Le conflit opposant les avocats et le ministère de la justice autour de la réforme de l'aide juridictionnelle est entré dans sa troisième semaine. A Caen, la grève a débuté ce lundi
Après deux semaines de bras de fer, la tension ne retombe pas entre le ministère de la justice et les avocats. La grève se propage au fil des jours dans tout le pays. "Lundi à la mi-journée, sur 164 barreaux en France, il y en avait 156 en grève de l'aide juridictionnelle (aucun avocat commis d'office désigné) et parmi ces barreaux en grève, 93 étaient en grève générale (appel à ne plaider aucune affaire)", indique Conseil national des barreaux (CNB).
Le barreau de Caen est entré dans le mouvement ce lundi. Une soixantaine d'avocats se sont invités à une audience pour faire entendre leurs revendications. "Tous les barreaux de France sont en grève depuis lundi jusqu'à mercredi et probablement jusqu'à vendredi avec probablement derrière encore la grève la semaine prochaine", déclare Me Ariana Weben, ancien bâtonnier de Caen, "Nous maintiendrons notre mouvement tant que cette réforme ne sera pas anéantie, annulée". Les avocats d'Alençon et de Coutances participent eux aussi au mouvement.
Au coeur du conflit, la réforme de l'aide juridictionnelle portée par la garde des sceaux. L'aide juridictionnelle , un acte relevant de la charité devenu un service public en 1972 et doté d'un barème propre de rémunération en 1991, n'a pas été revalorisée depuis 2007. Christiane Taubira souhaite relever le plafond de revenus des bénificiaires (ils seraient désormais 1 million à pouvoir en bénéficier), refondre le barême de rémunération des actes et faire participer les barreaux au financement de cette aide via un prélèvement de quinze millions d'euros en 2016-17 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses gérées par les avocats (Carpa).
Concernant ce dernier point, la ministre a annoncé renoncer à demander une participation financière des barreaux. La profession attend maintenant des garanties sur ce sujet. Mais elle réclame surtout à présent une revalorisation de la rémunération des avocats alors que certaines procédures voient leur tarification diminuer. "Pour défendre une personne menacée d'expulsion devant le tribunal d'instance, nous percevons aujourd'hui 136 euros net pour tout la procédure: rendez-vous, entretiens téléphoniques, la procédure écrite, l'audience, le compte-rendu d'audience et les conseils", explique Me Ariana Weben, "Demain, pour cette même procédure, nous percevrons 50 euros. La profession ne tiendra pas".
Les négociations entre le ministère et la profession ont reprise ce lundi place Vendôme. De leurs côtés, les avocats caennais ont invité leurs homologues de toute la région à les retrouver ce mercredi pour une assemblée générale au cours de laquelle ils décideront de la suite du mouvement.
Reportage d'Hélène Jacques et Pauline Latrouitte
Intervenants:
- Morgane Forestier, avocate
- Ariane Weben, ancienne bâtonnière du barreau de Caen