Les Suisses se sont exprimés lors d'une votation cruciale, ce dimanche. Ils ont notamment dit non à une limitation de l'immigration des ressortissants de l'UE et ont plébiscité un congé paternité de deux semaines.
Une participation très élevée et des résultats tranchés. Appelés aux urnes dimanche 27 septembre, les Suisses ont dit non à une limitation de l'immigration des ressortissants de l'Union européenne. Au grand soulagement des milieux économiques, les électeurs ont rejeté à 61,7% l'initiative populaire lancée par la droite populiste de l'UDC, premier parti du pays, qui dénonce "une immigration incontrôlée et démesurée". Il juge les emplois menacés par l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) signé en 1999 avec l'Union européenne (UE).
Un résultat tranché d'autant plus parlant que le taux de participation a été très élevé, autour de 59%. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué comme un "signal positif" le vote des Suisses. Si les sondages laissaient à penser que le cavalier seul de l'UDC était voué à l'échec, le résultat n'en était pas moins le plus attendu parmi toute une série de sujets sur lesquels les Suisses ont eu à se prononcer, comme le veut la tradition de la votation. Le congé paternité de deux semaines a également été plébiscité alors que les jeunes pères n'avaient jusqu'ici droit qu'à un jour ou deux.
Pas d'entrave aux frontaliers
A l'exception de l'UDC, tous les partis et milieux économiques s'étaient fermement prononcés en faveur de frontières ouvertes avec une UE qui est le plus important partenaire commercial de la Suisse. Et les régions frontalières suisses dépendent fortement de la main d'oeuvre venue des pays voisins par dizaines de milliers tous les jours.
Pour autant, ce oui ne veut pas dire que les relations avec l'UE sont sans nuages. Depuis plusieurs années, Bruxelles souhaite conclure un accord-cadre institutionnel avec Berne pour simplifier les relations bilatérales. Cet accord est loin de faire l'unanimité, à gauche comme à droite.
Initiative UDC de limitation: légère corrélation entre la part d'étrangers et le % de oui en Suisse romande et en Suisse allemande. Pas au Tessin.
— Valentin Tombez (@ValentinTombez) September 28, 2020
Comme en 2014 (initiative immigration de masse), les régions avec le moins d'étrangers ont le plus soutenu l'initiative. #CHvote pic.twitter.com/Wm4gRAcC9h
L'UDC entend "s'assurer qu'on ne rentre pas petit à petit dans l'Union européenne", a souligné Céline Amaudruz, une des responsables du parti sur la chaîne publique RTS. A l'inverse, le chef du groupe parlementaire socialiste au Parlement Roger Nordmann estime que les Suisses ont signalé leur attachement aux relations bilatérales, qui fonctionnent bien depuis 20 ans. "La Suisse envoie aujourd'hui un signal fort à l'Europe", a-t-il déclaré sur RTS.
Il y a seulement six ans, les Suisses avaient approuvé, à une très courte majorité mais à la surprise des experts, une première initiative populaire de l'UDC réintroduisant des quotas de migrants, notamment européens. Craignant des représailles de l'UE, Berne avait adouci le texte de mise en oeuvre de l'initiative.
Le congé paternité plébiscité
Le large oui au référendum sur le congé paternité permet à la Suisse de rattraper un peu de son retard face à ses pairs en Europe. "Le congé paternité dispose enfin de plus de temps qu'un déménagement", a déclaré Adrian Wüthrich, membre du comité en faveur du congé paternité. Si depuis 2005, la loi accorde aux mères en activité 14 semaines de congés payés après la naissance d'un enfant, les pères eux n'avaient droit qu'à un ou deux jours s'ils sont employés. Et rien pour les indépendants.
"Ce résultat montre que la société a évolué et que l'heure n'est plus à un modèle où la femme doit rester à la maison", souligne Philippe Gnaegi, le directeur de Pro Familia, un groupement d'organisations familiales, cité par l'agence ATS. Plus de 60% des électeurs se sont prononcés en faveur de cette mesure. Après d'innombrables tentatives, le parlement fédéral a adopté en septembre 2019 un congé paternité de deux semaines. Il restait aux Suisses à se prononcer par référendum.
Chasse et avions de chasse
Les Suisses ont en revanche rejeté à 51,9% une révision de la loi sur la chasse adoptée par le Parlement face à la progression du nombre de loups, selon la dernière projection de l'institut de sondage gfs.bern. Les cantons peuvent actuellement autoriser un tir lorsqu'un loup cause des dégâts importants mais la révision aurait permis d'agir de façon préventive.
Ils ont adopté à une majorité encore plus courte (50,1%), l'enveloppe maximale de 6 milliards de francs (5,6 milliards d'euros) qui permettra aux forces aériennes de se doter d'une nouvelle flotte. Les Forces aériennes disposent aujourd'hui de 26 F-5 Tiger d'une quarantaine d'années et ne servant plus qu'à l'instruction et de 30 F/A-18 qui devront être retirés du service vers 2030.
Smic de 4 086 francs à Genève
Les Genevois se sont également rendu aux urnes dimanche pour s'exprimer sur un autre sujet : le salaire minimum à 23 francs suisses (21 euros) de l'heure pour tous ceux qui travaillent dans cette ville, l'une des plus chères du monde. Cette mesure sociale a été adoptée avec 58% des voix. Le salaire minimum garanti sera donc de 4 086 francs suisses par mois pour 41 heures de travail hebdomadaire, une rareté en Suisse. Genève n'est que le troisième canton à l'adopter, après le Jura et Neuchâtel.
Les partis de gauche et les syndicats avaient présenté la mesure comme un moyen de lutte contre la pauvreté et la précarité. La pandémie de Covid-19 frappe durement une ville dépendant beaucoup du tourisme, des voyages d'affaires et des va-et-vient de milliers de diplomates, experts et autres hauts-fonctionnaires se rendant dans les nombreuses agences de l'ONU basées dans la ville.
La pauvreté y est de plus en plus visible. Il n'est pas rare de voir de longues files d'attente lors de distributions de nourriture ou d'autres biens de première nécessité.