C'est l'une des meilleurs formations amateurs au monde. L'Orchestre des nations puise son inspiration au coeur du quartier diplomatique genevois. Découverte à l'occasion d'un concert donné à l'aube, les pieds dans l'eau du lac Léman.
Leurs yeux sont encore embrumés du voile laissé par une nuit trop courte, mais les spectateurs sont là, pour la dernière des "Aubes musicales" de l'Orchestre des nations. En seulement 11 ans d'existence, cette formation de musiciens amateurs a su fédérer un public assez fidèle pour accepter de se lever bien avant l'aurore de ce beau dimanche d'été. Tout cela pour une promesse : celle d'un singulier réveil en musique, sur le célèbre quai des Pâquis de Genève, avec pour toile de fond le lever du soleil sur le lac Léman.
A la baguette, le fondateur, Antoine Marguier. En 2011, l'idée du clarinettiste professionnel, pédagogue et chef d'orchestre reconnu, se lance un défi : "créer à Genève le meilleur orchestre d’amateurs du monde". L'idée est aussi de créer une ouverture du quartier de la diplomatie genevoise vers le reste de la ville et la France voisine. Ainsi naît un ensemble de haut niveau ouvert à tous les musiciens non professionnels, résidants de la région au sens large et unis par la même passion musicale.
Quand je me suis établi à Genève il y a 20 ans, je me suis tout de suite demandé dans quel quartier je pourrais installer un orchestre. Il y avait déjà une offre très riche en la matière… Mais j'avais repéré ce petit coin de ce qu'on appelle la "Genève Internationale". C’est une vraie ville dans la ville, où il n'y avait pas de musique.
Antoine Marguier, chef de l'Orchestre des nations
"Au début, on s'est appelés "Orchestre des nations unies". Mais ça n'a pas duré très longtemps car les gens faisaient trop souvent la confusion avec l'ONU, en croyant que l'on était affilié à eux." Exit donc les "nations unies". La formation change de nom mais conserve sa dimension internationale, reflet de la diversité de musiciens issus des nombreux pays qui se côtoient dans la "ville-monde".
Ils sont médecins, infirmières, professeurs ou encore chercheurs à l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire... Tous ont suivi des études instrumentales avant de s'orienter vers une autre carrière. "Etre amateur, ça se dit de quelqu'un qui aime, souligne Antoine Marguier, comme les amateurs de vins qui parfois en savent autant que les grands oenologues. Un musicien amateur, ça ne veut pas forcément dire : qui joue moins bien."
Mozart puis à l'eau
Ce dimanche 20 août, Mozart, Ravel, Massenet ou Respighi sont au programme. Un répertoire qui a nécessité de nombreuses répétitions et pour lequel le chef exige le professionnalisme. Les troupes sont prévenues : "Pour ce qui est du travail à la maison, vous mettez le paquet !" Récompense de ce travail : au fil des années, des dizaines de grands noms de la musique classique sont venus honorer l'orchestre de leur présence. Le violoncelliste français Gauthier Capuçon, la soprano américaine Renée Fleming, ou le chef d'orchestre franco-italien Roberto Benzi ont ainsi figuré sur l'affiche de ses concerts.
Un peu avant 8h, le concert s'achève. Le soleil surplombe désormais le lac Léman quand le chef repose sa baguette. Les panoplies de concertistes sont remplacées par des maillots ; l'orchestre se jette à l'eau et part rejoindre les baigneurs dans le lac Léman. C'est aussi cela, "l'énergie pop" que le chef suisse et ses musiciens entendent continuer "d'envoyer dans toutes les oreilles".