hiver.

Qu’importe. Voilà donc qu’en plus des plaies du moment (pandémie, réchauffement, inondations, confinement, et fin de la saison 4 de The Crown sur Netflix) le Boss nous envoyait depuis le bled un avant-goût de la fin du XXIème siècle, quand, d’après les projections de Météo France, le climat français pourrait devenir aussi chaud qu’à Tamanrasset en été… Et même s’il n’y a aucun rapport entre ce phénomène météo déjà souvent observé et le changement climatique, il faut bien avouer que tout ce qui touche au ciel ravive les traces de notre héritage néandertalien, et lorsque le cerveau reptilien prend les commandes, on a vite tendance sinon à flipper, au moins à se dire qu’on est bien peu de chose et à se fier à n’importe qui…


C’est en montagne que l’ambiance était la plus bizarre


D’où la stupéfaction incrédule ce matin-là de nombre de nos concitoyens devant ce spectacle surréaliste. Car la lumière était véritablement étrange. Toutes les couleurs semblaient se noyer dans ce camaïeu d’ocre, depuis les murs jusqu’aux toits, depuis les fleuves encore marrons de leur crue récente jusqu’aux cieux, ni gris ni bleus, mais bien oranges.

Cette lumière qui semblait ne venir de nulle part a d’ailleurs enflammé la toile, les journaux, et sidéré les vacanciers dans les Alpes qui ont bien cru s’être trompés d’adresse tant les paysage enneigés, à certains endroits, ressemblaient à la dune du Pilat.

Car c’est en montagne que l’ambiance était la plus bizarre. Les étendues blanches n’avaient plus rien d’étincelantes, et les rares randonneurs qui s’aventuraient dans ce paysage monochrome skiaient sur une fine couche de poussière jaune donnant aux paysages des allures d’Atlas.

Ajoutez à cela des domaines fermés pour les raisons que l’on connait, et vous changez d’époque, et même de monde. Des remontées mécaniques désertes en pleines vacances de février, des pistes désertes, une montagne déserte, et le sable du désert pour souligner cette impression de fin d’un monde… Le tout dans une ambiance rougeoyante qui, allez savoir, a peut-être attiré la soucoupe de nos visiteurs.

Heureusement que je savais qu’il ne s’agissait que de poussière et de vent. Sinon, j’aurais bien pu me retrouver sur le selfie interplanétaire des Martiens, au sommet du Crey du Quart, à l’endroit même où la webcam a immortalisé cet instant un peu fou, dans notre monde de dingues.

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