Le 18 septembre 2010, un plaisancier découvrait le cadavre d’un homme mort dans une tente sur la côte sauvage du Lac du Bourget en Savoie. Isabelle André, psychologue spécialisée en criminologie, lance un appel pour retrouver d’éventuels proches de « l’inconnu du lac », en Bretagne et Normandie.
Le moins que l'on puisse dire, c’est qu’Isabelle André est pugnace. Voilà cinq ans qu’elle enquête sur cette affaire, cinq ans qu’elle tente de redonner une identité à un homme de cinquante ans, morts en 2010.
Tout commence en 2015. Déjà spécialisée en criminologie, Isable André prépare alors son mémoire en criminalistique. Cette discipline embrasse l’ensemble des techniques mises en œuvre par la justice et les forces de l’ordre pour établir la preuve du crime et identifier son auteur (anthropométrie, médecine légale, toxicologie, etc.).
A la télévision, elle tombe sur un documentaire consacré aux enterrés sous X. Dès lors, Isabelle André va se passionner pour ces hommes et ces femmes privés d’identité. Elle parcourt les cimetières de la région à vélo. Lorsqu’un jour elle découvre la tombe de M. X dans le carré des indigents à Aix-les-Bains. Cette sépulture, c’est celle de l’inconnu du lac.
Après quelques recherches administratives, Isabelle André apprend que le cadavre de cet homme a été découvert le 18 septembre 2010. Ce jour-là, un plaisancier entre dans dans une tente qui l’intrigue. Il l’a remarquée depuis quelques jours sur la côte sauvage du lac du Bourget. Il tombe avec effroi sur le cadavre d’un homme, un sac poubelle sur la tête, maintenu par du scotch.
Quelques affaires personnelles, mais pas de carte bleue ou de pièce d’identité. Un portrait-robot de cet homme âgé de cinquante ans est diffusé. Mais personne ne vient réclamer le corps de celui que la presse appelle « l’inconnu du lac ». Les enquêteurs concluent à un suicide par asphyxie.
Qui était l’inconnu du lac ?
Quatre ans après les faits, Isabelle André va se heurter à quelques difficultés administratives. Avec l’autorisation du procureur de la République de Chambéry, elle accède au dossier. Elle va mener sa propre enquête, retrouver les témoins entendus à l’époque. Des plaisanciers, qui pour certains, ont parlé avec l’inconnu du lac. Elle apprend ainsi qu’il n’avait pas d’accent et n’était pas de la région.
Pourtant il semblait connaître les lieux, car l’accès à cette plage sauvage du lac du Bourget n’est pas facile à trouver. Isabelle André a une théorie. « Les personnes qui partent sur la route et choisissent de vivre librement sont souvent dans des réseaux » explique-t-elle. « Sans doute cet homme était-il un routard », poursuit-elle, « il a pu être accueilli à un moment par les compagnons d’Emmaüs par exemple, et se renseigner sur la région ».
Au fil du temps, Isabelle André se fait une idée plus précise du profil de l’inconnu du lac. Dans ses affaires, les enquêteurs ont retrouvé un portefeuille avec le drapeau des Iles Tobago (Antilles), un bonnet de Saint James et une carte de l'Atlantique Nord. « C’était peut-être un ancien marin de la marine marchande, certainement quelqu’un qui a voyagé et voulait avoir ces souvenirs avec lui, ça comptait pour lui » avance-t-elle.
Isabelle André est persuadée que l’homme est originaire du Nord-Ouest, de Bretagne ou de Normandie. C’est pourquoi elle lance aujourd’hui un appel dans les médias. Dans l’espoir que quelqu’un, quelque part, reconnaisse le visage de l’inconnu du lac.
Et si c’était un homicide ?
Mais il y a plus. Isabelle André a l’intuition qu’il s’agit peut-être d’un homicide. Pour deux raisons. D’abord parce plusieurs témoins évoquent la présence d’une femme sur la plage. Pendant plusieurs jours, elle se serait tenue à l’écart de la tente, plutôt vers les bosquets, comme pour se cacher.
Il y a aussi l’avis de deux médecins légistes que la psychologue a contactés. D’après eux, les blessures constatées sur le cou de l’homme, il n’aurait pas pu se les infliger.
Mais le but premier d’Isabelle André n’est pas de rouvrir le dossier pour homicide.
« Ma victoire, ce serait de redonner un nom à cet homme » confie la psychologue. « Je pense souvent à lui, je me dis que c’est triste qu’il soit tout seul dans sa boîte, que peut-être quelqu’un le cherche ».
Si vous disposez d’informations et souhaitez la contacter, écrivez-lui par mail à l’adresse suivante : isabelle.andre5@orange.fr.
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