Le maillot jaune, devenu un symbole, un Graal, fête en juillet ses cent ans d'existence. Son histoire commence à Grenoble, en 1919, Eugène Christophe est alors le premier à le revêtir.
Les cent ans du maillot jaune coïncideront le 19 juillet, à Pau, avec le seul contre-la-montre de la prochaine édition qui partira à la fin de la semaine prochaine de Bruxelles. Cent ans plus tôt, la tenue de lumière faisait une furtive apparition dans le peloton du Tour, le premier organisé après la Grande Guerre.
Jaune, comme la couleur du papier d'imprimerie du journal organisateur L'Auto, l'ancêtre de L'Equipe. Jaune, pour "reconnaître le leader" suivant le souhait de Henri Desgrange qui avait créé le Tour en 1903, seize ans plus tôt : "A l'avenir, le routier figurant à la première place du classement général sera porteur d'un maillot spécial."
Une première en 1919
Eugène Christophe, le héros du Tourmalet qu'il avait dévalé à pied pour réparer sa fourche cassée à la forge du village de Sainte-Marie-de-Campan en 1919, est le premier à le revêtir à Grenoble. Mais le "Vieux Gaulois" (alors âgé de 34 ans) échouera à le ramener à Paris. A cause d'une réparation trop longue dans l'avant-dernière étape. Le début d'une série de rebondissements, d'exploits et de coups de théâtre qui racontent une aventure toujours renouvelée.Un siècle plus tard, le Tour rend hommage au champion qui a porté l'habit d'excellence le plus souvent (97 jours, mais 111 fois si l'on tient compte des demi-étapes aujourd'hui oubliées). Son directeur Christian Prudhomme l'affirme, "partir de Bruxelles, la ville d'Eddy Merckx, relevait de l'évidence". M-E-R-C-K-X, six lettres tout en haut de la pyramide des 266 maillots jaunes, devant deux autres quintuples vainqueurs, Bernard Hinault et Miguel Indurain.
Un maillot "pour la vie"
En 2012, Eddy Merckx, le plus grand champion de l'histoire (et le deuxième à gagner cinq fois le Tour après l'inoubliable Jacques Anquetil), a récupéré sa place. Lance Armstrong, le plus grand imposteur de l'histoire, l'en avait délogé durant l'interminable séquence de 1999 à 2005. Avant de tomber définitivement après une enquête menée -quel retournement !- à partir des accusations de Floyd Landis, lui aussi tricheur de grand calibre déclassé de sa victoire de 2006 pour dopage.Parfois sali voire souillé, souvent honoré, le maillot jaune a sublimé des carrières, il a surtout embelli des existences. "Il permet de trouver des ressources insoupçonnées dans des moments difficiles", souligne Thomas Voeckler, le Français qui l'a porté le plus souvent au XXIe siècle. "Cela reste pour la vie", confirme Tony Gallopin, le dernier Français à s'en être paré. C'était en 2014, il y a cinq ans, la plus longue attente que le cyclisme français a connu hors période de guerre.
Un avant et un après
En dehors de la course, il y a un avant et un après, conviennent tous ceux qui ont eu le bonheur de le porter. Ils sortirent de l'obscurité, brièvement ou définitivement, au début (ainsi, pour Thomas Voeckler et Fernando Gaviria durant la décennie actuelle), au coeur (Vincenzo Nibali, Greg Van Avermaet, Peter Sagan) ou dans la dernière partie (Mark Cavendish, Geraint Thomas) de leur carrière.L'injustice l'accompagne parfois. Des coureurs de l'importance de Raymond Poulidor jadis, de Nairo Quintana, Thibaut Pinot et Romain Bardet aujourd'hui, l'ont seulement approché, jamais endossé. Une constante, tout comme son adaptation à son époque. L'ancien morceau d'étoffe colle désormais aux nouvelles technologies du textile, pour preuve la combinaison high-tech prévue pour les contre-la-montre.
Le symbole du Tour épouse son temps, jusque dans sa dimension économique. Depuis 1948, il dispose d'un sponsor particulier dont il porte en évidence le nom de la marque, à côté des initiales de son créateur (Henri Desgrange). Après toutes sortes de firmes (apéritif, essence, bière, crème glacée...), il est soutenu depuis 1987 par la banque LCL issue du Crédit Lyonnais. La seule assurée d'être en haut du podium final le 28 juillet, dans la lumière finissante des Champs-Elysées.