En marge des épreuves de ces Championnats du monde de ski alpin 2023, tout un travail de l'ombre est effectué sur le choix des skis, de leur fartage et de leur affutage. Reportage avec ceux qui permettent de "gagner des centièmes".
Les remontées mécaniques viennent tout juste d'ouvrir et le soleil n'a pas encore gagné toute la vallée de la Tarentaise. Romain, Alex et Thomas sont pourtant sur les pistes de Courchevel depuis 7h30. Les trois compères sont des testeurs de skis pour une marque iséroise. Leurs essais sont un travail de l'ombre, en marge des compétitions, mais qui permettent aux skieurs professionnels de gagner de précieux centièmes.
Il fait -11 degrés, ce jeudi matin. La neige, elle, atteint les -17,2 degrés. Un temps glacial mais idéal pour reproduire les conditions de pistes lors des courses officielles. Pour cause, l'Eclipse, piste sur laquelle se déroulent des compétitions masculines, alterne de grandes zones d'ombre, avec une neige très froide, et des segments plus ensoleillés.
Le travail des trois testeurs consiste à enchaîner les descentes, tout schuss, sur une piste longue de 200 mètres. Les descentes sont ensuite analysées, scrutées de très près pour savoir quels skis choisir : "On a un système de chronométrage portatif, qui reste sur le testeur. Il nous enregistre des données tout le long de la descente. Ce sont des données GPS très précises, uniques au monde. Grâce à ces données, selon les vitesses et le profil de la piste, on va pouvoir sélectionner les meilleurs skis", raconte Romain Emptaz, responsable testeur pour la marque.
Ca peut permettre d'aller chercher une médaille. C'est un sport qui se joue au centième.
Romain Emptaz, responsable testeur de skis.
Au total, ils vont essayer près de 35 paires de skis pour plusieurs athlètes de nationalités différentes, tous sous contrat avec le même équipementier. Parmi eux : le Suisse Loïc Meillard, la Française Romane Miradoli ou encore l'Allemande Kira Weidl.
Au terme des essais, les testeurs vont fournir un "résultat informatisé" au technicien de l'athlète : "Nous allons ensuite échanger avec lui sur quels skis choisir, pourquoi et comment. Certains athlètes sont partie prenante dans ces échanges", ajoute Romain, qui admet que leur travail "peut donner un avantage aux skieurs" : "Certes, ce n'est pas un gros avantage mais ça peut permettre d'aller chercher une médaille. C'est un sport qui se joue au centième."
Le fartage, l'autre clé
Quelques bâtiments préfabriqués se font face sur un parking de Méribel, lieu des compétitions féminines lors de ces Championnats du monde. Les fines parois ne suffisent pas pour atténuer les vrombissements des machines. A l'intérieur, plusieurs techniciens affiliés à des fédérations s'appliquent à farter et à affûter les carres de skis.
Mauro Timon travaille pour la Fédération française de ski depuis une dizaine d'années. Il est originaire de Bardonèche, en Italie, à moins de dix kilomètres de la frontière avec la France. Après un passé dans l'armée italienne, il a été successivement coach puis technicien au haut niveau.
Ce jeudi, il s'occupe notamment des skis de la Savoyarde Laura Gauché et de la Marseillaise Camille Cerutti. "Laura a réalisé de très bons entraînements ce matin, elle est arrivée cinquième, c'est du bon travail", se réjouit Mauro. C'est lui qui détermine quels produits utilisés pour le fartage des skis. Ce choix se fait, là aussi, en fonction des conditions météorologiques et du profil de la piste.
Après le fartage, c'est au tour de l'affûtage des carres. Mauro passe différentes limes sur les côtés des skis. Le geste est minutieux, plein de maîtrise. Plus la piste a tendance à être verglacée, plus les carres seront aiguisées jusqu'à devenir de véritables lames de rasoir.
"Le bon choix peut faire gagner des centièmes. On ne peut pas faire de miracle. Celui qui dit faire des miracles, ce n'est pas vrai. C'est l'athlète qui fait des miracles", témoigne Mauro. Reste à savoir si les bons choix seront faits pour samedi, 11 heures, au moment où les descendeuses françaises s'élanceront du portillon de départ.É