Les colonies de vacances, qui pourront rouvrir à partir du 22 juin, se préparent à accueillir des jeunes cet été. Mais certaines associations craignent la mise en place de normes trop strictes qui porteraient atteinte à l'esprit des colos.
Reverra-t-on les jolies colonies de vacances telles qu'on les connaît ? Embrassades sur le quai de la gare, dortoirs où les enfants se regroupent le soir, grandes tablées le midi... Autant de pratiques qu'il faudra revoir, ou abandonner, la faute au nouveau coronavirus. Fermées depuis mars, elles vont pouvoir rouvrir dans "tous les départements" à partir du 22 juin, a annoncé jeudi Edouard Philippe.
En Savoie, les professionnels du secteur retiennent leur souffle, dans l'attente des modalités qui iront avec cette autorisation. "Au-delà des questions économiques, on ne veut pas que la sécurité physique fasse obstacle à la sécurité affective", estime David Seignobos, directeur administratif de l'association Les Florimontains en Savoie.
Ce centre de vacances, au pied des montagnes entre Albertville et Annecy, accueille une centaine de jeunes par été. Et déjà, l'activité promet d'être impactée par la crise sanitaire. "Nos inscriptions sont en stagnation depuis le début du confinement. Il y a eu un petit rebond, c'est encourageant, mais on attend les annonces gouvernementales", ajoute M. Seignobos.
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, avait déjà fait quelques annonces sur cette reprise. Interrogé par les députés, il a dit vouloir "permettre à plus d’enfants de partir en colonie de vacances" cet été. Des séjours qui s'inscriront "dans un cadre régional parce que ça sera peut-être difficile de se déplacer".
"S'épanouir, rire, partager"
Des protocoles respectant les gestes barrières et la distanciation sociale sont envisagés par les différents centres. En espérant que les mesures dictées par le gouvernement ne soient "pas trop contraignantes et abusives". "Forcément, les mineurs ne vont pas s’abstenir d’interagir physiquement entre eux, argue David Seignobos. C'est un temps de vacances où il ne doit pas y avoir trop d’interdits, de pression permanente pour que les jeunes puissent s’épanouir, rire et partager."
L'association savoyarde s'est joint au collectif Camps colo pour interpeller le Premier ministre sur l'avenir du secteur. "Le silence actuel du gouvernement sur la question des colos est particulièrement difficile pour les associations : la saisonnalité de l’activité, la crise de plus de 20 ans que vit le secteur, l’impossibilité actuelle d’obtenir des prêts ou des aides pour les trésoreries et surtout l’impossibilité de se projeter pour les mois qui viennent renforcent les risques de disparition des structures", peut-on lire dans ce courrier que France 3 Alpes a pu consulter. "C’est un siècle et demi de patrimoine culturel, éducatif, une école du faire société qui risquent de disparaître, si rien n’est fait", pointe le collectif.
Parmi ses revendications, il y a la création d'un fonds spécifique de soutien aux colonies de vacances. "Il faudrait que le ministère aide les familles au travers d'un chèque colo qui concernerait tout le monde", poursuit David Seignobos. Car le risque, c'est aussi de voir disparaître la "mixité sociale" qui fait l'identité des colonies de vacances, estime pour sa part Eric Dally, président de la Fédération départementale du tourisme social des deux Savoie (FDTS).
Maintenir la "mixité sociale"
L'enjeu est de séduire à nouveau les familles des "classes moyennes", celles qui ne sont pas éligibles aux aides sociales sans disposer des ressources suffisantes pour payer un séjour à leurs enfants. "Nous sommes en tension entre la nécessité de salut public pour ces familles qui ont besoin de souffler, la responsabilité que les choses se passent bien, et que ça ne soit pas un enfer pour les enfants", juge Eric Dally.
Le président de la FDTS, qui a écrit une lettre au préfet de la Savoie et au président du conseil départemental, affirme avoir reçu des retours "positifs", avec notamment la mise en place d'aides pour les petites structures. "Mais personne n'a de baguette magique" et les plus petites associations pourraient se retrouver en péril, nuance-t-il. "Le tourisme à vocation sociale n’a pas pour but de faire de l’argent, donc c'est un secteur très tendu économiquement."
Crise sanitaire oblige, le nombre de jeunes risque d'être limité dans les colonies et centres de vacances. Certaines associations se préparent donc à une "année blanche", en espérant poursuivre leur activité l'été prochain. Malgré le couperet qui pèse de plus en plus lourd sur l'été, David Seignobos "reste confiant", espérant que la peur du virus ne condamne pas les vacances des jeunes. Une période qui s'annonce salutaire après deux mois de confinement.