Le promoteur immobilier Promogim a été condamné pour avoir collaboré avec un sous-traitant polonais qui faisait travailler ses ouvriers étrangers illégalement en France sur un chantier à Pringy, en Haute-Savoie. Une première dans le monde du bâtiment, au moment où le travail détaché fait polémique.
La Cour d'appel de Chambéry a condamné la société Promogim à 210.000 euros d'amende pour "complicité de travail illégal", dans un jugement daté du 7 novembre. Selon la fédération du bâtiment de Haute-Savoie, partie civile, c'est la première fois qu'un donneur d'ordres est condamné pour les actions de son sous-traitant. Cette décision pourrait faire jurisprudence, alors que la polémique fait rage sur le travail détaché et la directive européenne qui l'encadre.
Jusqu'ici, la justice s'était bornée à condamner les seuls sous-traitants pour les conditions de travail irrégulières dans lesquelles ils plongent leurs travailleurs détachés. "Avec ce jugement, les maîtres d'ouvrages ne peuvent plus rejeter la responsabilité sur les sous-traitants. Ils savent que lorsque ça dérape, ils peuvent être inquiétés", se réjouit Renaud Collard de Soucy, le président de BTP74.
Payés comme en Pologne
Promogim a été condamné pour un chantier de 43 logements à Pringy (Haute-Savoie), dirigé par une de ses filiales. En 2007, le maître d'oeuvre confie les travaux de maçonnerie à la société turque Pala, pour un prix très bas. Ce tarif ultra-compétitif s'explique: le maçon sous-traite les travaux à une entreprise polonaise, Manualis, qui exporte ses ouvriers en France en tant que travailleurs détachés. Payés comme en Pologne, les ouvriers travaillent également dans des conditions d'hygiène et de sécurité non conformes.
"Il y avait manifestement un chantier qui était sorti des clous", selon Renaud Collard de Soucy. Alertée, la fédération s'est portée partie civile dans l'affaire, après une inspection du chantier en 2008. Après une première condamnation par le tribunal correctionnel d'Annecy, Promogim a été condamné en appel le mois dernier et ne compte pas se pourvoir en cassation.
Les maîtres d'ouvrages considérés comme co-responsables
"Quand il achète une prestation à un prix anormalement bas, le maître d'ouvrage est tenu de se poser des questions", a maintenu Thierry Terbins, secrétaire général de la fédération. Depuis une loi de 2011, les maîtres d'ouvrages sont considérés comme co-responsables des chantiers de leurs sous-traitants. Mais pour Promogim, ce principe est inadapté au bâtiment.
"C'est impossile pour nous maîtres d'ouvrages, d'aller vérifier sur chacun des chantiers les conditions dans lesquelles les ouvriers travaillent", a regretté le patron du promoteur, Christian Rolloy. Il assure que le prix de la prestation avait "paru normal" à Promogim, qui dirige actuellement plus de 150 chantiers dans l'Hexagone.
Le bâtiment est en 2013 le premier secteur à recruter des travailleurs détachés, selon un récent rapport du ministère du Travail. Le BTP concentre ainsi 42% de jours travaillés de salariés détachés en France, en équivalent temps plein.