A l’occasion du Grand débat national, France 3 Auvergne et France Bleu Pays d’Auvergne vous proposent une émission spéciale consacrée aux attentes et aux propositions formulées lors des réunions locales dans les territoires. Emission à voir dimanche 10 février à 11h30 sur France 3 Auvergne.
Sur les ronds-points et dans les manifestations, en Auvergne, comme partout en France, les gilets jaunes sont descendus dans la rue pour exprimer leurs revendications : pouvoir d’achat, fiscalité, démocratie et citoyenneté, services publics, mobilité, etc. Dimanche 10 février, France 3 Auvergne et France Bleu Pays d’Auvergne ont décidé de consacrer une émission commune sur les attentes et premières propositions formulées dans les débats locaux sur la vie des territoires.
Quatre thèmes ont été retenus par la Président de la République pour le Grand Débat en France du 15 janvier au 15 mars.
- La transition énergétique
- La fiscalité et les dépenses publiques
- La démocratie et la citoyenneté
- L’organisation de l’Etat et des services publics
En Auvergne, il a beaucoup été question de pouvoir d’achat, services publics dans les territoires (c'est-à-dire hors des chefs-lieux), mobilités et participation à la vie politique (dans son sens le plus large, c'est-à-dire la participation à la prise de décisions). Pour débattre autour de ces thèmes, quatre invités :
- Louis Chambon, maire du Falgoux (Cantal)
- Pascal Baudelot, Maire de Lenax, petit village de l'Allier qui a reçu dernièrement la visite surprise d'Edouard Philippe à l'occasion d'un grand débat.
- Bernard Boissier, Président du Collectif de Défense et de Développement des Services Publics en Combrailles (Puy-de-Dôme)
- Flavien Neuvy, Directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile, Conseiller départemental du Puy-de-Dôme, Maire de Cébazat.
De l’utilité d’un grand débat…
Bernard Boissier, président du collectif de défense et développement des services publics en Combrailles est dubitatif sur la finalité et l’utilité du Grand débat : « Personnellement, je ne crois pas trop au grand débat. Je ne dis pas que c’est inutile. Un débat, cela doit être au sens large du terme, alors que là il est un peu biaisé, restreint sur 4 thèmes. Je pense qu’il y a d’autres sujets d’importance qui n’ont pas été retenus ».
« Les Français attendent des actions concrètes pour améliorer leur quotidien », a insisté, quant à lui, Louis Chambon, maire du Falgoux (Cantal)
Pascal Baudelot, maire de Lenax, qui a organisé un débat (en présence du Premier Ministre) est plus enthousiaste : « Je pense que c’est très utile d’organiser ces débats, donner la parole aux citoyens et surtout les entendre pour faire remonter leurs revendications principales ».
Flavien Neuvy, maire de Cébazat et conseiller départemental du Puy-de-Dôme a également organisé ces échanges citoyens : « J’ai trouvé que le débat était constructif. Les gens avaient vraiment envie de faire passer des messages. Cela permet aux Françaises et aux Français qui le souhaitent de s’exprimer sur des sujets très différents. La vraie question est de savoir ce qu’en fera le Président de la République. Y aura-t-il un référendum ? Les Français qui ont participé à ce grand débat ont envie que cela se traduise par quelque chose de concret ».
Le pouvoir d’achat
La hausse du prix des carburants a été l’élément déclencheur de la colère des gilets jaunes. Très rapidement, c’est la question du pouvoir d’achat qui s’est imposée comme la première revendication. Des difficultés pour boucler les fins de mois qui ne surprennent pas Daniel Bideau, administrateur national de l’UFC Que Choisir : « Les consommateurs sont vraiment dans des grosses difficultés financières. L’UFC Que Choisir a démontré, au fil de ses enquêtes, de ses études, que ces difficultés n’étaient pas près de s’atténuer si on ne prenait pas des mesures efficaces ». Et de poursuivre : « L’UFC Que Choisir a chiffré plusieurs mesures qui permettent d’économiser jusqu’à 9 milliards d’euros sans toucher à la fiscalité, ce qui est énorme mais nécessite un courage politique. Nous, nous pensons qu’en fait le consommateur paye beaucoup plus et qu’il perd beaucoup plus d’argent en termes de pouvoir d’achat. Et ce pouvoir d’achat, c’est réellement quelque chose de très important, d’essentiel pour l’UFC Que Choisir puisque c’est effectivement avec cet argent que les consommateurs peuvent vivre ».
Sentiment de vivre à crédit, peur du lendemain, difficultés à honorer ses factures ou tout simplement ne pas parvenir à subvenir aux besoins les plus élémentaires : dans les débats, la question de la justice sociale et de la réduction des inégalités sociales s’est naturellement imposée. Pour exemple, dans le département de l’Allier, 15% des ménages vivent sous le seuil de pauvreté.
« Autour du pouvoir d’achat, il y a la question de la hausse des salaires qui revient et il y a un sujet dont on ne parle pas : sur ce problème de niveau de vie, on ne parle pas du prix de l’immobilier. Quand vous avez un loyer mensuel de 600 euros, que vous êtes une maman seule avec 2 enfants avec un salaire de 1300 euros, ça vous prend 50% de vos revenus et derrière vous n’avez plus grand-chose pour faire les courses tout simplement », déplore Flavien Neuvy.
La question du pouvoir d’achat ne concerne pas que les citadins. Exemple au Falgoux, petite commune du Cantal de 160 habitants. « Je suis sur un territoire où on a essentiellement des retraités avec des petits revenus. Avec l’augmentation du prix du carburant, alors qu’on fait beaucoup de kilomètres et que nous n’avons pas de transport en commun, il y a un sentiment général de vivre à crédit. Au-delà du Falgoux, c’est vrai pour la société entière. Le pouvoir d’achat, malgré les statistiques de l’INSEE qui ont l’air d’être dans le vert, les gens, eux, ont l’impression d’être dans le rouge », insiste le maire du village.
Les services publics
La France privilégie-t-elle les métropoles aux territoires ruraux ? Le monde rural a un sentiment d’abandon rappellent régulièrement des maires de ces petites communes. Un point de vue relayé par un certain nombre de participants aux échanges du Grand débat national qui expriment les difficultés à maintenir l’activité économique dans ces territoires. Fin janvier, lors d’une réunion organisée à Lenax, petit village de moins de 300 habitants, dans l’Allier, le Premier Ministre Edouard Philippe avait été interpellé sur la fermeture des commerces "dans nos beaux villages". "On est tous attachés à avoir un petit café où on peut se réunir, il faut vraiment nous aider", avait lancé un habitant. « Ici il faut neuf mois pour voir un spécialiste, plus d'une semaine pour un généraliste », poursuivait une autre habitante.
Santé, école, Sécurité sociale, CAF, pôle emploi, bureaux de poste, gendarmeries, etc., font l’objet, depuis des années, de réorganisations, mutualisations, modernisations et rationalisations des implantations. La question de l’impôt et de son utilisation apparaît en filigrane.
Pour Sacha Leduc, sociologue à l’université d’Auvergne : « L’impôt et les taxes posent la question de « qui paie ? » mais aussi de « qu’est-ce qu’on fait de cette contribution et donc d’une certaine façon pose la question de l’Etat et de son action, de sa mise en œuvre par les services publics. La modernisation des services publics est un phénomène qui n’est pas nouveau, on ne peut pas faire comme si, par exemple, la désertification médicale en particulier, la fermeture d’hôpitaux, de maternités de proximité ça venait juste d’arriver. Disons que ça fait 30 ans que l’Etat fait face à un défi qui est : comment faire avec toujours moins de moyens dans un contexte d’augmentation des demandes de la part des usagers, des demandes de plus de soins, de plus de sécurité, de plus d’éducation, etc. ».
Ce sentiment d’abandon des territoires ruraux, Bernard Boissier le partage : « Sur notre territoire des Combrailles, on doit avoir 4 classes qui vont fermer, la trésorerie de Saint-Gervais d’Auvergne a été fermée au 31 décembre, le collège de Giat a fermé en début d’année scolaire ».
Le maire de Lenax, quant à lui, évoque les solutions mises en œuvre dans sa commune pour « servir davantage » ses administrés : « Depuis le 1er janvier, nous avons installé un point informatique communal au sein de la mairie et qui n’a rien coûté aux contribuables puisque les ordinateurs ont été offerts par le Conseil départemental et le 2 avril prochain ouvrira une agence postale communale dans la mairie pour essayer de rapprocher davantage de services publics au sein de notre collectivité ».
Alors que les dotations de l’Etat aux communes baissent régulièrement comment les communes peuvent-elles répondre aux besoins des administrés ?
« Les dépenses publiques pèsent lourd au niveau national. Les marges de manœuvre, à mon avis, sont assez limitées sur le plan budgétaire. La question est de savoir comment on peut transformer les choses, inventer le service public de demain, sachant que c’est très difficile pour les communes qui sont dans des zones rurales », constate Flavien Neuvy, maire de Cébazat. Et de poursuivre : « Les maires ont été mis au second plan depuis plusieurs années. Grâce à cette crise des gilets jaunes, à Paris ils se sont rendu comptes que les maires existaient encore et qu’ils pouvaient servir à quelque chose. De plus on souffre depuis plusieurs années de ne plus avoir de politique d’aménagement du territoire (…) Il faut arrêter d’enlever des compétences aux communes, il faut arrêter de les étrangler financièrement. Plus on est proche du terrain plus on est efficace et moins on fait d’erreur ».
La mobilité
L’Auvergne est marquée par un grand éclatement de l’habitat. Les alternatives à l’automobile ne concernent pas la majorité de la population. Aussi, la question de la mobilité est primordiale. « Sans voiture dans les Combrailles, on ne se déplace plus, on ne va pas travailler, on ne va plus faire les courses. La voiture est essentielle à la vie de tous les territoires ruraux », insiste Bernard Boissier.
Au-delà du passage à 80 km/h qui, en dépit de la baisse de la mortalité sur les routes, est loin de faire l’unanimité dans l’opinion publique, beaucoup s’interrogent sur la question des déplacements. Comment améliorer l’existant dans un contexte d’augmentation des prix du pétrole ? Y a-t-il une opposition entre ceux qui utilisent leur voiture et qui roulent majoritairement au diesel (après y avoir été longtemps incités) et ceux qui voudraient privilégier des déplacements verts ? Peut –on, dans ces territoires où les trajets sont très variés, inventer de nouvelles mobilités comme l’auto-partage, le co-voiturage régulier ou occasionnel ? Est-ce aux collectivités locales de s’en charger et comment ?
Dans le petit village du Falgoux, « On fait de l’entraide et de la solidarité » pour les transports, explique le maire qui dénonce l’abandon des pouvoirs publics. « La solution est compliquée parce que le transport c’est coûteux », regrette-t-il.
« Dans nos territoires, on croit beaucoup à l’entraide et à la solidarité » insiste le maire de Lenax.
« Vu de Paris, la voiture n’est pas un objet nécessaire au quotidien. Quand vous habitez Paris vous avez tous les transports publics à disposition mais dans le reste de la France la voiture est bien souvent une obligation. Elle fait souvent figure de coupable idéal, mais lorsqu’on tape sur la voiture on tape aussi sur l’automobiliste qui dépense beaucoup d’argent pour se déplacer, pour aller travailler, pour aller chez le médecin, pour vivre », a conclu Flavien Neuvy, Directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile et maire de Cébazat.