Le lynx avait complètement disparu des Alpes. En toute discrétion, le félin magnifique fait son retour. Depuis 2017, les spécialistes de la faune sauvage sont sur ses traces entre Isère et Savoie. Grâce à leurs caméras automatiques, ils nous dévoilent les secrets de l'insaisissable animal.
Autrefois présent dans toutes les forêts d'Europe, le lynx avait totalement disparu des Alpes au début du vingtième siècle. A cause de la chasse et du déboisement notamment.
A partir des années 70, le félin est réintroduit dans le Jura suisse, puis dans les Vosges. Depuis, il fait un retour très discret jusque dans nos montagnes alpines.
Grâce aux caméras automatiques, vulgairement appelées "pièges photos", le lynx nous apparaît enfin. En forêt, son refuge naturel, vous pouvez passer juste à côté de lui sans le voir. C'est lui qui vous observe, tapi dans l'ombre.
Quand il se dandine, sa démarche rappelle celle du chat. Mais le lynx est beaucoup plus gros, à peine moins haut (environ 60 centimètres au garrot) et lourd (environ 20 kilos) que sa proie principale : le chevreuil.
Ce prédateur arbore un pelage-camouflage très efficace. Du haut des arbres, caché dans le feuillage, c'est lui qui nous surveille, plutôt que le contraire ! Il a aussi une détente foudroyante. Et une dentition redoutable.
A l'affût, il s'approche très doucement de sa proie, puis bondit pour la saisir à la gorge avec ses puissantes canines. "Il peut s'attaquer à des ongulés aussi gros, aussi puissants que lui" explique Benoît Maréchal, de l'OFB Savoie.
Le lynx vit solitaire. Sur un territoire immense. Plus de 200 kilomètres carrés pour un mâle. "Pour se signaler à ses congénères, des mâles de passage, ou des femelles à la recherche d'un partenaire, il marque des points de repère, des rochers notamment, en urinant" décode Benoît Maréchal.
C'est ce qu'on appelle le "marquage" de territoire, souvent enregistré sur les vidéos des caméras automatiques.
La présence du lynx en Chartreuse est attestée depuis 1990. Mais on n'en savait pas beaucoup plus, ni sur ses effectifs, ni sur sa reproduction, ni sur la pérennité de l'espèce dans ce massif, très au Sud de son aire de réintroduction, le Jura suisse.
Les rares individus observés étaient-ils juste de passage ? Ou pouvait-on imaginer que le lynx s'installe et colonise ce territoire ? La Chartreuse était-elle la frontière méridionale de son expansion ?
Pour tenter de répondre à toutes ces questions, les spécialistes de la faune sauvage ont développé un véritable réseau d'observateurs, bénévoles et professionnels. En Chartreuse, ils sont une trentaine, chasseurs, naturalistes amateurs, experts de l'OFB, l'Office Français de la Biodiversité (ex-ONCFS) et des territoires protégés comme la Réserve Naturelle des Hauts de Chartreuse, dans le Parc Naturel Régional de Chartreuse.
Ces observateurs ont déployé toute une batterie de caméras automatiques qui ont permis de capturer l'image du discret félin. De mieux étudier son comportement, et d'identifier précisément chaque individu.
Les taches sont sa carte d'identité
La disposition des taches sur le pelage est propre à chaque animal. "Il garde les mêmes motifs tout au long de sa vie. C'est sa carte d'identité" explique Jérôme Bailly, garde technicien au Parc Naturel régional de Chartreuse.
L'OFB centralise dans un fichier national l'ensemble des images enregistrées. En comparant les pelages, grâce à un logiciel dédié, inventé spécialement pour les félins, les spécialistes peuvent reconnaître chaque individu.
Ainsi, depuis 2017, plus de 200 photos et vidéos ont permis d'identifier 7 lynx en Chartreuse. Mais sans preuve de reproduction pour l'instant. Le nombre d'animaux "contactés" simultanément reste faible.
Un véritable corridor forestier a été mis en évidence depuis le Jura suisse. Les lynx font des aller-retour entre Chartreuse et Jura, en passant par le Bugey, le Mont du Chat et la Montagne de l'Epine.
Pour savoir si le lynx est juste de passage en Chartreuse, ou s'il colonise vraiment ce territoire, il faudra encore attendre. Les spécialistes ont récolté quelques indices, mais ils attendent de véritables preuves pour attester la reproduction.
L'heureux évènement a bien eu lieu, en 2016, mais une quarantaine de kilomètres plus au Nord. Au dessus du lac du Bourget, dans le massif du Clergeon, une femelle et ses trois petits ont été filmés par une caméra automatique.
Toutes les observations sont bonnes à prendre. Ouvrez donc l'oeil quand vous vous promenez dans les forêts de Chartreuse.
Sachez que vous pouvez y voir, certes avec beaucoup de chance, non pas un mais deux félins. Le lynx, et le chat forestier, tout aussi méconnu.
N'hésitez donc pas à contacter le Parc de Chartreuse si vous avez la chance d'apercevoir l'une ou l'autre de ces espèces. Vous pouvez joindre le Parc au 04 76 88 75 20
Notre reportage avec les spécialistes du Parc de Chartreuse et de l'OFB ce 9 mars 2021 en Chartreuse