Ils sont dix et ils vont parcourir 800 kilomètres à pied de Marseille à Paris pour défendre l’égalité parentale. « La marche des pères » demande notamment à ce que la résidence alternée soit érigée en principe de base lors de séparation. Ils font escale à Saint-Rambert-D’albon et vont passer plusieurs jours dans notre région.
L’enfant. Son intérêt. Et son bien-être. C’est en réalité ce qui est au cœur de la démarche de ces pères qui ont pris la route. Et de ces mères aussi. 8 hommes, 2 femmes, 37 jours de marche. Leur sujet : l’égalité parentale. Leurs revendications : faire de la résidence alternée un principe de base, renforcer la loi pour les non-représentations d’enfant, prendre des mesures contre l’éloignement géographique volontaire.
« Parce qu’un enfant a le droit de profiter de ses deux parents, c’est ce qu’il y a de mieux pour son bien-être et toutes les études scientifiques le prouvent », affirme Rémy Martineau, membre du collectif et père marcheur.
Le sujet n’est pas nouveau. Il s’invite régulièrement sur la scène médiatique, s’immisce souvent dans les projets et propositions de loi, et pourtant, il patine, peine à avancer réellement. C’est ce qui a motivé ces parents à monter le collectif. De Bordeaux, Nice ou Strasbourg, ils ont tous connu des difficultés familiales à la suite d’une séparation et se sont rencontrés sur internet. Pendant un an, ils ont préparé leur grand projet : 33 villes traversées. 14 départements. Et une grande manifestation à l'arrivée à Paris. Ils sont partis de Marseille le 10 novembre et font actuellement étape dans le Rhône.
La France, en retard par rapport à ses voisins européens
« Nous ne sommes pas là pour défendre nos cas particuliers, nous sommes là pour que change le code civil », assure Rémy Martineau. Père d’un enfant de 4 ans et séparé de sa maman, il n’a pas obtenu la résidence alternée. Et pourtant,
« je n’habitais pas loin, j’avais un bon travail, un bon salaire, un domicile pour accueillir mon fils. Je n’ai pas compris... Je me suis renseigné et j’ai découvert qu’il y avait un grand dysfonctionnement dans notre pays. La décision avait en fait déjà été prise avant même que je ne rentre dans ce bureau ».
Rémy Martineau
En France, la garde alternée n’est accordée que dans 12% des cas. Contrairement à la Suède, la Belgique ou même l’Italie, où le chiffre s’élève à 48%, 37% et 40%. Alors comment expliquer un tel retard ?
« En France, l’intérêt de l’enfant n’est pas suffisamment défini par la loi », regrette Rémy Martineau, « c’est donc au juge de décider selon ses convictions personnelles, et les décisions sont différentes si vous habitez à Nice, à Toulouse ou à Paris. C’est un peu comme si vous tiriez une grande roue et en fonction de là où la bille va retomber, on décide ou pas si vous pourrez voir votre enfant… »
C’est un début de réponse. « Et puis en France, on considère qu’il y a un lien d’attachement principal à préserver, qui est souvent attribué à la mère, et des liens complémentaires. Mais dans les autres pays et dans de nombreuses études scientifiques, on parle de complémentarité des liens, et ils sont tous nécessaires à l’enfant », ajoute Nicolas Duchêne, père de deux enfants et participant à la marche.
Faire évoluer la loi
Nicolas Duchêne, qui a vu, lui, la mère de son fils, déménager à plus de 700 km. Du grand classique. Et pourtant, le sujet reste tabou. « C’est compliqué, parce qu'on se heurte notamment à la liberté de circuler, mais il y a un grand vide juridique à ce propos ». Notamment en ce qui concerne l’éloignement géographique volontaire, c’est-à-dire lorsqu’un parent décide de déménager pour couper volontairement les liens avec l’autre parent. Dans ces cas-là, le collectif demande à ce que la résidence principale soit transférée d’office vers le parent restant.
Et des propositions détaillées, le collectif n’en manque pas . Dans leur charte pour l’égalité parentale, il dénonce également la non représentation de l’enfant (NRE), c’est-à-dire un parent qui refuse à l’autre le droit de le voir. En France, 68% des plaintes déposées pour NRE ne sont pas sanctionnées. Alors que la loi prévoit jusqu'à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amendes pour ce type d'infraction. « Vous n’imaginez pas le nombre de messages de parents désespérés que l’on reçoit tous les jours… », assure Rémy Martineau.
Ces revendications et ces propositions, les militants veulent les porter devant l'Assemblée Nationale, où ils sont attendus le 17 décembre. « On sent que la société est prête à évoluer sur ces questions, il y a un engouement médiatique, beaucoup de gens nous soutiennent. Mais du côté du gouvernement, c’est silence radio. On dirait que le sujet est tabou, que ça dérange, et on ne comprend pas pourquoi ».
Sensibiliser la population
« Mais le but, c’est surtout d’alerter l’opinion, de sensibiliser », affirme Nicolas Duchêne.
On veut aussi redorer l’image de la paternité, remettre de l’équilibre dans la parentalité. La place du père a évolué dans la société, de nombreux papas s’occupent de leurs enfants et même, les élèvent seuls. Un enfant a DEUX parents !
Nicolas Duchêne
Pari déjà réussi, puisque du soutien, le collectif n'en manque pas. Pas un jour, depuis leur départ, sans une demande d'interview, ou un message réconfortant. Que cela soit des internautes, des habitants des villages qu’ils traversent ou des élus. Une pétition a même été lancée sur les réseaux sociaux, elle totalise presque 44 000 signatures.