Le procès en Allemagne d'un ex-infirmier d'Auschwitz âgé de 95 ans, en poste lors de l'arrivée du convoi d'Anne Frank, a été ajourné au 14 mars peu après son ouverture lundi, l'aptitude médicale de l'accusé, absent à l'audience, faisant débat.
Hubert Zafke a été examiné dimanche par un médecin, qui a "fait état de pensées suicidaires, d'une réaction de stress et d'hypertension", concluant qu'il n'était "pas en état" d'être transporté ni d'être jugé, a annoncé à 9h le président du tribunal, Klaus Kabisch. Les parties civiles, qui dénoncent la partialité du tribunal et son peu d'empressement à juger Hubert Zafke, ont aussitôt réclamé une contre-expertise. L'audience a été suspendue, après des échanges tendus et sarcastiques entre les parties civiles et le président qui a prévu une reprise des débats le 14 mars. La veille l'accusé devra être examiné par un expert.
Hubert Zafke doit répondre de "complicité" dans l'extermination d'au moins 3 681 hommes, femmes et enfants juifs gazés dès leur arrivée dans le camp emblématique de la Shoah, entre le 15 août et 14 septembre 1944. L'accusation couvre 14 convois de déportés arrivés à Auschwitz en provenance de Lyon, Rhodes, Trieste, Mauthausen, Vienne et Westerbork. Dans ce dernier train, ultime convoi parti du camp de transit néerlandais, se trouvaient Anne Frank, ses parents Otto et Edith ainsi que sa soeur aînée Margot.
- 'Faibles capacités cognitives'-
La famille de l'adolescente recluse deux ans à Amsterdam pour échapper aux nazis, dont le journal intime est devenu mondialement célèbre, a survécu à la "sélection" entre les déportés aptes au travail et ceux qui étaient immédiatement gazés. Edith est morte d'épuisement en janvier 1945 à l'infirmerie d'Auschwitz et ses deux filles, transférées à l'automne 1944 à Bergen-Belsen, y ont succombé début 1945 avant l'arrivée des troupes britanniques. Il n'est pas sûr que le procès de M. Zafke, fils de paysan engagé à 19 ans dans les Waffen SS, aille jusqu'à examiner ces trajectoires.Les débats achoppent en effet sur la santé de l'ancien soldat, qui avait rejoint Auschwitz en octobre 1943 après avoir combattu à l'Est en 1941 et s'être brièvement formé mi-1942 pour rejoindre "l'unité sanitaire" des SS. En juin 2015, le tribunal avait d'abord décidé de ne pas le juger, de premières expertises ayant conclu qu'il était incapable de participer aux débats.
Cet avis a été invalidé en appel, un nouvel expert jugeant que Hubert Zafke disposait certes de "faibles capacités physiques et cognitives" mais n'était pas "totalement inapte". Avant même l'examen de l'accusé dimanche par un nouveau médecin, le tribunal avait prévu de remettre cette question médicale sur la table. Une attitude jugée suffisamment choquante par les parties civiles pour qu'elles soupçonnent le tribunal de partialité et déposent une demande de récusation, tout comme l'a fait, chose rarissime, le parquet. La demande a été rejetée le 18 février.
- Enjeu symbolique -
Le professeur de droit Cornelius Nestler, qui conseille des personnes souhaitant se porter parties civiles, impute au tribunal "une façon de faire qui rappelle les stratégies utilisées dans les procédures liées au national-socialisme dans les années 1960 et 70". A l'époque, on permettait "clairement aux prévenus d'éviter une poursuite justifiée en raison d'une prétendue incapacité à comparaître", a-t-il expliqué dans un mémoire soutenant la récusation.Le dossier Zafke fait partie d'une douzaine de procédures encore en cours contre d'anciens SS, quelques mois après la condamnation à quatre ans de prison d'Oskar Gröning, ex-comptable d'Auschwitz. Depuis le 11 février, Reinhold Hanning, un ancien garde du même camp de 94 ans, est, lui, jugé à Detmold (ouest). Ces procédures tardives illustrent la volonté allemande de juger "jusqu'au dernier" les criminels du IIIe Reich, après des décennies d'un bilan judiciaire décrié, marqué par de rares et faibles condamnations.
Défendu par Peter-Michael Diestel, dernier ministre de l'Intérieur de RDA devenu avocat à succès, Hubert Zafke vit depuis 1951 à proximité de Neubrandenbourg, où il a travaillé jusqu'à sa retraite dans les moulins locaux, chargé de la lutte c ontre les animaux nuisibles.
Hubert Zafke encourt de 3 à 15 ans de prison pour "complicité de meurtres aggravés", un enjeu essentiellement symbolique vu son âge.
Le dernier convoi lyonnais à destination d'Auschwitz ...
Hubert Zafke a exerçé différents fonctions à Auschwitz. Il a notamment vu arriver le dernier convoi parti de Lyon Perrache le 11 août 1944. Voir ou revoir le reportage de S.Cozzolino, P.Perrel, C.Thomas - 8/2/16
Hubert Zafke a exerçé différents fonctions à Auschwitz. Il a notamment vu arriver les Juifs en provenance de Lyon, du dernier convoi parti de Perrache... Reportage S.Cozzolino, P.Perrel, C.Thomas - 8/2/16
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