Du haut de ses 140 ans, il est l'un des plus anciens tramways au monde. La "dentiera" relie la rive du Po à la basilique de Superga qui surplombe Turin, en Italie. Ce tram à crémaillère n'est pas seulement un joli train historique, il est un monument à lui tout seul. Embarquez pour un voyage historique au délicieux goût "rétro".
"Plus que 3 minutes avant le coup de sifflet du chef de gare...Il est grand temps d'embarquer." Immergées dans le flot des touristes qui se pressent aux portes des deux voitures du tram "Sassi-Superga", Vittoria et Miriam n'ont pas de temps à perdre. Là-haut sur la colline, à la basilique, on les attend pour prendre leur service. L'une, pour encadrer les files d'attente à l'entrée. L'autre pour faire visiter la crypte royale des ducs de Savoie.
"Le plus vieux tramway au monde encore en service continu"
Moyennant 4 euros, il leur faudra une vingtaine de minutes pour arriver à destination. Plus cher que le bus, plus contraignant que la voiture... mais tellement plus enivrant ! "Moi, je conseille toujours aux touristes de monter à la basilique par ce tram. Par une journée aussi claire qu'aujourd'hui, regardez un peu le paysage que l'on peut admirer", explique, les yeux brillants, Miriam.
"Pour un Turinois, c'est une vraie tradition de prendre ce train. Mais c'est aussi un grand voyage dans le temps grâce ses intérieurs tout en boiseries de la "Belle Époque", s'enthousiasme sa collègue Vittoria.
Un voyage commencé il y a pas moins de 140 ans. Après un an de travaux, la voie ferrée reliant Turin à sa colline la plus haute (650 mètres) était officiellement inaugurée en 1884, à l'occasion de l'exposition générale italienne de Turin.
"À ma connaissance, c'est le plus vieux tramway au monde encore en service continu", précise Davide Fenoglio, l'historien de l'Association turinoise des trams historiques (ATTS).
Jusqu'à 21 % de pente !
"Pour monter les 13,5 % de pente moyenne de la ligne, le premier système adopté à l'époque était différent de celui, à crémaillère, que l'on utilise aujourd'hui. Il s'agissait d'un système de traction par câble d'acier. Il courait le long de la voie ferrée grâce à des poulies disposées sur les 3,1 kilomètres de la ligne. Il était mis en mouvement par un moteur à vapeur situé dans la gare de départ et tractait ainsi le tram jusqu'en haut."
Un système remplacé dans les années 1930, par une motrice équipée d'un moteur électrique. Située à l'arrière du convoi, c'est elle qui pousse depuis, les deux voitures des origines : mises en service lors de l'inauguration du tramway des collines...en 1884 !
"La crémaillère (la "dentiera", ou "dentera" en piémontais, NDLR) qui donne son nom au tram a été positionnée à cette époque au centre de la voie", explique Gian Carlo Boero, le chef de gare, avant d'empoigner son sifflet pour donner le signal du départ.
Un point de vue unique sur Turin et son histoire
Un peu plus de trois kilomètres plus loin, c'est un panorama unique qui attend les habitués de la "dentiera" et les nombreux touristes du jour. Tous ravis, généralement, du voyage. Comme cette "Nonna" (Mamie) turinoise : "C'était la première fois que mes petites filles de deux et quatre ans la prenaient. Ce qui les a fait hurler de joie ? Mais le bruit du train et puis surtout, ses coups de sifflet !"
Plus pressées de descendre, Miriam et Vittoria dont l'heure de la prise de service approche. Direction : la basilique de Superga qui surplombe de quelques mètres, la petite gare d'arrivée.
Un édifice monumental, chargé d'histoires. Religieuses, au commencement, comme souvent en Italie. "Avant sa construction, décidée par le duc de Savoie, Vittorio Amedeo II au 18ème siècle, il n'y avait que des bois ici", explique Daniele Ballarin, chargé de la gestion du site. "Au milieu, trônait une statue de la Sainte Vierge pleine de grâce, protectrice de la ville de Turin".
Est-ce à elle que le duc de Savoie doit sa victoire sur l'armée de Louis XIV en 1706, lors du siège de Turin par les Français ? Le prince du Piémont le crut, en tout cas suffisamment pour y faire édifier une basilique. Et même y reposer après sa mort ; suivi en cela par une soixantaine de membres de la dynastie de Savoie lui ayant succédé au cours des siècles.
"Toutes les tombes de la famille n'ont pas pu être accueillies dans la crypte de la basilique", explique Vittoria. "Par exemple, les rois d'Italie issus de cette dynastie ne sont pas ici mais au Panthéon de Rome ou à l'abbaye d'Hautecombe en Savoie. Mais c'est tout de même l'ensemble des ducs et rois du Piémont-Sardaigne du XVIIIe siècle jusqu'à l'unité d'Italie qui reposent ici".
Des religieux, des touristes, des Turinois férus d'histoire, des royalistes en pèlerinage, et même des "tifosi" (supporters) du Torino, l'un des deux clubs de football de Turin : les raisons ne manquent pas de prendre le petit tram des collines.
"Beaucoup de personnes viennent ici pour se recueillir sur le lieu du drame de 1949, quand l'avion de l'équipe multichampionne d'Italie, dite du 'Grande Torino', s'est écrasé au pied de la basilique", explique encore Daniele Ballarin. "Il y a tant de motivations différentes qui poussent les gens à monter ici."
Sans compter la recherche d'un petit coin de fraîcheur en altitude, qui ne manquera sûrement pas d'animer les passagers du petit tram des collines, cet été.