Audi Quattro, Lancia Delta, Renault 5 Turbo... Elles sont toutes là, 60 ans après, pour briller de nouveau sous les projecteurs. Tous les bolides qui ont fait l'époque glorieuse des rallyes, sont présentés en ce moment dans une exposition évènement à Turin. Le fruit d'une passion : celle d'une famille italienne qui élève l'automobile au rang d'objet d'art.
"Avec cette Lancia Delta Intégrale, j'ai tout gagné...Depuis sa naissance en 1986, et jusqu'en 1992, j'étais même le pilote test de la marque pour toutes les améliorations techniques qui lui ont été apportées au cours de son existence".
Ce n'est pas sans émotion que le double champion du monde des rallyes, Miki Biasion, a retrouvé le bolide qui l'a fait roi, en son temps.
C'est que toutes les voitures prestigieuses présentées jusqu'au 2 mai prochain au MAUTO (Museo Nazionale de l'automobile) de Turin ont représenté, entre le début des années 60 et le début des années 1990, l'élite de ce que les connaisseurs appellent encore : "L'âge d'or des rallyes".
Un âge d'or commencé en mode "Mini"
"Ce sont les constructeurs anglais, les premiers, qui ont eu l'idée de créer une compétition avec des voitures construites en grande série", explique Stefano Macaluso, le commissaire de l'exposition.
Ce n'est donc pas pour rien si le bolide qui ouvre le bal est une rutilante "Mini Cooper", celle-là même qui est entrée dans la légende avec son pilote, le "Finlandais volant", Timo Mäkinen lors du rallye des 1000 lacs en 1967.
"Avant de gagner l'épreuve pour la troisième fois, il a réussi l'exploit de parcourir les douze derniers kilomètres sans visibilité, la tête penchée à la fenêtre de sa Mini", explique aux nombreux visiteurs de l'exposition Darko Viel, l'un des guides du musée turinois. "Son capot était venu s'écraser contre le pare-brise, il lui masquait complètement la vue !"
Une histoire parmi tant d'autres, que le jeune passionné connait par cœur. Et qu'il se charge avec délectation de conter à ses nombreux visiteurs. "C'est la première fois que l'on organise une exposition aussi importante sur cette période de gloire des rallyes automobiles", explique encore Darko. "Les 19 voitures présentées sont non seulement des bêtes de course, mais ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'elles sont toutes en parfait état de marche ; même après autant d'années. Ça impressionne les spécialistes qui ont vécu cette époque. Quant aux personnes qui ne connaissent rien au monde des rallyes, elles ressortent avec l'envie d'aller voir des courses".
Une collection amassée depuis la fin des années 80
Parfaitement illustrée par une bande-son réalisée avec force ronflements de moteur, crissements de pneus et clameurs de public, il ne manque finalement à l'exposition montée par Stefano Macaluso que l'odeur d'essence et de gomme brûlée. Pour partager cet ingrédient incontournable des courses d'époque, il faut donc se rendre sur les circuits des rallyes sur asphalte, terre ou glace et neige...de ce 21ème siècle... Quand c'est encore possible !
"Avant, pour admirer les acrobaties des pilotes, il fallait se déplacer sur les épreuves spéciales", se souvient Miki Biasion. "Aujourd'hui avec les réseaux sociaux, on a peut-être plus les odeurs de la course, mais on peut vivre les compétitions, en sécurité et en direct intégral de son fauteuil".
"Oui, l'intérêt du public a changé avec l'évolution des technologies de communication...mais je peux vous garantir que la passion pour les rallyes reste intacte de nos jours", commente pour sa part, un autre visiteur du musée, le pilote en exercice Simone Campedelli.
Une passion qui n'a jamais quitté la famille chez les Macaluso, en tous cas. C'est grâce aux véhicules collectionnés depuis 1987 par Gino, le papa (champion d'Europe de rallye 1972), que le Mauto de Turin a pu organiser cet exposition sur l'âge d'or.
"Il a passé sa vie à chercher les voitures de compétition de cette époque," explique son fils Stefano, qui après la mort de son père en 2010 a repris le flambeau de la fondation aux côtés de sa mère et de son frère.
"Il a été l'un des premiers à comprendre leur valeur historique". L'un des premiers aussi à sentir le vent tourner dès le début des années 1990, avec l'arrivée en masse de l'électronique embarquée.
"Grâce à ses contacts dans le monde de la compétition, il a recueilli alors nombre de voitures qui ne pouvaient plus faire de courses, pour les restaurer et les maintenir en vie".
40 voitures mythiques qui tournent comme des horloges...suisses !
Résultat : un patrimoine d'une quarantaine de véhicules au total. Des voitures grand public, de luxe toujours, mais surtout nombre de celles qui ont souvent décroché la lune des rallyes les plus mythiques. Des puissantes mécaniques dont Domenico aime s'occuper. Après plus de 40 ans de bons et loyaux services pour le département compétition d' Abarth notamment, c'est à la fondation Macaluso qu'il est venu offrir ses services. "Plus par divertissement qu'autre chose, avoue-t-il. Parce qu'à mon âge, d'ordinaire, on est en retraite".
Mais pour ce "médecin" des vieilles gloires des rallyes, la passion des moteurs est trop forte. Refaire un bloc V6 Ford Cosworth, pour lui est un amusement. Redémarrer une fois de temps en temps un moteur de Ferrari ou de Lancia Beta Monte Carlo Turbo, c'est comme écouter une symphonie. Alors n'allez pas lui parler capteurs électroniques ou voitures électriques.
"Il faut avoir beaucoup de respect pour conduire toutes ces voitures. Les pilotes de maintenant sont habitués à avoir de l'électronique partout. Ils ne sont pas très adaptés à les conduire", explique le mécanicien dans une moue dubitative. Il leur faudrait accorder beaucoup trop d'attention pour épargner la mécanique et tenir compte de l'usure de la voiture, par exemple. A l'heure actuelle, le pilote fait le pilote...et puis c'est tout."